Local focale : Victor Perez Pinaud

"Je n'ai pas une conception très précise de la perfection dans une photo dans la mesure où je travaille de manière spontanée, instinctive."

23/09/2023 par Ondine Wislez Pons

Victor Perez local focale
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Victor est installé au Pays Basque, à Bidart plus précisément et il écume les spots du Pays basque et des Landes, muni de son appareil photo et de son caisson étanche. Nous l’avons rencontré, pour qu’il nous parle de son travail, de son rapport à la photo et de ce qu’il aime immortaliser à l’eau ou depuis la plage.

Surf Session – Peux-tu nous raconter tes débuts dans la photo, quand et comment as-tu été attirée par la photographie ?

Victor –  » J’ai commencé la photo au collège, mais j’étais d’abord très porté sur la vidéo. J’ai eu une go pro à Noël lorsque j’étais en quatrième, puis les choses se sont enchaînées. J’ai eu mon premier appareil, un reflex, lorsque j’étais au lycée et je me suis vraiment lancé dans la photo. J’ai ensuite commencé à faire du montage. J’ai toujours regardé beaucoup de vidéos de surf, de skate et de snow, ce qui m’a toujours beaucoup inspiré dans mon travail. Au bout d’un moment, je me suis professionnalisé dans les deux domaines qui se mêlent aujourd’hui dans les projets que je réalise. Mes premières productions portaient sur le skate et sur mes potes puis ça s’est élargi, j’ai commencé à faire de la photo de paysage et des portraits.


SS- À quoi ressemble ton matos ?

Victor – Je suis chez Sony et en ce moment je travaille avec deux boîtiers, un boîtier avec un capteur APF-C, un A6000, que j’utilise plutôt pour les prises de vue en aqua. J’ai d’ailleurs un caisson étanche pour mes prises de vue aquatiques, que ce soit pour photographier du surf ou des paysages. Puis j’ai un boîtier plein format Sony A7 III que j’ai acheté au début de l’année et qui m’a permis de monter en gamme, de me professionnaliser encore un peu plus. Il possède une meilleure qualité vidéo et m’offre beaucoup de possibilités, comme de la slow motion, c’est vraiment idéal pour le surf et il me permet de faire de très belles images. Puis j’ai quatre objectifs qui me permettent de couvrir un peu tous les types de prises de vue, j’ai des flashs, des lumières, un micro pour la prise de son… Dans l’eau je fais autant de photo que de vidéo, j’aime le fait d’être dans l’eau, c’est l’un de mes points de vue préférés.

SS – Sur quels genres de détails et de couleurs est-ce que tu t’arrêtes ?

Victor – Je fais souvent des séries de photos et j’aime mélanger le grand angle, avoir aspect plus global où l’on voit le paysage dans son intégralité puis certains détails. Je vais me concentrer sur une partie de la planche, faire des plans plus serrés. Je passe de l’un à l’autre mais tout ça n’est pas vraiment défini ou pensé au préalable. Quand je suis à l’eau, j’aime beaucoup photographier des petites vagues, où la forme de l’eau est très proche de mon objectif. Je joue aussi avec la profondeur de champ, l’ouverture de l’objectif me permettant de jouer avec elle et d’avoir un beau flou d’arrière plan, qui génère parfois des petites billes de lumière en fonction de l’orientation du soleil, des vagues… Photographier les vagues en aqua est très aléatoire mais je ressors toujours avec de belles images. Et quand je shoote une vague où il y a un surfeur ou une surfeuse, je le/la place souvent au centre de l’image. Mais les détails que j’immortalise ne sont pas définis à l’avance, mais plutôt sur le moment. Si un surfeur tombe ou qu’il saute de sa planche, je vais plutôt me concentrer sur cette dernière, si un surfeur fait une manoeuvre, il sera au centre de l’image. Je fais mes photos en fonction de l’action, de ce qu’il se passe au moment où je suis à l’eau. J’aime faire du flou de mouvement, jouer avec la vitesse d’obturation de l’appareil photo et suivre le surfeur, qui sera le seul élément net de l’image, le reste lui, sera flou. Ce qui reste complexe à obtenir, surtout en aqua. Mais quand j’y arrive, ça me permet de mettre en évidence la planche ou le surfeur.

