« Je ne sais pas si tu pourras surfer à nouveau, et encore moins marcher normalement. »
Aucun surfeur ne veut entendre cela, et certainement pas un adolescent de 18 ans. Pour Braiden Maither, les médecins venaient tout simplement de lui couper l’herbe sous le pied.
Né à Maui à Hawaï, Braiden a commencé à surfer très jeune. Son père lui a appris à tenir debout sur une planche dès l’âge de deux ans et lui a offert sa première à 10 ans. Rapidement, Braiden commença les compétitions et, à 18 ans, fait le WQS de la WSL. Son avenir semblait presque tout tracé, jusqu’à ce jour fatidique.
Certes, Braiden se sentait toujours un peu endolori après des longs trajets en avion ou une grosse session. Mais comme le pense sûrement tout jeune homme de 18 ans, il se disait qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Il était jeune et surfait presque tous les jours à haut niveau. Il fallait donc s’attendre à des courbatures. Cependant, la douleur se mit à persister jour après jour et s’installa lentement. Ses chevilles ont commencé à lui faire mal, puis ses genoux et enfin ses lombaires. Sa condition physique commença petit à petit à se détériorer au point de ne presque plus pouvoir marcher. Surfer à nouveau sur ses reef breaks préférés d’Hawaï ou d’Indonésie lui semblait inconcevable.
Il aura fallu six mois pour obtenir le bon diagnostic. Six mois remplis de centaines de rendez-vous chez le médecin, d’IRM, de scanners et de tous les tests possibles et imaginables. Quand le couperet tombe. Braiden souffre d’une Spondylarthrite ankylosante, une forme rare d’arthrite affectant les ligaments et tendons fixés aux vertèbres de la colonne vertébrale et qui, avec le temps, s’érode et se rigidifie pouvant résulter en handicap et perte générale de mobilité.
Braiden aurait pu vivre toute sa vie sans savoir qu’il avait une prédisposition génétique pour cette maladie auto-immune. Seulement, une série d’événements et deux infections consécutives l’ont déclenché, provoquant d’énormes poussées inflammatoires et mettant son corps en alerte maximale.
Naturellement, après ce diagnostic, tout le monde fut déconcerté, Braiden le premier. La plupart des médecins sont restés perplexes face à ses symptômes. Diagnostiquer un adolescent avec une forme rare d’arthrite semblait invraisemblable. Pourtant, il était bien là, avec une maladie qui venait de prendre le contrôle total de sa vie.
Néanmoins, il a refusé qu’elle et les médecins décident de son sort à sa place. Même s’il ne pouvait toujours pas mettre un pied devant l’autre à ce moment-là, il se devait de remonter sur sa planche. Il n’y avait pas d’autres options.
Braiden prit scrupuleusement ses médicaments et se rendit à chaque séance de physiothérapie. Après six mois sans marcher, il en aura fallu huit autres avant d’essayer de se tenir debout sur sa planche. La patience fut de mise même si Braiden reconnaitra après coup que ce fut incroyablement dur mentalement.
« Je me souviens de la première session où j’ai essayé de faire du longboard et où je ne pouvais même pas me tenir debout. Je suis tombé quatre fois sur la planche. Je suis sorti de l’eau en larmes. J’ai pensé qu’il n’y avait aucune chance que je puisse surfer à nouveau. J’ai ensuite fait une grosse dépression pendant plusieurs semaines. Mais je me suis accroché. Quatre mois plus tard, j’ai enfin pu commencer à resurfer doucement. C’était dur d’être si jeune, de voir ce que tous mes potes étaient capables de faire. Moi, j’étais coincé à la maison, je ne pouvais même pas descendre les escaliers. »
Il lui faudra encore trois ans pour se re-muscler entièrement et revenir à un niveau de surf proche de 100 %. Aujourd’hui âgé de 26 ans, Braiden surfe à son rythme et est plus passionné que jamais. Ce sport est véritablement devenu sa bouée de sauvetage.
Peu après avoir recommencé à surfer, il a voulu s’y remettre à fond. Après tout, les médecins disaient qu’il ne pourrait éventuellement plus marcher, alors autant en profiter et surfer autant que possible, pendant qu’il le pouvait encore.
« Je bouffais du paracétamol pour pouvoir surfer et lutter contre la douleur. C’était idiot, mais je devais surfer. J’aime tellement ça que je pourrais surfer six heures par jour pendant des semaines sans m’arrêter. Mais récemment, j’ai appris à prendre un peu de recul. Toutes mes dernières radios sont bonnes et ma colonne vertébrale a l’air en bon état. Donc je me dis que j’ai peut-être la chance de pouvoir continuer à surfer un peu plus longtemps que prévu. Je dois donc y aller un peu plus doucement et m’écouter. »
Huit ans plus tard, Braiden vient de rentrer d’un surf trip de trois semaines avec ses amis en Indonésie. Cette nation d’Asie du Sud-Est est sans aucun doute son endroit préféré dans le monde, après Hawaï bien sûr. Il est fasciné par la culture, la nourriture locale, les paysages, les 17 000 îles et, bien sûr, les vagues.
Voyager et surfer des spots connus mondialement font évidemment partie des choses qu’il ne considèrera plus comme acquis. Lorsqu’il évoque ce trip, son huitième dans le pays, il est facile de deviner à quel point il est reconnaissant d’avoir simplement pu y aller. D’une certaine manière, il revient de loin dans tous les sens du terme.
Il est incontestablement reconnaissant d’avoir pu récemment retourner en Indonésie, où se trouvent deux de ses spots préférés, Desert Point et Supersucks. Il y a quelques années, il n’aurait évidemment pas pu s’imaginer surfer à nouveau ces vagues légendaires.
Lors de ce récent trip, lui et ses amis ont exploré les îles Mentawai. Chaque jour, ils ont pris leurs planches, ont sauté du bateau, et ont essayé de trouver les meilleures conditions de surf pour la journée.
« Les conditions météorologiques furent complètement folles. Ça changeait constamment, les tempêtes se succédaient rapidement et les vents tournaient… Ce fut comme un jeu de piste tous les jours, à regarder le gros temps arriver et décider où aller. On a bien surfé et on s’est éclaté tous les jours. En plus, la plupart des vagues ici sont des gauches. Je suis goofy, donc c’est le rêve. »
Avec le temps, Braiden a appris à écouter son corps et à se ménager, où qu’il soit dans le monde. Le stress subit par ce dernier, souvent provoqué par de longues journées de voyage ou des grosses sessions, déclenche généralement les douleurs.
Des douleurs qui vont et viennent par vagues, même si pour l’instant, tous les feux sont au vert. D’ailleurs, il sait que surfer et rester actif l’aident plus que tout, tant physiquement que mentalement.
Au fil du temps, Braiden a également développé une passion pour la réalisation de films. Enfant, il était obsédé par les édits de surf qu’il regardait quotidiennement. C’est donc tout naturellement qu’il a rapidement commencé à faire les siens.
Au cours des 12 dernières années, il a recueilli des images de chacun de ses trips et de ses sessions, et a passé d’innombrables heures à éditer un film, essayant de trouver son style. Ses vidéos font en quelque sorte partie de lui, et sont un reflet de son surf et de son parcours personnel.
Poussé par sa passion, sa créativité et son amour pur pour le surf, Braiden a certainement déjoué le destin.