Après les « sessions engagées » de Jade Magnien, Kyllian Guérin, Laura Coviella ou encore Charly Quivront, c’est au tour de Vincent Duvignac de nous raconter la sienne. Pour l’exercice, le surfeur a choisi une session qui avait fait la couverture du Surf Session n°271, en février 2010, sa « première grosse rouste, une sorte de dépucelage de grosses vagues« .
Raconte-nous Vincent ! Où et quand a eu lieu cette « session engagée » ?
La session était en décembre 2009, j’allais avoir 23 ans, j’étais jeune (rires). J’étais chez Rusty à l’époque et j’étais content d’être chez eux car j’étais vraiment considéré comme un free-surfeur plutôt qu’un compétiteur et j’avais le souhait de faire du free-surf à fond, charger des grosses vagues faisait partie du programme de l’époque. Sur la photo qui a fait la couv’ on voit Manu Portet, sur certainement l’une des plus grosses vagues surfées à Avalanche, et moi dans la lèvre en train de subir ma première grosse rouste.
En 2009 on avait pas les applications (rires) mais je sais que les conditions étaient idéales. Cette vague du fait de son double up a pris 1,5 fois la taille qu’il y avait, il devait y avoir 3-4 mètres et celle-ci on a l’impression qu’elle fait 6 mètres selon les points de vue. La vague fait gigantesque, depuis ça il y a eu de très grosses sessions à Avalanche, chacune différente, mais je trouve que celle-ci en particulier fait partie des plus grosses et des plus belles qu’il y ait eut. En plus il l’a bien surfée !
Peux-tu nous remettre dans le contexte de cette journée ?
Cette session c’était pour moi une des premières grosses sessions de ma carrière de surfeur. Finalement j’étais assez timide auparavant de surfer de grosses vagues. Cet hiver là j’avais franchi pas mal de paliers et j’avais décidé de m’attaquer à la vague d’Avalanche, à Guethary. Le hic c’était que je n’étais pas bien armé au niveau des planches : c’est un copain, mon super pote de surf Rudy de Mimizan, qui m’avait prêté sa planche, c’était une 8′ et ça me paraissait super grand. C’était une vieille planche des années 80 en plus. A l’époque il n’y avait pas de gilets ou quoi que ce soit.
J’avais donc 23 ans, je me retrouvais sur un spot mythique que j’avais vu dans le magazine et j’étais super content de m’y frotter et d’avoir enfin les c***lles de me lancer et de me retrouver autour de surfeurs qui avaient l’habitude de surfer le spot. Il me semble qu’il y avait Christophe Reinhardt, Pilou et d’autres surfeurs qui m’impressionnaient : c’était nos big wave rideurs de l’époque et Manu avait la part belle aussi dans ce groupe de surfeurs de la côte basque, j’avais déjà beaucoup de respect pour lui.
Parle-nous de cette vague !
J’avais pris quelques vagues, j’étais super content de la session, on était pas nombreux, une petite dizaine maximum et je commençais à prendre confiance. Manu Portet est arrivé, un peu en fin de session, pour moi du moins, après 2h. Il avait une planche de plus de 10 pieds et son but était de prendre la plus grosse. En effet à un moment donné il y a une vague qui est arrivée, qui a démarré un peu plus haut. Lui était bien placé et je l’ai vu ramer mais en fait il était tellement loin que je ne pensais pas qu’il allait l’avoir, même s’il avait une super grande planche. Du coup je me suis retourné et j’ai commencé à ramer, toujours en me disant qu’il n’allait pas pouvoir l’avoir.
La vague a fait un double-up, comme c’est le cas parfois à Avalanche sur certaines directions de houle, et du coup je sentais que quelque chose tirait fort. J’ai essayé de ramer un maximum mais j’étais au niveau de la lèvre et j’avais pleins d’embruns autour de moi, je ne distinguais pas grand chose mais j’avais vraiment envie d’aller jusqu’au bout et de prendre cette vague quoi qu’il se passe. Au moment où j’ai senti que ça partait, j’étais toujours allongé sur ma planche et pas prêt à me lever donc j’ai senti que ça n’allait pas bien se passer : je suis parti avec la lèvre.
La descente m’a parue être super longue, entre le moment où ça a commencé à partir et le moment de l’impact les secondes m’ont parues super longues, aussi car je n’arrivais pas à me situer dans l’espace et je ne savais pas où j’étais. L’impact a été très violent, je suis resté assez longtemps sous l’eau. Quand j’ai refait surface, sans gilet, je voyais des étoiles tout autour de moi, j’étais désorienté et un petit peu choqué parce que je n’avais pas vécu de telle expérience auparavant. Je n’avais jamais pris une boite aussi violente, je sentais que ça avait vibré dans tout mon corps et j’étais un peu flippé.
