Le surfeur Dane Kealoha, véritable icône du surf hawaiien, s’est éteint le 10 mai dernier à l’âge de 64 ans après s’être battu contre la maladie. Surfeur puissant, figure majeure d’Honolulu, Dane s’est illustré sur le circuit pro en occupant notamment le second rand du classement mondial en 1980. Il était considéré comme l’un des meilleurs tube riders de sa génération et surtout comme l’inventeur du « pigdog » dans le barrel.
Dane est né en 1958 et a grandi à Honolulu. Fils d’un père hawaiien charpentier de métier, il s’essaye au surf à l’âge de 10 ans, à Waikiki, sous l’égide de son père. Mais l’on raconte qu’après avoir chuté sur sa première vague, l’Hawaiien aurait nagé vers le rivage en pleurant, aurait traversé la rue en courant pour enrouler ses bras autour d’un arbre. Il n’aurait ensuite plus touché une planche jusqu’à ses 14 ans. Entre temps son grand-frère, Francis Kealoha, était devenu l’un des meilleurs compétiteurs amateurs locaux et son petit frère ne tarde pas à lui emboîter le pas en se révélant talentueux en compétition, doté d’un don inné pour le surf. Seulement deux ans après avoir posé à nouveau les pieds sur une planche, Dane remporte les compétitions locales auxquelles il participe puis les Championnats de surf américains dans la catégorie junior en 1976. L’année suivante, la première génération de pro évoluant sur le circuit mondial est sous le choc lorsque Dane, alors âgé de 19 ans, se classe troisième lors du Duke Kahanamoku Invitational Surfing qui a lieu à Sunset Beach, battant Reno Abellira, Mark Richards, Wayne Bartholomew et Peter Townend en finale.
Pensionnaire du World Tour de 1978 à 1982, Dane a fini 9e, 4e, 2e (derrière le quadruple champion du monde Mark Richards), 3e et 6e du classement mondial. Il a atteint la finale du Pipe Masters quatre fois, étape dont il sort vainqueur en 1983, et six fois la finale du Duke Kahanamoku Invitational Surfing qu’il remporte cette même année. Si cette année 83 marque l’apogée de sa carrière, elle fut aussi un moment de crise pour le surfeur. Alors que l’administration du Tour professionnel avait interdit aux concurrents les mieux classés de participer à trois étapes hawaiiennes, Dane a défié l’interdiction en y participant quand même, ce qui lui a valu une amende qu’il a refusé de payer. Suite à ce désagrément avec l’organisation, il s’est vu éjecté du classement. Le surfeur se retire alors de sa carrière professionnelle à 25 ans, ce qui n’a rien enlevé à la puissance et à la qualité de son surf qui inspira plusieurs générations de surfeurs.
« Power surfing »
Surfeur puissant, aux turns et aux cutbacks ciselés, Dane avait un sens infaillible du placement et de l’endroit où il allait trouver le plus de vitesse sur la vague. Il est considéré comme l’un des représentants par excellence du « power surfing« , qui se caractérise par des turns puissants et bien ancrés. Popularisé par le Californien Phil Edwards et l’Australien Nat Young, il se retrouve dans le surf de certains Hawaiiens tels que Barry Kanaiaupuni et Jeff Hakman à la fin des années 1960. Les surfeurs se saisissent de leurs planches, dont les shapes ont évolué, pour re-configurer les lignes et les courbes qui étaient traditionnellement tracées, à Sunset Beach notamment, redéfinissant alors les manœuvres et les standards du surf. L’histoire nous a montré que les surfeurs puissants ne sont pas nécessairement des immenses gabarits, il sont plutôt forts et trapus. Dane Kealoha, comme Johnny-Boy Gomes, Laird Hamilton et Sunny Garcia, se sont inscrits dans leur lignée hawaiienne. Tom Carroll, Simon Anderson et Mark Occhilupo figurent eux aussi dans la liste des « power » surfeurs. Au début des années 1990, ce style de surf, considéré comme old school, s’est un peu étiolé même s’il reste pour certain le plus respectable, remplacé par une nouvelle manière de surfer, plus rapide et aérienne popularisée, entre autres, par Kelly Slater.
L’inventeur du Pigdog
Dane est considéré comme l’inventeur du Pigdog, une position backside dans le tube où le surfeur s’accroupit, laisse tomber son genou arrière, avance son bras arrière et s’agrippe au rail de sa planche qui est orienté vers le rivage, à côté de son pied avant. Cette position est une version plus récente de celle rendue populaire par le Californien John Peck dans les années 1960, qui consistait déjà à attraper son rail pour plus de stabilité. Bien que cette position soit devenue populaire, la position verticale, sans prise de rail, est toujours considérée comme la forme ultime de tuberiding backside. Kealoha devient, à la fin des années 1970, devient l’un des meilleurs tube rider du monde, capable de sortir des cavernes hawaiiennes les plus profondes, surtout à Backdoor. Sa technique du Pigdog permet aux surfeurs backside de se caler presque aussi profondément à l’intérieur des barrels que les surfeurs frontside.
De son vivant, Kealoha était admiré pour son surf mais sa personnalité, solitaire et silencieuse, en faisait un personnage énigmatique pour un grand nombre de la communauté de surfeurs et de journalistes. À l’eau comme hors de l’eau, à en croire les témoignages, Dane était un homme dont émanait une puissance et une solidité impressionnante face à l’océan et aux vagues puissantes d’Hawaii. Il aura fait son apparition dans plus de quarante films et vidéos de surf dans les années 1970, 1980 et 1990. En 2002, il a tracté Garrett Mc Namara dans certains des plus gros barrels jamais surfé et il disposait d’une invitation pour participer aux Pipe Masters dès qu’il le souhaitait. Longtemps partenaire de Quiksilver, il a ouvert deux magasins Roxy, à Maui et à Oahu.