« J’ai voulu apprendre à faire les choses par moi-même.«
Pacha Light
Pacha est née en Equateur. Son nom est inspiré du terme “Pachamama”, qui signifie Mère Nature dans la langue Quechua. Très tôt (entre ses 3 et 6 ans), la surfeuse suit sa mère, activiste environnementale, dans ses campagnes au Japon et ailleurs. Elle s’installe à 2 ans en Australie avec cette dernière, où elle découvrira le surf “par accident” à l’âge de 10 ans. Après quelques vagues sur une foamboard, la voilà mordue.
Si elle n’a pas les moyens de s’acheter une planche, la jeune fille sait qu’elle veut continuer à aller à l’eau. Lui vient l’idée de récolter de l’argent pour s’acheter du matériel. Elle choisit de danser au chapeau dans la rue, avec une petite pancarte expliquant son projet. En 2011, alors qu’elle danse aux abords du Roxy Pro qui se déroule cette année-là sur la Gold Coast, une adolescente s’arrête, danse avec elle puis s’éloigne avant de revenir, avec une planche sous le bras. Cette jeune fille c’est Laura Enever, alors encore jeune adolescente mais déjà un jeune talent prometteur qui participe à l’événement.
“Elle a changé ma vie” raconte aujourd’hui Pacha, “j’ai surfé tous les jours sur cette planche, elle m’a soutenue tout au long de mon parcours”. Quelques mois plus tard, les jeunes filles se retrouveront lors d’un camp de surf organisé par le sponsor de Laura, où elle lui apprendra à faire un canard sur cette même planche : pas une mince affaire pour une débutante sur une planche technique.
Chaque année après cela, les Australiennes se retrouvent à la même période, et tissent une amitié autour de leur passion commune. “C’est un super modèle et une inspiration, elle a toujours vu les choses dans leur ensemble même lorsqu’elle faisait de la compétition” explique Pacha.
Voir les choses comme un ensemble
Cette vision globale des choses, c’est le chemin qu’a choisi de prendre la surfeuse aujourd’hui. Du fait de son éducation et de son chemin de vie, Pacha a des valeurs profondément liées à la nature. Selon elle, l’éducation qu’elle a reçue de sa mère s’est “cimentée” quand elle a commencé à surfer : “j’ai voulu apprendre à faire les choses par moi-même”.
Après un beau parcours de cinq années avec la marque Billabong, Pacha a choisi en 2020 de ne pas renouveler son contrat de sponsoring, afin de s’orienter vers d’autres horizons. “J’ai voulu m’aligner avec mes ressentis et m’écouter pour trouver les prochains pas, les prochains chapitres. C’est très excitant de pouvoir voyager à nouveau et d’apporter ce que j’ai appris dans de nouvelles situations” explique t-elle aujourd’hui.
En parallèle, l’arrêt de la compétition a aussi fait partie de ce virage dans son parcours de vie : “j’ai pris un gros moment pour réfléchir à ma relation avec le surf et j’ai vu un glissement entre les compétitions et cette sensation de travailler. En faisant un pas en arrière j’ai vu le surf comme un mode de vie, au-delà du sport et des compétitions. Ça a des répercussions sur tellement de gens que je pense que le surf pourrait être la réponse à ce changement nécessaire dans les façons de penser. D’où le projet Women of the Sea, qui revient à l’immersion dans la nature. C’est le besoin d’être plus conscient de la nature, de se connecter et renforcer notre relation avec l’environnement car tu n’abîmes pas un lieu qui te rend heureux”. La surfeuse vibrant d’idées et de projets qui l’animent, elle a pris le pas de suivre sa voix intérieure pour trouver sa voie.
Women of the sea
Sans attendre, Pacha développe le projet Women of the sea, dont elle explore les contours depuis ses 14 ans. “J’ai commencé à chercher des modèles et je me suis demandé comment entrer dans ma féminité, trouver la force et la vulnérabilité, l’équilibre entre le feu et la douceur. Ça m’a mené au Japon, à cette époque il y avait un taux élevé de suicide et il y a encore beaucoup de problèmes de santé mentale là-bas. Je voulais trouver des communautés qui vivaient déjà de cette façon, fidèles à elles-même. J’ai rencontré ces femmes plongeuses, qui ont plus de 80 ans et plongent toujours pour subvenir aux besoins de leur famille, dans un système matriarchal même dans un milieu dominé par les hommes. La connexion à l’océan et s’immerger dans la nature était l’un des éléments de réponse qui permettait de trouver cet équilibre, cette clarté« .
