Une interdiction d’accès à l’océan pour tous, toute l’année, c’est possible ?

C'est le cas à Tréguennec (Finistère), où une pétition pour "mer et plage libres" a été lancée.

20/08/2024 par Rédaction Surf Session

L’appel a été lancé le 19 juillet, malheureusement vite effacé par l’actualité olympique et les sujets estivaux. Pourtant en pays Bigouden, à Tréguennec, commune juste au Nord de La Torche, un groupe d’irréductibles se révolte contre un arrêté municipal « portant interdiction générale et absolue de baignade et de toutes activités nautiques à titre préventif sur la zone littorale de la commune de Tréguennec ». Le groupe déplore notamment que « cet arrêté [ait] été décidé sans la moindre concertation avec la population et les autres acteurs concernés« .

Christian Voisard, résident surfeur qui témoigne avoir surfé pour la première fois sur ce « beachbreak bien tranquille » à la fin des années 70, se trouve désemparé par la nouvelle : « J’ai 63 ans, je viens de prendre ma retraite et je pensais pouvoir surfer peinard en bas de chez moi, que nenni ! De plus, les gens qui ne connaissent pas la mer pourraient croire que c’est plus dangereux ici, mais non, c’est la même plage de La Torche à Penhors, on n’y a jamais vu un surfeur confirmé en difficulté : du sable, pas de requins, pas de pollution, des micros-baïnes, rien à voir avec les Landes !« 

L’arrêté posé par la mairie voit cela d’un autre oeil, stipulant que « le Maire de Tréguennec exerce la police des baignades et a donc la responsabilité de prévenir les accidents de baignade et d’activités nautiques en assurant la sécurité de toutes activités et des baignades dans la limite de 300 mètres à compter de la limite des eaux, en utilisant des précautions appropriées. » Il aurait été mis en place « pour éviter tout risque de noyade lié aux baïnes » stipulant que « lorsque la marée recouvre les baïnes, l’eau s’échappe violemment vers l’aval selon un système de vidange. Les nageurs sont alors emportés au large sans possibilité de rejoindre la plage. Ce sont ces courants de « sorties de baïnes » qui provoquent chaque année des noyades. Le risque de noyade étant élevé sur la plage de Kermabec, il n’y a pas d’autre solution que d’interdire la baignade et les activités nautiques. »

Les « risques importants associés aux baïnes » et l’absence de sauveteurs sur la plage de Kermabec située sur la commune de Tréguennec ont poussé la municipalité à prendre les mesures jugées nécessaires « pour prévenir les dangers auxquels les usagers peuvent être exposés » en interdisant toute l’année la baignade et toutes activités nautiques sur une limite de 300m à compter de la limite des eaux sur la plage de Kermabec. Selon le collectif ayant mis en place la pétition, « au mois d’avril, la décision prise de la même manière par la commune de Tréguennec de supprimer le poste de surveillance de plage avait soulevé de nombreuses contestations« .

Aujourd’hui donc pour défendre l’accès à ce spot, un collectif a mis en ligne une pétition ainsi qu’une cagnotte qui permettra de payer les frais d’avocat d’une attaque en justice de cet arrêté. « Nous sommes écoeurés par tant de bêtise avec cet arrêté liberticide » ajoute le surfeur.

Selon l’article 6 de l’arrêté, ce dernier peut être contesté devant le tribunal administratif de Rennes dans un délai de 2 mois à compter de sa publication ou faire l’objet d’un recours gracieux devant l’auteur de la décision dans les mêmes délais. Cette seconde démarche prolonge le délai de recours contentieux qui doit alors être introduit dans les deux mois suivant la réponse apportée. À ce jour, « les premiers référés pour suspendre l’arrêté ont été rejetés car pas de caractère d’urgence pour le juge » selon les informations transmises par le surfeur du Collectif Plage Treguennec, qui continue donc son action : « il y a actuellement un recours en annulation envoyé au tribunal de Rennes pour attaquer sur le fond (abus de pouvoir, arrêté liberticide etc) mais ça risque de prendre 8 à 12 mois ! » précise t-il.

Un arrêté qui ferait jurisprudence ?

« Nous tenons à signaler que si ce recours est négatif, il risque de créer jurisprudence pour d’autres communes du littoral français, les maires se couvrant ainsi en interdisant tout contact avec l’océan ! Je rappelle que de Tréguennec nous voyons la pointe de La Torche, site défendu avec ferveur par certains politiques d’ici, qui maintenant nous laissent tomber » ajoute Christian Voisard.

Cette décision municipale a été une surprise pour les usagers, alors même que la mairie de Tréguennec fait la promotion de cette même zone de surf sur son site internet. « Le site naturel de Kermabec est unique. Il offre des conditions optimales pour apprendre à surfer. Trois écoles de surf favorisent la rencontre avec l’océan et les éléments en toute sécurité et initient aux plaisirs de la glisse dans une ambiance authentique. Le spot de Tréguennec est apprécié pour sa beauté naturelle et sa tranquillité. Sa renommée le précède dans les revues spécialisées sur les sports de glisse. » peut-on notamment y lire.

