Les caves se rebiffent, Gaby et kelly craquent et c’est Mick qui rafle le grisbi pour dresser la parfaite embuscade… L’épilogue est proche, c’est l’heure des braves sur l’ASP Hollywood Tour.
Par Franck Lacaze*
Le Brésil attendra. Et Dieu sait si la nation auriverde, si prompte à invoquer le “Père“, rêvait de voir son fils préféré soulever ce premier trophée mondial dès ce Rip Curl Pro. Gabriel Medina que l’on pensait infaillible et qui marchait sur l’eau depuis le début de saison a coulé lors de cette avant-dernière levée de l’ASP World Tour. Mais il de la chance : une fois encore, Kelly Slater n’a pas su (pu) saisir cette chance inespérée de revenir dans la course. Au final, c’est Mick Fanning, le champion du Monde en titre qui, sans faire de bruit, réalise la bonne opération portugaise. Une troisième victoire cette saison acquise aux dépens de Jordy Smith qui permet à l’Australien de se rapprocher spectaculairement de Gaby au classement. L’heure des braves a sonné.
Dans l’épisode précédent
Quelques jours plus tôt à Hossegor, neuvième étape de l’ASP World Tour…
Seul capable de dompter un line-up vaste comme deux terrains de foot et d’y dénicher des cavernes béantes, John John Florence a signé sur le spot des Gardians ce deuxième succès en carrière qui tardait tant et qui doit en appeler tant d’autres. Une injustice réparée pour le blondinet d’O’ahu qui écrasait la concurrence de son immense talent depuis quelques mois sans toutefois triompher, la faute à un coup de pouce du règlement en faveur de Kelly Slater à Tahiti et à un Jordy Smith plus pragmatique à Trestles.
Supertubos, l’attente et un marathon
Et c’est le puissant beach break de Supertubos surnommé le Pipeline portugais qui servira de décor à l’avant-dernière épreuve du calendrier. La tension est montée d’un cran au sein du Top 34 : course au titre ou opération maintien, rares sont ceux qui abordent cette halte portugaise sans pression. Après un round 1 de brassage lancé rapidement, les super tubes vont se faire désirer et renvoyer les surfeurs à leurs doutes plusieurs jours durant. Écrasé de swell et de vent onshore en raison du passage de deux tempêtes tropicales dans l’Atlantique, le spot ne sera de nouveau praticable qu’au huitième jour de la période d’attente. Et devant le déclin annoncé de la houle, l’ASP n’aura d’autre choix que d’amorcer à marche forcée un marathon de 39 heats sur deux jours. Dans des conditions changeantes et aléatoires ce run va laisser pas mal de victimes sur le bas côté. Et pas des moindres !
Frenchies : Florès flanche encore
À commencer par Jérémy Florès pour qui il était question de survie depuis bien longtemps. Trentetroisième du classement, le Français devait compter sur une grosse performance portugaise doublée, pourquoi pas, d’un remake de son parcours victorieux du Pipe Masters 2010 pour s’assurer une place dans le top 22 en 2015 (1). Immanquablement reversé au round 2 (deux victoires au premier tour cette saison, pas un seul round 3 franchi) où l’y attendait la révélation de l’année Kolohe Andino, Jérémy s’inclinera faute d’assurer un deuxième tube. Quinzième du circuit qualificatif avec trois
WQS majeurs à venir (un au Brésil puis deux à Hawai’i : Haleiwa où il fut finaliste l’an passé et Sunset), le Réunionnais peut toujours envisager son avenir sur le WCT (2). Pour Michel Bourez, stoppé au cinquième tour par Filipe Toledo, la fin de saison revêt pour seul enjeu le top 5 avec lequel il avait flirté en 2011 (sixième cette annéelà). Mais ce ne fut pas si simple. Au round 2, dans un lineup n’offrant que des barres chocolatées (lisez des tubes marron qui ferment) le Spartan avait failli perdre face à Raoni Monteiro. Mais un tube furtif négocié au buzzer par le Tahitien a condamné le Brésilien qui pensait accrocher sa première victoire de la saison (3). Avec cette neuvième place portugaise combinée aux fauxpas de Parko et Burrow, Bourez grapille deux places et remonte au cinquième rang mondial.
