Une maison de retraite met ses pensionnaires au surf

''Une dame de 92 ans m'a dit que c'était la 1ere fois de sa vie qu'elle mettait une combi. Elle était fière.''

10/06/2019 par Marc-Antoine Guet

Une vague d’espoir. Ou une vague pour l’espoir. C’est au choix. Cathy Blanchard est infirmière dans l’Ehpad de l’Abbaye à Dol-de-Bretagne (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Au total, c’est 135 résidents qui vivent dans cette Maison de retraite en plus de 54 personnes en situation de handicap, mental ou physique.
Particularité de cet Ehpad breton ? Certains pensionnaires font du surf !
En effet, chaque année, pendant 1 mois et demi et à raison d’une session par semaine, certains pensionnaires prennent la direction de Saint-Malo. Au programme ? Du surf ! Une idée originale initiée en 2016 par Cathy, infirmière et surfeuse. « Nous avions commencé une séance test en octobre 2016. Je me suis mise au surf et après une session, l’idée m’a traversé la tête après avoir discuté avec des copains. Si le surf me fait du bien à moi, pourquoi ça ne ferait pas du bien aux personnes âgées dont je m’occupe ? « 

Rapidement, Cathy évoque cette idée à son directeur. Très réceptif, ce dernier est vite convaincu par le projet. « Il avait envie de soutenir un projet comme ça. Il m’a dit je suis ok, je vous laisse gérer. Je n’étais pas forcément surprise dans le sens où il y a déjà dans cet établissement, cette culture de vouloir faire sortir les personnes âgés. C’est un Ehpad qui mise beaucoup sur l’animation ». Certains pensionnaires n’hésitant pas à accompagner au ski des collégiens. 

Des petits groupes de 4/5 pour un suivi 100% personnalisé

Le feu vert donné, Cathy ne prit pas beaucoup de temps à mettre le projet en place. « J’ai vite monté un petit groupe de personnes ayant une capacité physique suffisante pour marcher et se lever ». Mais loin d’elle l’idée d’en faire des John John Florence. La surf thérapie n’a pas comme objectif de leur faire prendre des grandes vagues. « Le but est de les allonger sur une planche, leur faire resentir la glisse et de les faire respirer au grand air en plus de marcher dans le sable ». 

L’Ehpad organise une sortie par semaine pendant un mois et demi environ avant l’été. « Cette année, nous avons commencé le 30 mai, à raison d’une séance par semaine. C’est peu mais ça va venir. Notre but c’est d’en faire le plus possible. »

« J’ai d’abord essayé avec un groupe atteint de la maladie d’Alzheimer. Il y avait certaines choses qu’ils comprenaient, d’autres un peu moins. Mais quand je leur demandais s’ils voulaient aller dehors, marcher sur la planche, ils étaient plus que partants. Ils avaient envie d’essayer mais ils ne savaient pas vraiment ce qu’ils allaient faire ».
L’idée de Cathy est donc d’y aller progressivement. Et ça marche !

Des petits groupes de 4/5 personnes sont donc formés. « Chaque année on change les personnes. Mais cette année, une dame qui était présente l’année dernière nous a réclamé de revenir. Nous avons aussi cette saison un monsieur qui a décidé d’arrêter de fumer. Il a 71 ans. C’est un peu dur pour lui, je lui ai demandé alors s’il voulait venir avec nous. Depuis, il est devenu accro ».


Après des débuts concluants, l’Ephad a multiplié les sorties, toujours au même endroit du côté de Saint-Malo. « Les pensionnaires aiment bien avoir des repères. Sortir de l’Ephad c’est déjà extraordinaire pour eux. Et arriver sur la plage c’est un vrai bol d’air pour le coeur et pour les yeux ». 

Un partenariat avec une école de surf à Saint-Malo

Pour aller au bout de ce projet, Cathy installe un partenariat avec l’école de surf HinaSurf de Saint-Malo où elle avait pris quelques cours. Des cours qui lui ont permis de rencontrer Hélène, prof de surf. « Je savais qu’elle était très enclin à faire de la surf thérapie. Elle avait déjà eu des petits groupes d’IME (Instituts Médico-Educatifs). Avant d’être prof de surf, elle travaillait dans le social en tant qu’éducatrice spécialisée. C’était la personne parfaite. C’est ce qui a rendu le projet possible ». 

Un projet rendu aussi possible par un directeur bien conscient de ce que ce genre d’activité peut apporter. « Il nous autorise à travailler à 1 pour 1. C’est à dire 1 accompagnant par personne. On part donc à 4 résidents pour 4 soignants. Nous avons beaucoup de chance. Il préfère que nous accompagnions moins de gens mais que nous soyons à 100% avec eux ». 

« C’est aussi possible grâce à mes collègues accompagnants qui transmettent une vraie confiance pour que les résidents aillent à l’eau sereinement ».


Un bien-être physique et mental
Même si de part leur maladie mentale certaines personnes ont déjà oublié leur session, l’essentiel pour Cathy est ailleurs : « L’idée c’est de cultiver le moment présent. Les personnes âgés vivent ce genre de sortie avec beaucoup de fierté. C’est très valorisant pour eux. Elles sortent du cadre dans plusieurs sens. De l’institution d’abord, et elles font du surf ! »

Forcément un moment de partage inoubliable pour tout le monde. « Une dame l’année dernière de 92 ans était venue me dire que c’était la première fois de sa vie qu’elle mettait une combi. Elle était très fière. Et quand ça allait un peu moins bien dans la semaine, que cette personne déprimait un peu, je lui rappelais qu’elle avait surf en fin de semaine et son visage s’illuminait ». 

Physiquement, les pensionnaires trouvent dans la pratique du surf une certaine forme d’apaisement. « Même si c’est encore difficile à mesurer car nous n’avons que 5 séances par an, je peux dire qu’ils dorment bien le soir. Il y a aussi un côté euphorisant. Quant on part surfer, sur la route, tout le monde est un peu excité. Au retour, on n’entend plus personne ». Un peu comme nous en sorte.

Un projet qui pourrait bien donner des idées à d’autres, même si dans l’ensemble, les établissements restent assez frileux. « Beaucoup d’autres directeurs d’Ehpad, lors de la diffusions de notre film, étaient venus nous voir pour nous dire qu’ils ne pouvaient pas se permettre de prendre autant de risque ». Cathy n’a  donc qu’un seul souhait aujourd’hui : « que ça se répande à max et que ça se fasse plus. Nous en sommes qu’aux balbutiements. « 


>> Pour encourager ces papy et mamy surfeurs et suivre le compte rendu de leurs sessions en photos c’est ici que ça se passe !      

                                              


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