Le monde du surf est en deuil. Pat Curren, père énigmatique de la légendaire lignée des Curren, mais également véritable monument du surf de gros, s’est éteint après 90 ans d’une vie bien remplie.
On se doit de revenir sur sa vie, ou plutôt son œuvre, car s’en est une à part entière.
Comme tout bon surfeur qui se respecte, on ne peut que le glorifier et le remercier d’avoir marqué ainsi le surf de son empreinte. Après tout, il est le père du légendaire Tom Curren, 3 fois champion du monde, mais aussi le père du surf de big wave à Waimea Bay. Il est également dépeint par la célèbre Encyclopedia of Surfing comme le « meilleur surfeur de gros des années 50 et du début des années 60« . Comme quoi, chez les Curren, la légende c’est héréditaire. Elle se transmet de génération en génération.
Pourtant, ce n’est pas comme si Pat Curren avait couru derrière la gloire tout au long de sa vie. C’est même plutôt le contraire. Pat vivait comme il l’entendait. C’est lui, son mode de vie et son caractère si spécial qui ont su séduire la gloire. Il a dû l’embrasser malgré lui.
Il est né en 1932, en Californie. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Pat n’a connu le surf que très tard et a commencé à le pratiquer à ses 18 ans, lorsqu’il rejoint La Jolla en Californie. Mais la connexion ne se fait pas prier. Très vite, Pat devient un membre original du La Jolla Based Windansea Surf Club, un club incontournable qui s’est fait connaître grâce à la témérité de ses membres.
C’est des années plus tard, en 1955, qu’il part pour la première fois à Hawaii après s’être bien imprégné de l’essence du surf en Californie. Là encore, son caractère si atypique et son entrain pour réaliser tout ce qu’il désire, le mène avec une demi douzaine de casse cou de l’époque, au pic de Waimea Bay. Ils sont là, les premiers fous à oser challenger la puissance de l’océan à l’état pur, Waimea la terrible. Bien sur, la première session est un carnage et tout le petit groupe en prend pour son grade, faute de planches adaptées.
Mais ce n’est pas un découragement, c’est plutôt un challenge pour le père du surf de gros de son époque. De retour à la Jolla, Pat se consacrera au shape d’une board, ou plutôt d’un gun, qui pourrait rivaliser avec la pente de Waimea. Après maints essais, il gagne en expérience et devient la référence du shape de big wave. Il shapera notamment le fameux « Eléphant Gun« .
« Pat, c’était le seul gars à produire le gun ultime« . Fred Van Dyke
Portraituré comme quelqu’un de très jovial au sens de l’humour pointu, il est à la fois décrit comme quasiment muet. Un entre deux qui représente bien le personnage. Pat faisait ce qu’il voulait quand il voulait.
Il pouvait rester des heures au pic de Waimea, sans un bruit, à attendre la bombe de la session. Quand il partait sur une vague, son style mettait tout le monde d’accord : des pieds très proches l’un l’autre sur son immense gun et des bras en avant qu’il agitait comme des ailes.
Mais derrière ce sérieux qu’il consacrait au surf de gros, le Californien savait aussi profiter de la vie avec légèreté. Il avait acheté une maison sur le North Shore dans laquelle il logeait huit surfeurs de La Jolla. Aménagé selon ses envies, le Californien était connu pour présider le dîner coiffé d’un casque viking, dans son véritable temple du surf appelé Meade Hall.
Un bon vivant, en somme. Il aimait tous les pans de la vie, mais plaçait toujours le surf en premier plan. À tel point qu’il se maria en 1961 avec Jeanine, à Hawaï, et surfa Waimea dans la même journée. Par la suite, il aura trois enfants dont Tom et Joe qu’il initiera au surf un peu partout autour du monde, comme au Costa Rica, en Irlande ou encore en France. Mais chez les Curren, c’est chacun sa voie et par la suite, chaque membre traceront la leur de leur côté.
À sa famille et ses proches, Surf Session adresse ses plus sincères condoléances.