Fabien Fabre et l’océan, c’est l’histoire d’un gamin qui découvre le bodyboard à l’âge de douze ans. De retour d’un voyage en Martinique, le natif de Perpignan tombe nez à nez sur un article du magazine « Terres Catalanes » narrant le récit d’un surfeur de Collioure, petite cité balnéaire qui borde la Mer Méditerranée. Surpris du potentiel que peut offrir la Grande Bleue surtout en période hivernale, Fabien rêve de découvrir le littoral. Mais faute de moyen de locomotion, l’exploration attendra.
En 2010, le Perpignanais, qui réside alors en Catalogne Nord, part quelques jours sur la côte basque. Les sessions de body mais aussi de surf déclencheront un déclic : chercher des infos et traquer les spots de sa région. Le Pyrénéen fait la rencontre de pratiquants. Et à sa grande surprise, ils sont beaucoup plus nombreux que ce qu’il imaginait. Les sessions méditerranéennes sont de grande qualité et beaucoup plus fréquentes que dans ses pensées.
Quand et comment la photo est-elle arrivée dans ta vie
?
J’ai toujours aimé la photo mais le côté encombrant
d’un boîtier reflex m’a longtemps rebuté. Ma vie professionnelle me permet de me déplacer régulièrement en Métropole et Outre-Mer. En 2011, je suis parti
plusieurs mois à Moorea et Tahiti. Une expérience et des sessions incroyables.
En rentrant de Polynésie, je me suis mis à visionner mes photos et à ce
moment là je me suis dit que c’était vraiment con de partir dans des endroits
pareils et d’en ramener des images pourries. Dix minutes plus tard, je m’étais
commandé un Reflex et un 300mm. Puis je me suis documenté sur la photographie
en achetant des livres et en traînant sur internet.
Quelle est ta définition de photographe ?
Un vrai photographe pour moi n’est pas forcément une
personne qui a le statut de professionnel. C’est quelqu’un qui a du
« vrai » matos et qui le maîtrise totalement de par sa technique et son
instinct.
Aujourd’hui, à l’heure du tout numérique, la photo est
accessible à tout le monde, et quand je vois des pseudos-pros sur internet qui
font de la merde et la vendent, ça me rend fou. Ce sont souvent des gens qui
brillent par leur incompétence et leur méconnaissance de la photo, mais
j’associe cela à de l’arnaque. En France n’importe qui peut se mettre
photographe professionnel à son compte, sans formation ni diplôme, et je
trouve cela aberrant.
La photographie est un métier noble et complexe, il
devrait être réglementé et encadré. Personnellement, je ne me
considère pas comme un photographe, je suis juste quelqu’un qui fait des photos
avec du matériel amateur, pour mon plaisir personnel puis aussi pour le plaisir
de partager. Quand on me demande une photo de façon sympathique et
respectueuse, j’envoie le fichier gratuitement, parce que ça me fait
plaisir et qu’il serait illégal que je la vende.
La Méditerranée est un endroit particulier pour
la photographie de surf ?
Oui, en Catalogne, la grande majorité des
sessions ont lieu l’hiver, sans soleil et souvent sous la pluie. Le manque de
lumière n’est pas facile à gérer, ça se rattrape en post-prod.
Se trouver au bon endroit au bon
moment, une tâche difficile, surtout en Med ?
C’est complètement vrai, mais c’est ce qui fait qu’il
y a encore plus de plaisir et de passion quand ça fonctionne. Chaque région
possède des particularités de par le découpage des côtes qui peut offrir
beaucoup de possibilités, que ce soit en Catalogne, Paca, Corse, Italie… Mais
les créneaux surf sont souvent limités dans le temps, il faut donc savoir
bien cibler et anticiper. Par exemple cet hiver, on a eu une session de folie
un matin. Au lever du jour à 8 heures, il y avait du 2 mètres tubulaire
parfait et à 10 heures quasiment plus rien… C’est ce qui fait la magie de la
Dans ma région, la majorité des pratiquants ne bougent
pas trop, ils surfent quand ça marche pas loin de chez eux et sur les quelques
spots archi-connus. J’évite tant que je peux ces spots où c’est souvent
« la Chine ». Je préfère faire quelques kilomètres de plus et aller à
l’eau solo ou en petit comité avec mes potes.
