Santé mentale : « un état de bien-être, indispensable pour se sentir en bonne santé. Elle ne se définit pas seulement par l’absence de trouble mental ou psychologique et fluctue en permanence parce qu’elle dépend de nombreux facteurs. Il est possible d’agir sur certains. » (définition donnée par la Sécurité Sociale – ameli.fr).
Sujet sociétal de plus en plus mis en avant ces dernières années, la santé mentale a longtemps été un sujet proche du tabou. Alors que l’on est aujourd’hui de plus en plus conscients de l’importance d’y accorder de l’intérêt et de la déstigmatiser, certains choisissent d’y mettre des mots, pour guérir, pour sensibiliser, pour normaliser, et globalement pour aider à changer les choses. Parmi eux, des athlètes de haut niveau comme Jérémy Florès, Camille Lacourt (natation), Perrine Laffont (ski de bosse), Valentin Porte (handball) et Ysaora Thibus (escrime). Tous sont à l’affiche du documentaire inédit « STRoNG, aussi forts que fragiles », disponible dès le 10 octobre en exclusivité sur Prime Video (bande annonce à découvrir en fin d’article). À cette occasion et pour la Journée mondiale de la santé mentale, nous avons échangé avec Jérémy Florès sur ce sujet important. Interview.
Surf Session – Qu’est ce qui t’a donné envie de participer à ce projet et de parler de ce sujet, de t’ouvrir sur cet aspect méconnu de ton parcours ?
Jérémy Florès – C’est un sujet très sensible qui me tient à cœur, notamment car j’ai perdu des amis très proche à cause de la dépression, de suicide ou d’overdose. Je pense que c’est un sujet qui a toujours été très tabou, je n’en ai jamais parlé de ma vie et je me suis dis que c’était le bon moment car cela pouvait aider des gens et moi le premier. La plupart des gens ne connaissent pas cette facette de moi, je suis identifié comme un surfeur qui a connu le succès et qui a eu une longue carrière mais beaucoup ne savent pas réellement qui je suis du coup c’était une bonne opportunité de me mettre à nu devant les caméras, en parlant d’un sujet qui m’a toujours fait peur et que j’ai toujours caché. Je pense que ce documentaire peut aider beaucoup de gens, on le fait en tant que sportifs mais n’importe qui pourra s’identifier, même dans un autre parcours de vie et c’est ça le but.
Avec le recul, était-ce difficile ou libérateur d’en parler ?
Un peu des deux car ce sont des sujets délicats, d’autant plus que j’ai toujours été quelqu’un de très fier, rebelle, fort, courageux… J’ai toujours voulu faire celui qui n’a peur de rien mais pour la première fois j’ai voulu parler de qui je suis vraiment. En vérité c’est juste une facette et j’ai toujours souffert pas mal, je me suis toujours remis en question et sous-estimé. J’ai toujours eu peur de ce qu’on pensait de moi mais je n’ai jamais voulu le montrer car pour moi c’était une preuve de faiblesse, je me disais que si un jour je baissais la garde et que je ne paraissais pas si fort alors j’allais me faire bouffer, dans les compétitions etc. C’était important de le dire, j’ai vécu pas mal de hauts et de bas dans ma carrière, ça a toujours été les montagnes russes.
Après avoir connu cette période difficile, as-tu justement baissé cette garde que tu avais érigée ? Y a t-il eu un avant et un après ?
Oui bien sûr, je pense que ce sont des cicatrices qui resteront à vie et quand je dis le mot « guéri » ce n’est pas forcément guéri mais plutôt « beaucoup mieux« . Ce sont des choses qui sont encore très sensibles, pendant très longtemps je me suis accroché à un fil, toute ma vie, mais je n’ai jamais rien lâché et c’est le côté positif de tout ça. C’est le message que je veux faire passer : « malgré tout ce qu’on peut vivre dans notre vie, il ne faut jamais rien lâcher« . Guérir c’est un grand mot et c’est encore très très délicat mais je fais en sorte d’être dans les meilleurs conditions et la naissance de mes enfants et ma famille m’aide beaucoup, sans eux ça serait très compliqué.
Tu abordes justement dans le documentaire le fait d’avoir une vie en dehors de la passion du surf et de la compétition, y a-t-il un message particulier que tu veux faire passer à ceux qui voudraient marcher dans tes pas ?
J’espère montrer la voie et montrer qu’il ne faut pas avoir peur de se faire aider, de parler, que ce soit avec des proches ou des spécialistes, peu importe mais de pouvoir s’ouvrir. Moi j’ai mis du temps à le faire mais peut-être que si je le fais ça pourra aider toute une génération, des personnes qui en ont vraiment besoin. On ne se rend pas forcement compte mais c’est très délicat car c’est un sujet dont on ne parle pas dans le sport en général et dans le surf. Je sais pourtant que beaucoup sont dans mon cas, je suis l’un des premiers à en parler mais beaucoup de gens dans le surf souffrent, à l’échelle mondiale et en France.
