Couverture : Buno Deggert aka Ladeuge, La Nord photographié par Sébastien Picaud

Une fuite

« Toute ma vie, c’est cette fuite, toute ma vie, c’est cette vague. Je la descends, je mets tout en place pour remonter depuis en bas, fausser un maximum pour revenir vite, comme le scénario de ma vie, être fauché et après qu’est ce guise passe ? Tous les soucis sont derrière. J’avance toujours ». Mantra, invocation, prière, poésie, illusion du verbe? Ceux qui s’investissent dans la vie le font généralement aussi dans le surf. Il s’agit d’une conduite engagée: Mickey Dora a transformé ses propres phrases en une réalité construite au fil de périodes fastes comme d’autres vécues sur le fil du rasoir. Il n’y a pas de héros taillé sur mesure, selon le surfeur emblématique, juste des gens qui essayent et qui poussent toujours un peu plus loin. Certaines histoires demeurent et d’autres s’ef£acent.

C’est effrayant et fantastique en méme temps. Cette succession de générations, portées par une histoire qu’on a bricolée de toutes pièces, depuis les beach boys jusquau surf porn digital, depuis l’invention du tri-fin à une volonté de revenir en arrière ou de viser toujours plus grand, plus haut, plus vite. Notre sport, plus que jamais, semble proche du lointain et loin du prochain, comme lanalysait en somme l’urbaniste et essayiste français Paul Virilio lorsqu’il modélisait nos façons de consommer nos destinées. Cette dromologie, ou l’étude du ròle joué par la vitesse dans les sociétés modernes, amène ce constat: une information en chasse une autre, la prise de risque précède l’accident — le wipe-out ou la victoire, un exploit fixe de nouvelles normes dans l’esprit d’un champ de possibles dont les limites, les frontières, sont poussées vers un horizon plus lointain.

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