Au moment de récupérer la planche j’ai vu qu’elle était coupée en deux et là je me suis dis « wow » car Avalanche c’est quand même loin du bord. J’ai réussi à rentrer avec un petit stress et une petite boule au ventre à chaque vague qui montait, car il y avait des mousses assez imposantes et j’ai été bien pris dans la machine à laver pour arriver jusqu’au bord. J’étais content d’arriver au bord, de réussir à rentrer et d’avoir gagné en expérience.
Je suis pas fier d’avoir braqué Manu mais heureusement je ne l’ai pas du tout gêné. Lui ne m’a pas vu non plus, on était tellement a une vitesse différente d’exécution qu’on ne s’est pas du tout gêné. Je suis content de ça aussi car pour lui c’est certainement l’une des plus belles vagues de sa vie.
Avant cette journée, quelle était ta perception d’Avalanche ?
J’y étais allé une seule fois avant ça et j’avais été très impressionné par la face de la vague car ce n’est pas juste un take-off et ensuite relativement calme comme l’est Parlementia. En plus je suis regular, donc je suis de dos. J’étais impressionné aussi par la distance entre le bord et le large. Mais pendant la session si je me suis autorisé à tenter cette vague qui a doublé c’est parce que j’avais pris confiance et que tout se passait bien jusqu’alors. J’ai eu l’occasion d’y retourner après et ça s’est plutôt bien passé, par la suite ça a été le monde que j’ai eu du mal à gérer car je suis impatient, j’ai du mal à attendre mon tour.
C’était ton premier gros wipeout, savais-tu comment réagir sur le moment ou est-ce que la survie a pris le dessus ?
C’était surtout de la survie, j’avais déjà des notions de savoir tomber dans le tube, c’est comme en skate dans le bowl, il faut d’abord apprendre à savoir chuter avant de s’y engager, en théorie (rires). Là en l’occurence j’avais déjà l’habitude de bien me mettre en boule mais sur cette vague géante je suis tombé comme en pantin désarticulé.
La seule chose que j’ai pu faire c’était de garder mon calme sous l’eau. Mais j’ai tellement été sonné que finalement je n’ai pas paniqué sous l’eau, je ne croyais même pas à ce qu’il passait, c’était assez particulier. Par la suite cette chute m’a beaucoup aidé à comprendre les mécanismes des chutes, notamment à comprendre ce que ça peut engendrer comme problème si on se fait mal au dos, si on se tort une jambe, si on panique…
Comment expliques-tu que ce wipeout t’ai motivé à continuer et non l’inverse ?
L’âge a joué je pense. J’étais déjà surfeur à temps plein et à 23 ans on se remet bien de toutes les blessures. J’étais motivé et j’étais à fond donc ça ne m’a pas calmé. Suite à ça je me suis dis que j’allais me faire fabriquer une planche un peu mieux adaptée à ce genre de vagues et surtout que j’allais bosser un peu plus au niveau de la rame et notamment en allant faire davantage de séances de natation en piscine, chose qui m’a beaucoup aidé par la suite.
Il y a donc eu un avant et un après cette session ?
Oui, avant mes 23 ans j’étais plutôt un « gros chicken« , j’avais peur des grosses vagues. Quand j’ai vu la photo et qu’il y avait Manu Portet en bas, alors que je ne savais même pas qu’il était là, j’ai un peu halluciné de la taille de la vague : je ne savais pas que ça pouvait être aussi gros sur ce spot. J’ai bien compris qu’avec le manque de technique que j’avais à l’époque et la mauvaise planche ce n’était pas possible pour moi de prendre une vague aussi grosse. Ça m’a boosté finalement à améliorer ma technique et mon matériel pour pouvoir réaliser un take-off sur ce genre de vagues.
Après ça je n’ai pas eu de très gros soucis dans les grosses vagues, si ce n’est à la Nord une fois où j’avais pris plusieurs séries qui m’avaient bien séché, qui m’avait amené à bout, mais là heureusement j’étais entraîné. Aujourd’hui j’aime bien surfer de grosses vagues à taille humaine, mais avec peu de monde pour éviter l’accident. Sur nos vagues en France l’accident peut plus vite arriver avec une collision avec un autre surfeur que par la vague en elle-même si l’on est bien entrainé…