Selon toi, d’où devrait venir cette dynamique d’ouvrir la parole, d’en faire un sujet ? Des proches, des compétiteurs entre eux, des institutions…
Je pense qu’il n’y a pas assez de prévention à ce niveau-là, c’est ce qui peut vraiment aider, que ce soit politique ou les fédérations, c’est important de faire passer le message. De nos jours on allume la télé ou on regarde les réseaux sociaux et on voit des pubs, des choses fausses. C’est dérangeant car ce n’est pas la vraie vie, ce qui se passe est bien différent et c’est ça qu’il faut mettre en avant. On est là pour sensibiliser toutes ces personnes qui sont dans le besoin mais sans le savoir, je serais toujours un porte parole pour dire que je suis le premier à faire appel à l’aide et c’est un message très sérieux qui devrait venir de tout en haut.
C’est un sujet sensible et une problématique parfois invisible, avec le recul y a t-il des choses que tu peux identifier et pointer du doigt comme des alertes ?
J’ai eu des alertes très tôt mais je n’avais pas le temps d’y porter de l’attention. Il y a énormément de travail derrière et on se dit qu’on peut tout perdre, sa carrière, son sponsor, ses partenaires… Quand on vient d’un milieu très modeste c’est difficile car on pense devoir véhiculer une image positive et c’est ça qui fait peur mais il ne faut pas hésiter à en parler, c’est le premier pas. Le surf a pris une ampleur énorme avec des coachs, des nutritionnistes, des préparateurs mentaux et c’est aussi le rôle de l’entourage de voir, d’essayer de comprendre et de parler, c’est tout un système qui doit être a l’affut de chaque petit détail dans une carrière. C’est important dans le sport mais aussi dans la vie en général, ça peut être quelqu’un au bureau qui ne se sent pas très bien depuis plusieurs semaines. Il faut ouvrir la conversation, aller le voir pour lui proposer un café. Le but c’est de se souder, de laisser les fiertés de côté, de parler même si ce n’est pas évident. Plus on en parle et plus on va prendre les choses au sérieux et avancer.
Le titre du documentaire est « STRoNG, aussi forts que fragiles », ça veut dire quoi pour toi aujourd’hui « être fort » ?
Être fort c’est être vrai, ne pas se mentir à soi-même. C’est facile de se faire un genre, une idée de super-héros mais en réalité c’est toi qui ressens les choses et il faut essayer de ne pas se mentir à soi-même.
Synopsis du documentaire
Dépression, burn out…. Des mots tabous pour décrire une maladie invisible qui touche pourtant un Français sur cinq, et qui n’épargne pas les sportifs de haut niveau. Durant un peu plus de 80 minutes, 5 d’entre eux évoquent une période difficile où leur santé mentale a été bousculée.
Construit en trois actes intitulés « Naître », « Tomber » et « Renaître », STRoNG, aussi forts que fragiles expose sans détours l’ascension vers les sommets de ces cinq champions et tout ce qui a suivi, la chute puis le chemin vers la reconstruction, et le retour de la lumière. Au fil de la narration, chacun des témoins, par des mots forts, des émotions souvent enfouies et livrées sans fard en toute vulnérabilité, attire le spectateur dans le labyrinthe de leur carrière. Ils évoquent les sacrifices consentis pour réussir. Ils détaillent ces victoires qui ont changé leur carrière et leur vie. Le moment, aussi, où tout s’est obscurci. Que s’est-il passé dans leur corps, dans leur tête ? Ils n’éludent rien jusqu’aux étapes de leur reconstruction. Illustré par des images d’archives, accompagnées des confidences de ceux qui partagent leur quotidien (parents, conjoints, entraîneurs) et enrichi des éclairages du Dr Stéphane Mouchabac, psychiatre au sein du service de Psychiatrie de l’hôpital Saint Antoine à Paris, le documentaire lève le voile sur ces maux et offre de l’espoir à tous ceux qui souffrent en silence.
Voir la bande annonce
STRoNG, aussi forts que fragiles, 82 minutes
Écrit par Sylvain Ventre, Bertrand Briard, Emmanuel Le Ber
Réalisé par Bertrand Briard et Emmanuel Le Ber.
Avec la voix de Ben Mazué.
Produit par ICONOCLAST FILMS / LA DRAFT.
Disponible sur Prime Video, en exclusivité, dès le 10 octobre