« Dans le surf c’est que tous les éléments sont regroupés, c’est ce corps à corps. »
En cette fin de matinée du 18 juin, les conditions sont belles à Lacanau. Comme à son habitude, Florence Artasona se rend sur la plage son appareil à la main. « Je savais qu’il y avait de belles conditions, le plan d’eau était lisse et tellement beau ». L‘artiste a ses petits coins à Lacanau, ceux qui surplombent. Ils lui permettent d’être la témoin de « scènes magiques : les vagues qui déroulent, les surfeurs qui arrivent de droite à gauche et ça, par toutes les saisons. »
Nous vous invitons à découvrir le regard intime de la photographe autodidacte. Un objectif qui ne s’impose pas, une vision de la photo au « feeling, sans calcul, à l’émotionnel ».
Hello Florence. Avec quoi tu shootes ? Comment t’es-tu appropriée ton appareil ?
J’ai depuis une dizaine d’année un boitier Nikon D7100 avec un objectif, AF-S DX Nikkor 18-300mm f/3.5-6.3.
Je me rappelle qu’en République Dominicaine mon appareil avait pris l’humidité. C’était la catastrophe ! Alors j’ai passé toute la soirée à le sécher au sèche-cheveux pour qu’il soit sec et que je puisse le lendemain l’utiliser. Et ça a marché !
Mon appareil est pour moi, un moyen de véhiculer mes émotions et mon ressentis, je fonctionne à l’instinct. Je ne suis pas dans la technique et le calcul, ce qui me fait vibrer c’est le côté spontané et immédiat. Quand je déclenche c’est très rapide, c’est ce que je définis comme étant mon côté artistique. En peinture aussi je vais très vite. Si je commence à calculer mes prises de vues, je n’aime pas, ça coupe ma liberté.
Peux-tu nous raconter tes débuts dans la photo ?
Dans les années 80, j’ai acheté un petit appareil, il m’accompagnait dans mes soirées avec mes amis. Je voulais photographier des scènes de vie, figer des instants. J’étais encore ado et j’affichais dans ma chambre des pages de magazines qui m’inspiraient, qui plus est dans ces années où les couleurs étaient vives.
En 97, j’ai été immergée dans le monde du surf par ma rencontre avec mon compagnon et j’ai vite pris mes marques dans cette culture. On était toute une bande de copains, on avait construit une cabane à l’Alexandre, mais pas seulement, on bougeait beaucoup selon les conditions, sur Gurp, Pin Sec ou le Porge. Et comme «spot de replis» on avait l’Île d’Oléron. J’y ai découvert l’aventure. Tu vas de spot en spot, j’y ai shooté mes premières photos de surf. Je me suis aussi initiée à la photo macro, j’étais inspirée par tout ce qu’il y avait autour de l’océan, une plante, une dune…
Après sont arrivés les premiers voyages. On a aussi pas mal bougé. J’ai vraiment adoré le Maroc, une palette de couleurs incroyables et les gens aussi…
Puis en avril 99, on est allé en République-Dominicaine. Là aussi les plages sont magnifiques. L’atmosphère est très différente du Maroc mais c’est tout aussi coloré et vivant avec le merengue.
Ensuite on est parti au Costa-Rica avec un organisme, on était en 4X4 à l’époque, il n’y avait pas trop d’infrastructures. Je me suis éclatée là-bas, surtout avec la faune, la flore et les spots sublimes qui déroulaient devant moi. Ces voyages m’ont permis d’élargir ma vision du surf et de la photo.
As-tu une destination qui aujourd’hui te fait rêver ?
Tout m’intéresse à partir du moment où je suis dans la nature, mais je dois dire que la Nouvelle Zélande m’attire particulièrement. Quand je vois sur Instagram ces plages à l’infini, les étendues sauvages et ce sable noir… Mais aussi les îles Mentawai ! J’aimerais également beaucoup retourner au Maroc, j’ai eu un gros coup de cœur pour la baie d’Imsouane quand j’y suis retourné en 2019.
C’est quoi pour toi la photo de surf parfaite ?
C’est une question difficile. Mais il est vrai que pour moi, le côté artistique prime. J’aime les photos très minimalistes, avec une belle lumière, un plan d’eau glassy, une silhouette au loin. Une photo qui met en valeur cette communion entre les hommes et la nature.
En définitif la photo parfaite serait simple et puissante dans sa qualité de véhiculer des émotions.
Ce qui m’intéresse dans le surf c’est que tous les éléments sont regroupés, c’est ce corps à corps. J’aurais aimé savoir surfer, mais qu’importe, la passion je la vie à travers mon regard d’artiste et de mère. J’aime admirer et photographier mes enfants, les surfeurs et surfeuses et les voir évoluer sur les vagues.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
La Nature et l’ensemble des éléments de l’océan. J’aime observer les scènes de vie, ce que j’aime appeler des tableaux. Tout ce qui est autour du surf m’inspire aussi.
J’aime surtout les matins car il y a une lumière particulière, une ambiance, avec les premiers surfeurs qui arrivent, la nature qui s’éveille et les sauveteurs en hauteur. J’aime aussi beaucoup travailler à marée basse. Chaque moment devient une photo unique, car à chaque saison l’océan n’est pas le même, j’ai toujours une surprise quand j’arrive.
Quelle est la photo qui t’a le plus marqué ?
L’instant qui m’a le plus marqué c’est quand j’ai pris une photo lors du Lacanau Pro, le 16 août 2020. Il devait être 17h, tout s’est passé très vite. La vague avait une texture particulière, très épaisse, et il y avait ce surfeur au-dessus, comme assis sur la vague.
Comment traites-tu tes images ?
Pour le traitement des images je fais comme pour les prises de vue : au feeling ! Je vois comment faire le plus ressortir les éléments, les stries et les courbes de l’onde qui rythment les images. Tu as l’impression qu’un peigne lisse remonte la vague.
Comment vois-tu la suite ?
Voyager, rester dans la créativité, le plaisir et le partage. J’ai tendance à donner beaucoup de photos, à les offrir à ceux que je photographie. J’aime le partage avec les gens et montrer mon travail. Et puis mettre en avant Lacanau, c’est vraiment un coin que j’adore. J’ai la chance d’habiter dans un coin magnifique. Toute cette côte piétonne te donne accès à tout ! Dès que tu tournes la tête, il y a une nouvelle possibilité de photo.
Je suis toujours en quête de trouver des nouveaux points de vue. J’aimerais mettre la tête sous l’eau et dans les airs. Comme avec cette photo qui a été prise en ULM au Ferret. C’était magique.
L’autodidacte nous encourage à nous laisser porter par nos émotions et nos ressentis. De sa créativité nait sa liberté.
Regarde autour de toi, observe, fait selon ton coeur, tes désirs et laisse-toi guider par tes émotions et tes ressentis. Même si tout le monde est différent, ceux qui aiment l’image et qui veulent véhiculer une émotion le savent. Mais l’observation est un point clef, on n’a pas besoin d’un appareil sophistiqué, c’est le regard qui importe. Je me souviens lors d’une expo un jour, Olivier Morin (Journaliste AFP) m’a invité et m’a dit de rester comme j’étais, que je n’avais pas besoin de cours.
Florence Artasona nous offre son univers onirique et délicat. Ses œuvres inspirent beaucoup d’autres artistes plastiques et par ailleurs, elle-même, s’essaie à d’autres médiums : collages, peintures, etc…