La canicule s’abat de toutes ses forces sur les côtes méditerranéennes françaises, ce qui n’est pas bon signe pour nous ! Mais vraiment pas du tout… Depuis le mois de mai, les sessions commencent à se compter sur les doigts de la main et beaucoup d’entre nous commencent à être à cran. Tracer dans le Sud-Ouest fut une excellente option pour certains, mais pour les autres, ça devient insupportable en terme de frustration ! La Méditerranée est belle mais joue inlassablement avec nos nerfs.
Du coup, l’actualité surf tourne au ralenti et les images à vous proposer deviennent de plus en plus maigres. On notera tout de même pour le mois de mai deux samedis consécutifs qui ont offert de jolies petites lignes propres. Hormis cela rien de bien fou. On se retrouve le mois prochain en espérant vous proposer de jolies images de sessions estivales improbables.
FOLIO : 1 MOIS EN MED
- Merci aux photographes : Eric Bondon / Jerome Bonelli / TP Photography
L’INTERVIEW DU MOIS : NICOLAS HERVO
Pour commencer, ça fait a peut près 40 ans qu’ici on surfe. Contrairement à ce que la plupart des gens pensent, il y a des vagues en Méditerranée. Ça ne les intéresse pas car ils viennent l’été quand la mer est plate parce que pour les vacances c’est plus cool ! Quand il y a des vagues, ça les emmerde. Par exemple, il y a 25 ans, quand je travaillais dans un surf shop, j’ai rencontré des Américains et Australiens qui me demandaient où se trouvait la vague de Saint Louis. Le spot passait dans des magazines étrangers mais, ici, seul les locaux le connaissaient. C’est une super vague qui déroule sur une bonne distance.
L’avantage qu’on a ici c’est que le littoral est découpé en pointe, ce qui nous donne, entre chaque pointe, de superbes gauches – droites. Tout ça pour dire qu’avant, tous ces spots étaient plutôt calmes. Maintenant c’est en train de changer. Le spot de Saint Louis est devenu plus populaire, mais ça nous arrange car ça laisse tous les autres spots disponibles (rires) ! Après, c’est mon choix personnel de l’éviter et d’aller ailleurs. Elle est certes très belle mais si c’est pour batailler pour l’avoir, ce n’est pas la peine.
Quel type de planche préfères-tu shaper ? Comment tu t’y prends ?
Je prends vraiment du plaisir à fabriquer des planches un peu old school. J’aime les fabriquer avec du bois, partiellement ou entièrement. Travailler le bois est très intéressant. Il y a une vingtaine d’années on a mis en place tout un processus où on gère toute la fabrication de planche en agave. C’est une plante très grasse qui ressemble à un cactus. La fleur est une tige géante et très épaisse. On coupe donc ces tiges qu’on laisse sécher car elles sont remplies d’eau et donc très lourdes. Une fois l’intérieur sec, ça devient aussi léger que du balsa ! La tige est ensuite passée à la découpe puis à la raboteuse. On récupère ainsi les carrelés que l’on intègre dans les planches pour faire moitié mousse, moitié bois ou on fait la board entièrement en bois. Le seul truc qui n’est pas naturel, c’est la résine qu’on achète.
J’ai une petite anecdote à propos de ça ! Un jour de noël avec mon frère, on s’est introduit chez des gens qui mangeaient en famille. On les voyait mais eux non, car on était dehors dans le noir. On leur a coupé leur arbre et on est parti avec, c’était énorme ! Mais c’est pas très grave, car une fois sa fleur formée, il meurt. Donc on a bien fait de le couper, mais peut-être qu’ils ne le savaient pas. En tout cas c’était rigolo de couper cet arbre puis d’enjamber le mur avec la tige sous le bras. La police est passée, nous avons fait comme si de rien était, puis on est rentrés tranquille avec ça sur le toit de la voiture ! C’était un très bon moment !
Cette passion est venue d’où ?
Quand j’avais 13 ans, mes deux frères et moi voulions des planches et à l’époque, notre père nous avait clairement dit de nous démerder ! Heureusement qu’ici on est dans un fief énorme et que dans la profession les mecs sont plutôt cool. J’ai ainsi pu rencontrer Franz Daher qui m’a donné mes premiers outils et de précieux conseils. J’ai aussi croisé le chemin de shapers australien et américains qui m’ont apporté quelques outils et astuces ! Ainsi avec des copains j’ai créé plusieurs marques avant de finir sur Manipura, marque déposée ! (rires)
La Méditerranée n’était pas aussi “reconnue” en terme de surf dans le passé que maintenant, souffrant de pas mal de clichés. L’avez-vous ressenti, à un moment de votre carrière de shaper ?
La méditerranée souffre encore de pas mal de clichés alors que les vagues et le niveau sont là. On fabrique de plus en plus de planches et on s’aperçoit qu’une culture surf est en train de naître. Grâce notamment aux pros comme Joseph Donnat avec qui je bosse depuis plus de 10 ans et d’autres brevets d’état et surf clubs de la région. On remarque aussi depuis quelques années que les médias et les grandes marques sont intéressés par l’image de la Méditerranée, mais il reste encore beaucoup de choses à faire. On s’y attelle !Decouvre notre Boutique en Amazon
Est-ce qu’une planche destinée aux vagues de l’Atlantique est foncièrement différente d’une board destinée aux vagues méditerranéennes ? Y a-t-il une board méditerranéenne type ?
On est encore dans le cliché de la Méditerranée, flat et molle ! Il n’y a pas de planche type, mais on a besoin d’un quiver adapté. Il peut y avoir des vagues de dalles creuses et rapides, comme des vagues sympas sur les plages.
La Méditerranée possède une variété de vagues et de paysages très différents. Les spots permettent à chaque surfeur de s’y retrouver. Quand on a une planche magique, quelle que soit la vague qu’on va surfer, on a envie de la mettre sous ses pieds… Il n’y a pas de grande différence car tout dépend de la vague que l’on va surfer et surtout du niveau qu’on a.
Du coup si un de nos lecteurs a envie de se faire une planche Manipura, ça se passe comment ?
Il appelle, tout simplement. Mais attention, il ne faut pas qu’il me mente. Il appelle, on voit ça ensemble. Si le mec fait 80 kilos et qu’il espère maigrir et qu’il me dit 70 kilos… Ça ne va pas le faire ! (rires). Comme d’autres qui sont trop humbles et qui me dise qu’ils sont mauvais alors qu’ils partent déjà en diagonale… Et d’autres qui vont me dire qu’ils déchirent tout alors qu’ils débutent… C’est pour ça que je pose beaucoup de questions aux surfeurs qui veulent une planche afin de mieux les cerner afin de leur faire la planche qui leur correspondra au mieux. Pour une planche parfaite sur mesure, il faut rester honnête. Mais j’arrive, quand même, plus ou moins, à cerner ceux qui ne disent pas la vérité .
On va finir avec un dernier mot, du coup comment tu vois l’avenir du shape ?
Le shape commence à se recentrer. Les gens reviennent aux sources. Ils veulent quelque chose qui glisse et qui a vraiment de la gueule. Ils veulent prendre du plaisir et ils aiment la qualité. Ils aiment les belles pièces ! Les passionnés sont à la recherche d’un produit design et authentique. Mais quoi qu’il en soit, ici, on fabrique pour tout le monde !
Correspondant local : Eric Bondon
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Prochain report en Méditerranée le 2 Juin, d’ici là bon surf à tous !