Les Jeux olympiques 2024 sont au pas de notre porte.
Pour cette édition parisienne qui débutera le 26 juillet 2024, les J.O feront leur grand retour à Paris, 100 ans plus tard. Avec plus de 10 millions de billets en vente pour les Jeux olympiques et près de 3,4 millions de billets proposés pour les Jeux paralympiques, les Jeux sont sans comparaison le plus grand évènement sportif au monde.
Alors, quand notre capitale s’apprête à les recevoir, c’est un branle-bas de combat qui s’organise dans l’administration française. On le sait depuis peu, le ministère des Sports peaufine et prend des décisions pour marquer le coup de cette édition.
Une des dernières décisions en date, c’est en quelque sorte de « franciser » les termes des nouveaux sports olympiques aux origines bien souvent anglophones. C’est le cas du breakdance, de l’escalade sportive, du skateboard et donc du surf...
Surfer en parlant Français
« La vague de Teahupoo à Tahiti a été choisie pour accueillir les épreuves de surf aux Jeux
olympiques de Paris en 2024. Quoi de plus naturel, pour un pays qui possède un des plus
mythiques sites de ce sport de glisse, que de pouvoir commenter celui-ci dans sa langue ?«
C’est l’introduction du communiqué de presse envoyé par Daniel Zielenski, inspecteur général de l’éducation du sport et de la recherche. En gros, la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) qui est composée d’un groupe d’experts des sports cités plus hauts, mais aussi de partenaires de l’Académie française et de l’Afnor, n’ont pas arrêté de se creuser la tête ces derniers mois. Ensemble, ils ont eu la pénible tâche de transformer des termes d’usages sportifs très souvent tirés de l’Anglais pour les adapter au Français, ou du moins d’en trouver des équivalents.
Si cette tâche peut s’avérer compliquée, voire perdue d’avance dans des sports comme le surf où les pratiquants ont complètement adopté le jargon du surf originel, certains mots ne subissent pas de changement très choquant. La « shoulder » deviendrait « l’épaule de la vague« , le « curl » deviendrait le « coeur de la vague » et le « floatter » deviendrait le « flotter« .
À l’image du mot « bowl » désormais prononcé « bol » dans le monde du skate, certains termes conserveraient quand même des liens relativement proches avec leurs versions originales et auraient pu être utilisés naturellement dans la pratique avant l’arrivée de ce nouveau lexique.
En revanche, pour d’autres termes, la « manœuvre » s’annonce compliquée. Certaines appellations classiques du surf comme le nom des vagues ou des manœuvres subissent elles aussi un changement de l’Anglais au Français. Parmi elles, le « layback » deviendrait le « coucher dorsal« , le « air » deviendrait une « envolée » et un « reef break » deviendrait un « rouleau de récif« .
Des changements conséquents qui nous irriteraient presque les rétines. Alors on s’interroge, pourquoi tant de changements ? Quel est l’objectif de cette manipulation de lexique ?
Deux objectifs principaux
Cette publication de la Commission d’enrichissement de la Langue française au Journal Officiel du 15 décembre 2022 aurait deux buts principaux :
Dans un premier temps, il s’agirait de banaliser les termes du surf parfois très pointus et de les rendre compréhensibles à la première écoute pour les spectateurs novices.
« Notre but n’est pas de changer totalement le lexique du surf, mais de retravailler les quinze mots les plus fréquemment utilisés dans la discipline et leur trouver un équivalent français » nous a déclaré au téléphone Daniel Zielenski. Ainsi, après traduction des termes les plus fréquents du surf, les spectateurs francophones extérieurs au surf seront, d’après eux, plus à même de comprendre les rouages de ce sport à travers les commentaires. Ils comprendront enfin (toujours d’après eux) ce qu’ils verront à l’écran lors des prochaines épreuves de surf.
Le deuxième objectif est plus politique.
Il consiste à se repositionner parmi les fédérations à l’international. En effet, Daniel Zielenski nous a expliqué que la communauté francophone dépassait largement les 67 millions d’habitants de la France et avoisinait tout de même les 300 millions de locuteurs à l’international. Des chiffres qui s’expliquent par des pays comme le Congo Kinshasa ou le Canada qui comptent parmi les plus grandes communautés francophones au monde.
Pourtant, la plupart des fédérations sportives à l’international obéissent à des règlements qui peuvent être plutôt éloignés des nôtres, mais surtout utilisent l’Anglais comme langue principale. S’approprier les termes de ces sports nous permettrait d’après Daniel Zielenski, de petit à petit se faire une place dans les grandes fédérations sportives de ce monde et de davantage faire rayonner la langue française pour tous les francophones autour du globe.
Certes l’objectif est noble, on ne dit pas le contraire. Mais grossièrement, voila ce que donnerait un commentaire sportif d’une vague pendant les épreuves de surf de ces J-O :
« John John Florence part sur un énorme rouleau de récif, il temporise avec une grosse manœuvre de retour pour revenir dans le cœur de la vague et finalement envoyer un énorme couché dorsal. »
Oui, ce commentaire est pour l’instant purement fictif et caricature ces nouveaux termes (en effet, difficile d’enchaîner un cut-back et un layback à Teahupo’o). Mais l’idée principale est là.
Le mécontentement des surfeurs
Même si cette décision de « franciser le surf » permettrait d’en élargir les frontières tout en permettant à plus de francophones de s’y intéresser, les anciens pratiquants et les puristes de la discipline risquent de s’indigner.
Ça, Daniel Zielenski le sait pertinemment. Mais son but n’est pas d’imposer ce lexique à tous les pratiquants, loin de là. « Je suis très pragmatique. Je sais que le surfeur pro ne va pas changer son vocabulaire à cause de cette décision. Mais ce n’est pas spécialement destiné à lui. » Cette décision est davantage à l’attention des journalistes et des commentateurs chargés de la diffusion de ces images et qui pourraient toucher une audience moins instruite sur les termes de ces sports.
Tout ça pour n’avoir qu’une seule manœuvre à décrire aux néophytes en 2024: le tube.