Pour ce qui est des couleurs, j’aime beaucoup celles qui apparaissent au moment du coucher du soleil, les orangers, les dégradés de bleu, de orange, de violet. J’aime aussi beaucoup les couleurs qui apparaissent au moment du lever du soleil. Et quand je prends des photos au Pays basque, je suis très sensible aux terres vertes, je joue avec ces nuances de vert que j’aime faire entrer en contraste avec les couleurs de l’océan.

SS – Quelle est ta conception de la photo de surf parfaite ? 

Victor – Ce n’est pas une question évidente… Je ne pense pas encore avoir eu de photo parfaite mais je pense que ça correspond pas mal à ce que j’ai dit plus haut. Plusieurs facteurs entrent en compte dans la composition d’une photo, les couleurs, la position et le placement du surfeur que j’aime beaucoup placer au centre de mes photos. Je suis également sensible au flou de mouvement et j’essaye d’avoir un surfeur sur une vague au centre de ma photo, qu’il soit le seul élément net et que le reste soit flou. J’ai déjà obtenu quelques clichés qui se rapprochent de cela mais je n’ai pas encore pris LA photo parfaite. Je n’ai pas une conception très précise de la perfection dans une photo dans la mesure où je travaille de manière spontanée, instinctive et que j’aime me laisser surprendre. C’est pour cela que j’aime beaucoup photographier du free surf qui reste plus aléatoire et moins codifié que la compétition. Même si j’aime aussi shooter de la compétition, qui me permet d’avoir du très beau surf, de belles manoeuvres… Mais d’un point de vue esthétique, la présence du lycra et des sponsors, rend les choses un peu moins jolies.

SS – Quelles sont tes sources d’inspiration ? 

Victor – Certains photographes tels que Morgan Maassen ou Woody Gooch m’inspirent beaucoup. J’apprécie aussi le travail de Marcus Paladino qui shoote souvent dans des endroits très froids où il y a de la neige. En dehors du surf, il y a des éléments de ma culture personnelle qui se ressentent dans mon travail ainsi que le regard que je porte sur la nature en général. Ma mère, qui faisait pas mal de peinture, m’a transmis une fibre artiste qui se manifeste également dans mes photos.


SS – Quelle est la meilleure session que tu aies vécu derrière l’objectif ?

Victor – Je n’ai pas encore eu d’énorme session en aqua, mais j’en ai vécu une géniale depuis la plage le 18 février dernier dans les Landes, aux Culs Nus. C’est le jour où Mikey February, Aritz Aranburu et Adrien Toyon étaient présents, accompagnés de toute une team de riders locaux. C’était un matin magique et pendant toute une demi-journée c’était barrel sur barrel, je n’avais jamais vu de vagues aussi belles. J’ai shooté pendant deux bonnes heures et j’ai aussi pu faire une vidéo. J’avais regardé les prévisions et je savais que ces gars étaient dans le coin, on m’avait parlé du banc de sable qui s’était calé, j’y suis allé, j’ai vu plein de voitures et j’ai compris que c’était là qu’il fallait aller.

SS – Si tu devais choisir un spot au Pays basque ou dans les Landes à shooter, lequel serait-il ?

Victor – Je vais choisir le Pays basque, parce que j’habite à Bidart. J’aimerais beaucoup aller un Parlementia en aqua, ce que je n’ai encore jamais osé faire parce qu’il faut quand même pas mal nager. J’aime beaucoup le spot de Bidart Centre, où je vais très souvent et où j’ai appris à surfer. Je shoote souvent là-bas à marée basse ou à mi-marrée. Il y a de très belles photos à faire, le cadre est magnifique et on peut avoir différents points de vue depuis la falaise, qui permettent de shooter depuis assez loin. J’aime bien me caler au niveau de chapelle, ce qui me permet de voir les surfeurs en contrebas, d’avoir de la profondeur de champ et d’introduire du feuillage devant. La présence de la nature végétale est importante dans mon travail.

Victor Perez local focale
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SS – Y a-t-il des spots que tu t’interdis de shooter, par peur de révéler des indications géographiques ?

