Le circuit professionnel mondial pourrait s’apparenter à une petite communauté. En déplacement autour du globe une bonne partie de l’année, ce sont des dizaines de personnes qui voyagent ensemble : mêmes avions, mêmes hôtels, mêmes restaurants etc. Parmi eux, des surfeurs pro bien sûr, mais aussi, les juges, les officiels de l’ASP, les photographes et journalistes, les familles, les coachs sportifs (de plus en plus)…
Un univers de privilégiés bien sûr, mais avant tout de passionnés, que l’on a décidé de vous présenter dans cette nouvelle rubrique appelée « Saga World Tour« . Et c’est le photographe Peter « Joli » Wilson qui ouvre le bal. Fort de 40 ans d’expérience, dont 20 passées sur le Tour, il demeure un monstre sacré dans le domaine de la photo de surf. Il continue d’ailleurs de suivre le circuit mondial avec la même passion qu’à ses débuts et peut se targuer d’avoir assisté à l’ascension de surfeurs de talent comme Kelly Slater, Andy Irons, ou les « Coolie Kids » que sont Parko, Mick Fanning et Dean Morrison.
A l’occasion du Rip Curl Pro Search Puerto Rico, Surf Session est allé à la rencontre de ce grand monsieur, qui nous en dit un peu plus sur sa profession. Magnéto :
Beaucoup de gens ne vous connaissent que par votre surnom : Joli. Pouvez-vous expliquer d’où il vient ?
Lorsque je travaillais pour Quiksilver pendant les années 80, mes photos étaient publiées avec mon nom (Wilson). Quand je suis parti, j’ai eu besoin de changer de nom pour éviter que les gens continuent de m’associer à Quiksilver. Le nom de mes grands-parents est « Jolly ». Sachant que « joli » en Français signifie beau, ma femme et moi avons décidé de garder le mot français. Nous venons régulièrement en France depuis une vingtaine d’années et nous nous sommes mariés un 14 juillet… Nous trouvons la France sympathique (prononcé en Français) !
« Ma première photo de surf a été publiée en 1972. »
Quand et comment avez-vous commencé la photo ?
Mon grand-père était un bon photographe amateur et il m’a appris les bases de la photo. La première photo que j’ai développée était une photo de moi avec ma planche de surf. J’avais 14 ans à l’époque. Je l’ai toujours, c’est une photo en noir et blanc prise par mon grand-père. Le surf et la photo ont toujours été mes deux plus grandes passions. J’ai par la suite travaillé comme assistant photographe pendant quelques temps, puis au sein du ministère de la défense australien, et à l’université. Ma première photo de surf a été publiée en 1972. Je travaille à mon compte depuis 1988-89. Depuis cette date, je couvre le surf professionnel et des surf trips.
Vous travaillez désormais avec votre femme. Quelle est son rôle ?
Oui nous travaillons ensemble. Elle ne se considère pas photographe, même si certaines de ses photos ont déjà été publiées. Elle prend des photos avec des angles différents. Elle m’aide beaucoup pour l’administration, le site internet. Et puis nous voyageons bien tous les deux.
Avec combien de magazines travaillez-vous ?
J’ai des clients dans à peu près tous les pays où l’on surfe à travers le monde. J’essaie de travailler avec un magazine par pays mais je travaille aussi avec des sites web et différents magazines à différents moments. C’est le bon côté de travailler en freelance… Je ne suis lié par contrat avec aucun magazine. Le prix de l’indépendance : je n’ai pas perçu de salaire fixe depuis 21 ans. J’ai souvent du mal à convaincre les gens que je ne suis pas riche. Mais c’est un choix de vie que j’ai fait et dont je me satisfais.
« J’ai réalisé que je devais m’adapter si je voulais continuer à vivre de ma passion. »
Comment l’arrivée d’internet a-t-elle changée votre manière de travailler ?
Internet a bouleversé ma façon de travailler. Au-delà de l’aspect matériel, c’est la rapidité avec laquelle circulent les informations qui me rajoute plus de pression : je dois fournir mes photos plus rapidement à mes clients. L’immédiateté implique de travailler plus vite. Mais j’ai choisi d’adopter les nouvelles technologies et je n’ai pas peur de les utiliser. J’ai réalisé que je devais m’adapter si je voulais continuer à vivre de ma passion. Je suis prêt à m’adapter encore et je m’informe tous les jours pour suivre l’évolution des technologies.
En démocratisant la photo, la technologie a fait baisser la valeur du travail d’un photographe professionnel. Il y a dix ou douze ans, tu avais une pellicule de 36 prises, tu allais à Pipe et tu devais faire très attention à ne pas gâcher une seule photo, attendre le bon moment, faire attention à la lumière etc. Aujourd’hui, avec une carte mémoire de 16 ou 32 Go, tu peux prendre des milliers de photos. Bien sûr il y aura quelques bonnes photo
s dans le lot mais ça change la manière de travailler. Tout comme quelqu’un peut prendre une photo avec son téléphone depuis la plage et la mettre directement sur Facebook ou Twitter. La différence avec un photographe professionnel est qu’il peut fournir des photos de qualité à chaque compétition. Désormais, mes archives ont énormément de valeur à mes yeux. C’est ce que je laisserai en héritage en quelque sorte.
Combien de mois par an êtes-vous en voyage ?
Je dirai entre six et huit mois par an. J’ai la chance de pouvoir voyager dans des endroits magnifiques. Le reste du temps, j’habite à Coolangatta, sur la Gold Coast. Je suis né à environ 80 km de Torquay, où je vais surfer depuis que j’ai 14-15 ans. J’apprécie le temps que je passe en Australie car beaucoup de surfeurs du CT vivent sur la Gold Coast. Je n’ai donc pas besoin d’aller très loin pour continuer à travailler ! J’ai de très bonnes relations avec la plupart des surfeurs du CT. Je connais Mick Fanning et Joel Parkinson depuis qu’ils sont jeunes.
« La photo a survécu au numérique comme elle avait déjà survécu à d’autres évolutions. »
Vous avez également un blog sur le site ESPN…
Oui depuis deux ans je publie des comptes-rendus pendant chaque étape du World Tour. Je suis content de pouvoir utiliser la technologie de toutes les manières possibles. J’ai réalisé l’importance du web. En fait, peu importe ce que je fais, j’essaie de le faire du mieux possible. Que ce soit la photo, la presse écrite ou web : je veux être reconnu pour la qualité de mon travail.
Vous croyez au futur de la photographie ?
Oui. Je crois qu’il y aura toujours des photos, peu importe la manière dont elles sont produites et diffusées. J’ai connu le temps des pellicules puis celui où l’on gravait les photos sur CD avant de les envoyer aux magazines. Aujourd’hui tout se fait en ligne ou presque. Les gens ont eu peur en voyant arriver les appareils photo numériques. Mais la photo y a survécu, comme elle avait déjà survécu à d’autres évolutions. Le numérique va encore évoluer et il faudra de nouveau s’y adapter. Mais je n’ai pas peur du changement.
PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLES DUBRÉ