Par la suite, Pacha a rencontré les femmes Haenyo de Jeju Island en Corée du Sud, puis Akiko Ishigaki, une femme d’alors 80 ans, maître tisserande et teinturiere, prêtresse et activiste environnementale, qui tisse ses textiles à la main avant de les teindre naturellement dans les mangroves. “Sa vision était de dire que l’océan est un utérus, en japonais c’est le même mot. Je voulais rencontrer ces grands-mères, ces femmes plus vieilles qui ont une forte relation avec l’océan. Elles ont cette sagesse de l’âge, même si bien-sûr le monde est différent aujourd’hui, il y a cette tendance de connexion à la nature qui a toujours du sens”. nous raconte t-elle.
Une année sous le signe du voyage
En 2023, Pacha dédie son année au voyage : “pour je l’espère exister et vivre en dehors de ma zone de confort”. Sur les pas de ses ancêtres, elle a choisi de partir à la rencontre de sa famille, en Europe d’abord puis en Equateur.
En Europe, après le 2022 GoPro Creator Summit en Suisse, Pacha a “étendu ses ailes de colibri” et a décidé de voyager en train, pour réduire son impact environnemental. Après un passage en Italie, elle s’est rendue en France, où elle était venue de nombreuses fois auparavant. Quelques semaines dans les Landes (à la meilleure période de l’année pour le surf), où elle apprend à conduire une voiture manuelle avant de se rendre en Norvège (un trajet de pas moins de 77h de train, et toujours avec son boardbag) pour rencontrer une partie de sa famille maternelle dans la région de Bergen.
Toujours dans le cadre de son projet de découverte du monde environnemental, elle avait prévu d’y rencontrer les protagonistes de la Nordic Ocean Watch, une organisation qui travaille sur l’ensemble du littoral norvégien à la récupération des morceaux de filets de pêche, des canettes de boissons gazeuses et des brosses à dents usagées. Puis direction les îles Lofoten et ses vagues, avant de redescendre vers le Maroc et d’enfin s’envoler en Equateur en janvier 2023.
En Equateur, la native souhaite à présent reconnecter avec la terre qui l’a vue naître et toujours au travers du surf. Si lorsqu’elle s’était rendue sur place à 12 ans il était encore impossible d’y trouver une planche de surf (seul le bodyboard étant représenté), elle assure que les choses ont changé aujourd’hui, avec la naissance d’un club de surf comptant pas moins de 60 adhérents dans la ville de Bahia de Caraquez dès 2020. “L’Equateur a des vagues incroyables, des côtes diversifiées et de la côte à la montagne c’est incroyable” témoigne-t-elle.
L’ambition est aussi d’y développer un programme de récupération de planches pour les fournir aux enfants locaux, inciter le retour d’un lien à la nature et une prise en considération de la santé mentale, “car tout est lié”.
Des planches en phase avec ses idéaux
Son engagement s’allonge jusqu’à l’extrémité de ses orteils, avec les planches sur lesquelles elle surfe. Pacha a choisi de se faire accompagner par Varuna, une marque de planches distribuées en Australie qui place la durabilité et l’intégrité comme valeurs centrales.
Les Varuna sont des planches en bois creux shapées à partir de fichiers de shapeurs de légende dans du balsa, un bois solide qui pousse très rapidement (5 ans de maturation pour un pied). Importé en Indonésie il y a des années pour la construction de bateaux, il est élevé en permaculture aux côtés de plantes natives avant d’être utilisé pour la construction de planches au profit des fermiers propriétaires des terres et de la reforestation : un modèle fair-trade et fair-wage. Le bois est ensuite recouvert de bio-résine et de fibre de verre et renforcé en bambou pour assurer la solidité et l’étanchéité de la planche. “C’est un peu plus lourd qu’une planche en PU mais sur la vague c’est rapide et on se sent plus connecté à la vague, cela demande d’être plus à l’écoute. Ça fait partie d’une part du quiver qui se garde pour toujours, quelque chose de moins impactant pour la planète« . Une continuité de ses idées, jusque dans son surf.
Pacha Light a choisi d’imager son chemin avec les ailes du colibri, une théorie bien connue dans les discours environnementaux qui tire son nom d’une légende amérindienne. L’idée étant qu’aussi petit soit le colibri, ce dernier fait sa part dans le grand chaos de la vie. Et c’est exactement le parti-pris de la surfeuse, qui à l’eau comme au sec trace son chemin à travers le Monde. Un parcours à suivre pour s’en inspirer sans délai.