“C’était pendant notre trip aux Salomon (une expédition de 3 mois dans l’archipel à bord d’un minuscule trimaran, ndlr). Il y avait ce jour-là plus de 4 mètres de houle et 25 secondes de période. C’était le plus gros swell dans l’archipel depuis plus de 5 ans, et à priori le même que celle du Pipe Masters (2013).
C’était une vague pas facile au niveau de la configuration. Un peu comme à Teahupoo, elle déroule le long du reef mais ferme à la fin. On avait déjà surfé le spot à 1/1,5m. La veille, le lagon était tout calme, mais ce jour-là il y avait 1,5 m de houle, dans le lagon ! On savait que c’était gros mais on y est quand même allés avec le bateau. Rien que ça, c’était déjà chaud. Mais on n’avait pas du tout prévu de surfer ce genre de vagues pendant notre trip là-bas. La plus grande planche que j’avais emmené pour l’aventure, c’était une 6’0”…
Les séries levaient au dernier moment, quand la houle venait taper sur le plateau. Entre la période et la houle, on ne les voyait par arriver. C’était plutôt chaud. Les vagues étaient vraiment grosses, puissantes et rapides. Ce n’était pas évident de se placer au pic, et il fallait vraiment tout donner pour partir.
Vu la perfection des vagues, je n’ai pas réfléchi, je me suis mis à l’eau. Nono (Aurel Jacob) était peut-être un peu plus hésitant, mais il est venu aussi. Sur ma première vague, j’ai pris 2 barrels, deux souffles
et je suis sorti à la 3ème section : pas loin d’être la meilleure vague de ma vie ! En sortant de la vague, j’ai vu toute la série qui arrivait. Le jus t’emmenait vers la gauche, là où quelques patates sortaient. Soit 3,4m de shorebreak qui pétaient sur du reef à sec. Là je me suis dit “oh putain, pas bon” et j’ai fait demi-tour. J’ai alors décidé de passer par-dessus la barrière, de passer par le lagon et de faire le tour pour revenir à la passe. Pas évident de passer par-dessus le reef, parce que ça bougeait quand même pas mal. Au final, ça m’a pris 20 bonnes minutes pour revenir jusqu’au bateau, tout seul dans le lagon tu sais pas trop ce qui se trame, les bestioles qu’il peut y avoir sous toi…
Je suis revenu au bateau et là j’ai vu Nono qui m’y attendait déjà. Je me dis “bizarre, il y a un truc qui ne va pas”. En fait, sur la fameuse série, il était trop à l’intérieur, et la vague lui a cassé juste devant. Il a alors plongé en essayant de s’accrocher au reef, et il s’est fait éclater et arracher de partout. Il s’est vraiment fait peur. Il était tout blanc sur le bateau.
Moi je suis retourné direct à l’eau. Ronus (Ronan Gladu) shootait depuis le bateau, et il était bien en stress parce qu’il fallait être à la fois près des vagues pour avoir le bon angle tout en faisant gaffe à ne pas se retrouver au mauvais endroit.
J’ai eu quelques bonnes vagues. A un moment je suis tombé, mon leash a cassé et ma planche est partie direct dans le lagon. On est partis la rechercher avec la bateau, et je suis retourné au pic. J’ai surfé tout seul pendant plus de 3h. C’était fat, j’ai eu des barrels énormes, les vagues de ma vie. Et le soir en rentrant, j’ai vu que mon leash, qui était tout neuf, avait doublé de longueur, comme dans Endless Summer II. Moi je croyais que c’était une vieille légende ce truc-là ! (rires). Ce jour-là j’ai cassé 2 leashes et j’en ai allongé 2 autres, le tout avec ma 6’0”.
Le vrai coup de pression, ça a vraiment été de passer par-dessus la barrière de corail, puis la frayeur de Nono. D’autant que là, on était à quelques jours de navigation des premiers villages, autant te dire qu’il ne fallait pas qu’on ait de pépins”.
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(Ewen, Aurel et Ronan disposaient d’un téléphone satellite, qu’ils n’utilisaient que pour les communications avec leurs proches, et d’une balise Fast Find. Un accessoire qui permet d’avertir les secours en cas de besoin. Aux Salomon, ce sont les secours australiens qui seraient intervenus. Mais il ne faut s’en servir qu’en cas d’absolue nécessité, car une intervention maritime ou héliportée signifie de devoir tout laisser sur place : bateau, matériel, affaires persos…)
> Cette session inoubliable ne perdurera malheureusement que dans les mémoires d’Ewen, Aurel et Ronan, la carte mémoire de ce dernier ayant rendu l’âme avant de pouvoir récupérer les incroyables images vidéo qu’elle renfermait. Seules images du spot et de l’engagement des deux surfeurs : les clichés publiés dans cet article. Retrouvez la folle aventure des 3 Bretons aux Salomon en DVD avec le Surf Session de mars, actuellement en kiosque.
Que veux-tu dire Manu ?
Un surfeur n’étant pas « médiatiquement exposé » n’a pas sa place dans le coup de pression ? Je me trompe quant à ta pensée ou pas ?
Pour ma part, je trouve que cette expérience est carrément hors du commun et a toute sa place ici.
Par ailleurs, je dirais que les gars de « lost in the swell » symbolisent à merveille l’esprit d’aventure, d’ouverture sur les autres cultures, le partage, lhumilité et possèdent un surf vraiment très très bon ! Je ne saurais être exhaustif mais je veux dire par là qu’ils ne sont pas les quidams du surf et qu’ils portent au plus haut les valeurs de notre art de vivre.
Chapeau à eux.
Prochain coup de pression Ramuntxo Etxebery !!!!
C’est sacrément couillu comme session !!
Chapeau, parce que je crois que dans les mêmes conditions ( à savoir esseulés) pas grand monde sur Terre s’y serait frotté !