Les leaders vacillent
Parmi les aspirants au titre mondial, le premier à rendre les armes dès le coup d’envoi du round 3 sera le numéro quatre mondial Joel Parkinson face à son imprévisible compatriote Adam Melling. À peine deux heures plus tard Gabriel Medina affrontait le fantomatique Brett Simpson. Une formalité pensait-on. Acclamé par un public portugais en délire qui aurait bien vu un cousin brésilien soulever ici un historique premier trophée mondial, Medina va lui aussi aborder cette série comme une formalité. Faute de creuser un réel écart, Gaby va se faire doubler par le Californien en fin de série avant de démarrer sur une ultime gauche. Un tube rapide, un off-the-lip et un reentrie plus loin, le Brésilien va sortir de l’eau devant des spectateurs ahuris alors qu’il restait deux grosses minutes au chronomètre. Sans doute estimait-il avoir eu les 5,78 points requis pour reprendre les commandes. L’annonce du score sera sans appel : 5,07 pour Medina et une élimination fracassante ! Arrogance, inexpérience, immaturité ? Les critiques vont pleuvoir sur le n°1 mondial qui devra aller chercher le titre promis à Pipeline dans un contexte autrement plus hostile qu’à Peniche.
Kelly un 540 et puis s’en va
Dans les minutes qui suivront cette spectaculaire élimination les intrusives caméras de l’ASP surprendront le clan Medina évacuant le site à la hâte. Une scène surréaliste à laquelle Kelly Slater n’assistera pas, trop occupé à contrer les assauts d’Aritz Aranburu pour éviter sa propre élimination qui serait tout aussi spectaculaire. Slater qui venait deux jours plus tôt d’enflammer la Toile avec un 540 front (ou un 720, personne n’est vraiment d’accord là-dessus, à commencer par Xavier de la rédac de Surf Session et Franck Lacaze, voir leurs échanges ici ndlr) réalisé lors d’une free session aurait été bien inspiré de réaliser pareille manoeuvre une fois le lycra revêtu. Las, il tentera vainement de dénicher une vague potable pour finalement s’avouer vaincu face à un Aritz combatif. Après Trestles et Hossegor c’est la troisième opportunité que le Divin Chauve laisse passer. De loin la plus belle. Ses espoirs de douzième titre mondial même s’ils restent bien réels s’écrivent plus que jamais en pointillés.
Mick et les artistes
Ayant perdu le duo de tête en moins d’une heure et fait une croix définitive sur un couronnement de Gaby à Peniche, il fallait lorgner ailleurs. Et comme souvent ces dernières semaines c’est vers John John Florence et Jordy Smith, les artistes du WCT, que les regards vont donc naturellement se tourner. Lancé sur cette même dynamique échevelée qui lui permet depuis Tahiti de proposer (d’inventer) des vagues inconcevables, JJF fera encore une fois figure de grandissime favori, signant au passage les deux seuls 10 du contest. L’Hawaïen va pourtant buter une nouvelle fois sur Jordy Smith ; en demi-finale cette fois. Moins flamboyant qu’en début de saison, ce Jordy Smith là n’a paradoxalement jamais semblé aussi dangereux. Plus réfléchi etprenant moins de risques, le grand Sud-africain enchaine enfin des résultats plus en adéquation avec son talent.
Quant à Mick Fanning, surfant presque anonymement dans la partie opposée du tableau, il annihilera ses adversaires méthodiquement. Impérial dans sa stratégie, irréprochable dans son surf et surtout plus prompt à s’adapter au rythme très changeant des vagues, le vainqueur de l’édition 2009 signera un sans faute jusqu’en finale où il sera le seul à dénicher des vagues à potentiel dans un lineup atone. L’hyperactif australien scellera sa victoire dans les ultimes minutes en démarrant sous la priorité d’un Jordy résigné auteur d’une seule vague évidemment insuffisante.
Dans le prochain épisode
Un troisième succès qui place Fanning en embuscade devant Slater et à une longueur de leash d’un Gaby Medina qui débarquera sur le mythique spot de Banzai Pipeline avec, dans son cou, le souffle chaud de deux vétérans qui cumulent 14 titres mondiaux et 73 victoires dont 7 à Pipe pour le seul Slater. Medina a toutefois son destin en main contrairement à ses adversaires qui devront compter sur un fauxpas de leur cadet. Si solide toute la saison, le gamin de Maresias supportera-t-il une telle pression à l’heure de l’épilogue dans un contexte aussi hostile ?
Une dernière colle avant de prendre congé : si l’édition 2014 du Billabong Pipe Masters accouchait du même résultat que l’an passé (Medina 13ème, Fanning 3ème et Kelly vainqueur), devinez qui serait champion du Monde ?
Réponse à partir du 8 décembre.
(1) À l’issue de la saison, seuls les 22 premiers du circuit WCT sont automatiquement requalifiés pour 2015. Ils seront rejoints par les 10 premiers du circuit qualificatif WQS.
(2) S’il ne remporte pas de série au Pipe Masters, Raoni Monteiro pourrait égaler le triste record du Sudafricain Ricky Basnett qui n’enregistra pas la moindre victoire lors de la saison 2008.
* @FranckLacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).
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