Capture d’écran datée du 20/08/2024 – www.treguennec.fr/decouvrir-treguennec/le-surf/

Le collectif affirme aussi avoir contacté la Fédération Française de Surf et la communauté de communes du pays Bigouden (pour demander une réunion publique), avec en copie la députée, le préfet et le préfet maritime. Pas de réponse à ce jour.

Ce sujet soulève la nécessité ou non de différencier les surfeurs des autres usagers de l’océan. Les surfeurs expérimentés sont en effet plus habitués aux aléas de l’océan que les baigneurs, savent lire les courants d’eau et identifier les baïnes et peuvent s’appuyer sur leur matériel et leurs capacités physiques (rame, cardio…) pour revenir sur terre en sécurité en cas de problème. De plus l’esprit communautaire du surf veut que si une personne se trouve en difficulté, d’autres seront immédiatement présentes pour lui porter secours. Pourtant, ces vérités ne s’appliquent malheureusement pas toujours aux surfeurs novices, parfois peu ou pas informés du fonctionnement de l’océan et pas toujours conscients des dangers et de leurs propres capacités face à ces derniers. Si des précautions peuvent être nécessaires selon les terrains, les « précautions appropriées » devraient être plus nuancées qu’une interdiction complète d’accès à l’océan. À qui incombe cette tâche ? Les fédérations et institutions publiques ont leur rôle à jouer, de même que les pratiquants eux-mêmes ont leur voix à faire porter.


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9 commentaires

  • Turbule
    1 septembre 2024 22h27

    Et tout ça pour éviter d’avoir à payer le fonctionnement d’un poste de secours, et empêcher les recours des sociétés d’assurances en cas d’accident en zone non surveillée… C’est lamentable d’ignorance et de bêtise.
    Quelques kilomètres plus au nord, aucun doute que les communes de la presqu’île de Crozon feront pareil si la procédure est jugée recevable.
    (l’argument de Grégory 21 août, 21h24 mérite aussi qu’on garde à l’oeil l’argument de la mine de lithium. Parce que, comme dit le dicton : « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît « )

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  • Grégory
    21 août 2024 21h14

    ne serais pas pour habituer la population avant de réquisitionner le site dont le sous sol est apparemment pourvu en lithium ?
    curieuse décision en tout cas, surtout que les communes environnantes ont juste apposées un panneau stipulant que la baignade était non surveillé, de quoi sûrement dédouaner le maire en cas de problèmes…

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  • Talla
    21 août 2024 19h44

    D’autant que Treguennec n’ jamais été surveillée en dehors des vacances d’été. C’est honteux et hypocrite.

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  • Chabé
    21 août 2024 12h25

    en dehors de la réglementation,on doit être seul juge de notre propre responsabilité et en connaissance de cause comme si on ne sait pas les risques que l’on prend à chaque fois que l’on sort de chez soi 😁 et souvent chez soi les risques domestiques sont tout aussi important et tout le monde s’en fou,
    on devrait interdire aussi les autoroutes,les avions……
    juste pour dire d’arrêter de mettre tout sous contrôle….

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  • Lorank
    21 août 2024 10h17

    Sur la pssibilité d’une mairie à legiferer pour les activités sur le cote j’ai le souvenir d’un arreté municipal interdisant la pratique du kitesuf sur la commune de Carcans. Cet arreté a été rapidement retiré car il portait sur toute la zone communale (plusieurs kilometre de page océane) qui est sous la responsabilité de la préfecture maritime. Une mairie n’a de responsabilité (et donc le droit d’interdire des activités) que sur la zone qui lui est explicitement dédiée par la préfecture maritime. Cette zone doit etre signalée par des poteaux particuliers.
    Je suggere aussi de déposer un référé-liberté auprés du juge des référés du tribunal administratif – ça marche tres bien –
    Voir la procédure : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2551

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  • Grouhel
    21 août 2024 7h15

    en prévention de la cirrhose, on peut aussi interdire les matchs de foot…

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  • Rochard
    20 août 2024 21h32

    la stupidité politique n est plus une spécialité parisienne.On va interdire la mer aux Bretons ,la montagne aux Chamoniards etc, etc Le dernier espace de liberté est le grand large. il faut citer, nommer, diplômer les nouveaux homo cretinus.

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  • LE MORVAN David
    20 août 2024 21h29

    Cet arrêté devrait être annulé sans trop de problème devant le TA… je suis juriste dans une commune et cet arrêté est complètement farfelu. À la lecture de l’article, on a l’impression qu’aucune rencontre avec les services de la commune ou le Maire n’a été envisagé avant le recours ? Et 8 mois c’est optimiste pour avoir une décision d’un TA…

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    • Erwan
      21 août 2024 23h45

      il est vrai que le maire ou mairesse doit prendre ses responsabilités au vue du public qui est sur sa commune et faire le nécessaire afin que ceci en soit informé sur les risques éventuels. mais la, c’est encore un grand n’importe quoi. laisser nous vivre malesan dou (désolée pour l’orthographe)

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