« L’image du surfeur a été blanche pendant longtemps« . C’est le sujet que traite le documentaire Black Surfers Matter, made in California, une série documentaire d’Hélène Eckmann réalisée en 2023 et disponible sur ARTE. En 4 épisodes, ce documentaire aborde la façon dont les débuts du surf aux Etats-Unis étaient par nature raciste, documentant des surfeurs nazi à Malibu et notamment la figure emblématique (et problématique) de Miki Dora. On pouvait observer à cette époque des croix gammée sur les boards du « père du localisme« , pourtant adulé comme un héros de la surf culture. Des témoignages de surfeurs afro-américains comme Rhonda Harper, Rico Blevin ou Justin Brick Howze racontent comment encore aujourd’hui, le racisme existe à l’eau et sur les spots de surf, comme il est implanté de façon systémique dans la société américaine. Le surfeur Rico Blevin a pris le parti de surfer la nuit pour éviter la charge mentale et les agressions racistes, au dépend de sa sécurité, qui selon lui est plus menacée par certains « requins » présents à l’eau que par les êtres et faits de l’océan. Agressé et insulté, Justin Brick Howze, surfeur militant, a lui pris le parti d’organiser une rame pacifique suite à une agression pour protester, sur laquelle il a été rejoint par une centaine de surfeurs noirs.
Le documentaire se penche aussi sur les origines du surf et la façon dont les communautés noires ont été légalement éloignées des océans, réduisant les opportunités d’accès au sport, notamment au travers de la ségrégation et de la loi Jim Crow. Alord que certaines familles ont été destituées de leurs terres, on rencontre dans ce documentaire Kavon Ward, militante pour la réparation, qui travaille à rendre aux descendants de ces familles ces terres qui leur reviennent. Si la situation a heureusement évoluée de voir des personnes noires expulsées de Huntington Beach en 1925 à la première compétition réservée aux surfeurs noirs à Huntington Beach le 6 septembre 2023, il a fallu beaucoup de temps et d’énergie déployée pour voir une vraie évolution de la culture et travailler à réduire les inégalités.
Un exemple marquant, c’est peut-être le procès de plus de 15 ans contre les Bay Boys de Lunada Bay, un surf gang de locaux qui ont « protégé leur territoire » et agressé ceux qui osaient s’aventurer sur « leur » spot de grosses vagues pendant plus de 30 ans. C’est l’action de Christopher Taloa, bodyboardeur dropknee, soutenu par d’autres protagonistes qui a permis que le gang soit enfin sanctionné par la justice en avril 2023, « une première judiciaire contre le localisme dans le surf« .
Dans le n°3 de Surfeuses Magazine sorti cette été, nous arbordons aussi le sujet de la diversité à l’eau chez les femmes en mettant en valeur l’expérience et les propos du collectif Textured Waves, fondé par Danielle Black Lyons, Chelsea Kungkagam Woody et Martina Duran, trois surfeuses afro- américaines. Le sujet, illustré par des images de Sarah Lee capturées en Jamaïque, se veut être une entrée en matière pour comprendre les raisons de ces inégalités à l’eau et mettre en lumière le manque de représentation de femmes de couleurs dans le surf, aux Etats-Unis mais aussi en Europe. Au-delà des thématiques énoncées dans le documentaire (dont la loi Jim Crow), on retrouve une barrière propre aux femmes : celle de leur texture de cheveu. Plus précisément la façon dont celle-ci réagit à l’eau, à l’opposé des standards de beauté blancs trop souvent plébiscités. Comme l’Ebony Beach Club, c’est au travers de la communauté, de la représentation et de l’identification qu’elles ont aidé à faire bouger les lignes ces dernières années.