Mon terrain de jeu privilégié s’étend de Leucate à
Barcelone, soit environ 270km de côtes. C’est un terrain de jeu qui se prête
vraiment au « search ». Ça arrive de faire des centaines de kilomètres
pour rien, mais quand tu trouves toi-même une belle vague déserte, c’est un
bonheur indescriptible, ça n’a pas de prix.
Quelle est ta conception de la photo de surf parfaite
?
Je n’en ai pas vraiment, mais j’ai un penchant pour
les images qui font ressentir la puissance des éléments dans une ambiance
hostile… Les cocotiers et l’eau turquoise c’est trop classique ! (rires)
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Chris Burkard et Baptiste Haugomat. J’aime
leur style de photo à base de plans larges. Quand on regarde leurs images
on ressent l’atmosphère du lieu, on pourrait presque écrire une histoire pour
chacune de leur photo.
Qu’as tu envie de répondre à ceux qui doutent encore
du potentiel surf de la Med ?
Rien du tout, ils ont raison de ne pas venir. C’est
trop compliqué, il fait froid et en plus c’est plus pénible pour passer la
barre ! (rires)
Raconte-nous une session qui t’a
particulièrement marqué ?
J’ai vécu tellement de sessions incroyables qu’il
est vraiment difficile d’en faire ressortir une en particulier. Une
session dans les Caraïbes en 2012 qui a viré du rêve à la catastrophe. J’étais
seul au pic aux aurores et je me suis gavé pendant 1h30, c’était
assez solide (3,8m – 19 secondes sur les prévisions) et ça connectait du
point break jusqu’à la passe sur 400 mètres. Le rêve…
Au bout d’un moment, un
équipage de tow-in est arrivé. Sur un take-off ils m’ont taxé et j’ai pris
une grosse boîte : sur la fin du bottom je me suis pris la lèvre sur
la tête et je me suis fait traîner sous l’eau sur environ 100
mètres. Par miracle je n’ai pas tapé le reef mais l’impact m’a tout
arraché : mon boardshort, mes palmes, mes chaussons et ma GoPro que j’avais achetée
une semaine plus tôt.
As-tu déjà voyagé pour la photographie ?
Juste pour la photo non, mais pour surfer oui. J’essaye de le faire une à deux fois par an. Je suis allé en Polynésie,
Martinique, Guadeloupe, Indonésie, Mélanésie, Canaries, Maroc, Corse… J’ai un gros penchant pour les sessions avec de la
taille. Dès que je vois un swell propre de 3m pointer sur la côte basque et que
je suis disponible, je traverse les Pyrénées (au passage un grand merci à mes
potes Matt et Régis qui me reçoivent toujours avec gentillesse).
Question dilemme : quand les conditions sont bonnes,
tu te mets à l’eau ou tu shootes ?
Pour moi il n’y a pas de dilemme, la photo passe
vraiment en second et l’excitation d’aller à l’eau prend vraiment le dessus. En
général si j’ai vue sur le spot depuis l’endroit ou j’enfile ma combi, je garde
le reflex à portée de main pour shooter les bonnes séries qui passent pendant
le temps que je me prépare. Si les conditions sont toujours bonnes et
qu’il ne fait pas nuit quand je sors de l’eau, je fais aussi des photos à ce
moment-là.
À choisir pour le surf et les photos : côte française
ou espagnole ?
Les deux ! La Catalogne Nord car ce sont mes home-spots et c’est grisant de se caler des barrels à 5 minutes de la maison, et la Costa
Brava pour le coté exploration et dépaysant même pour une journée. En sortant
de l’eau y’a toujours une deuxième session : la session cerveza/tapas !
Comment réagissent les locaux au fait que tu partages
tes sessions sur les réseaux sociaux ?
Je n’ai pas de retours négatifs. Au contraire, il
m’arrive de me faire gentiment invectiver par mes potes quand je me cale une
super session sans prendre de photos ! Sinon, hormis Barcelone ou d’autres
spots bien connus, je ne mentionne jamais les noms de spots, et
si je shoote des spots « secrets » ou peu fréquentés je fais
en sorte que le lieu ne soit pas reconnaissable.
Ma philosophie est à l’inverse
de la société actuelle où on veut tout avoir, tout de suite et sans
effort. Tout se mérite au prix de l’effort consenti, surtout une session en
Med !
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