Victor – Il n’y a pas de spots que je m’interdis de shooter, si j’ai vraiment envie de prendre une photo je la prendrai, même si je dois la garder pour moi ensuite. Si c’est un secret spot ou que l’on trouve une vague parfaite qu’il faut préserver, je ne mentionnerai pas l’emplacement exact. Je mentionnerai peut être le pays ou la région mais c’est important de préserver certains spots.

SS – Comment fais-tu pour innover dans tes prises de vue ? 

Victor – J’essaye d’innover, de développer mon propre style et de me démarquer de ce qui se fait. Comme je le disais, j’aime jouer avec la profondeur de champ, avoir de petits obstacles sur mes photos, qu’il y ait plusieurs plans. Je ne suis pas le seul à faire ça, mais c’est une bonne manière de définir mon style.

SS – As-tu déjà voyagé pour la photo ?

Victor – En novembre j’ai fait un surf trip au Maroc, avec des potes marocains. J’avais pris mon matos, j’ai fait de l’aqua et j’ai aussi shooté depuis la plage, sur le spot d’Anchor Point. Des locaux du Pays basque étaient là, dont Thomas La Fonta. J’ai également réalisé un projet à Porto, au Portugal. Mais à part ça, je n’ai pas encore vraiment voyagé pour la photo.

SS – Y a-t-il des destinations qui te font rêver pour shooter ? 

Victor – J’aimerais avoir la chance de shooter tous les spots de surf… Mais à choisir je pense à l’Indonésie ou au Sri Lanka, pour apporter une dimension tropicale à mes photos. Il y a de très belles images à faire là-bas, où la nature et la végétation tiennent une place très importante. J’aimerais aussi aller en Amérique latine, au Nicaragua, au Mexique ou au Costa Rica. Mais je ne suis pas fermé à certains pays plus froids comme l’Islande ou la Norvège, plus loin des clichés habituels du surf.

SS – Y a-t-il des surfeurs professionnels que tu rêverais de shooter ?

Victor – J’aimerais beaucoup shooter des gars du CT ou des surfeurs très bons techniquement tels que Kelly Slater, John John Florence, Owen Wright, Felipe Toledo ou encore Gabriel Medina. Ça serait génial de les avoir en free surf ou de faire des portraits d’eux sur la plage.

SS – Est-ce que tu as un intérêt pour la vidéo ?

Victor – Oui, je porte un très grand intérêt à la vidéo. À l’origine, je suis d’ailleurs plus porté sur la vidéo que sur la photo. J’aime beaucoup le fait de pouvoir prendre un plan, une petite vidéo qui semblerait banale à première vue, puis de la transposer totalement au montage en lui donnant de la couleur, en y ajoutant une musique, en jouant avec l’accéléré ou le ralenti. La vidéo peut être la bête noire de certains photographes dans la mesure où elle représente une montagne de travail, mais je ne vois pas les choses comme ça. Je suis très motivé par ce que peut rendre le résultat final et j’apprécie beaucoup tout le cheminement créatif par lequel il faut passer pour y arriver. »

Et voici trois photos de son portfolio décryptées techniquement !

Victor Perez local focale

Cette photo a été prise au Maroc sur le spot d’Anchor Point en novembre 2022. On y voit le local du spot « Snoopy ». Cette photo a été prise avec une vitesse d’obturation légèrement lente, ce qui donne cet effet de flou de mouvement qui donne vie à la photo. On ressent vraiment le dynamisme et le mouvement du moment. Le surfeur est plutôt centré, ce qui le met davantage en lumière et j’ai choisi le noir et blanc car le contraste est d’autant plus intéressant ici, avec le surfeur très sombre et l’océan blanc !

Victor Perez local focale

Cette photo a été prise au téléobjectif avec un 100-400, ce qui permet de capturer des éléments au loin avec un effet de plan rapproché. Cette photo me parle beaucoup car on dirait un peu une toile. Je souhaitait montrer uniquement l’océan et les lignes infinies qu’il formait à ce moment-là.

Victor Perez local focale

Pour terminer, voici une photo en aqua à la Côte des Basques à Biarritz, prise en avril 2023. J’ai utilisé mon boîtier A6000 et mon caisson étanche avec un objectif 50mm dont l’ouverture est possible jusqu’à 1.8. C’est ce qui m’a permis d’obtenir ce rendu, avec un flou de premier plan ici et des petites « billes » de lumière, aka l’effet bokeh.


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