« Nous sommes 2022 après Jésus Christ. Toutes les plages et accès à la mer sont occupés et arpentés par les amoureux de l’océan. Toutes? Non ! Un petit village et son chef Pat « César » B. résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les usagers des plages dont les accès sont fortement restreints voir interdits entre 22h et 07h... »
Cette phrase d’introduction n’est malheureusement pas toute droit sortie fictivement de la plume de René Goscinny pour introduire une nouvelle aventure de nos irréductibles gaulois mais expose une situation inédite dans le pays des droits de l’homme et des libertés où les usagers des plages de la Presqu’île de Crozon, dans le Finistère, voient leurs quotidiens et leurs régénérations corporelles et mentales restreints, voir mis entre parenthèses au moment des beaux jours par la mise en place de barrières et autres interdictions à peine voilées pour se rendre à la mer (d’avril à septembre sous réserve de l’avis du maire en fonction de l’affluence…).
Imposées de façon totalitaire, le dialogue est unilatéral et les propositions de concertation pour trouver des solutions pour que tous (nageurs, familles, personnes à mobilité réduite, surfeurs, véliplanchistes, kitesurfeurs, etc…) aient un accès à la mer sont bottées en touche. Pire encore, il faut découvrir dans la presse le contraire des promesses suggérées timidement lors de réunions de quartiers où règne d’ailleurs un mépris sans faille envers notamment les surfeurs qui sont considérés comme un fléau ou autres enfants gâtés…
On y entend que « Le surf n’est pas un sujet concret » ou mieux encore, « Il faut protéger l’espace dunaire et empêcher les surfeurs d’aller déféquer dans cet espace » (sic). Il est bien sûr connu de tous que le surfeur ne protège pas son espace environnemental et qu’après chaque session , il lui prend soudainement l’envie d’aller à la selle ….
Mais ce qui interpelle le plus, c’est que ces interdictions soudaines sont imposées sans aucun fondement viable et de façon totalement irréfléchies en méconnaissance totale des us et coutumes des différents usagers de la plage. Comment peut-on par exemple imposer à une grand-mère qui s’occupe de ses petits enfants l’été de faire 4 kms à pieds aller retour pour se rendre à la plage avec tout le nécessaire qui s’impose ? Est-il rationnel de demander à un véliplanchiste de laisser son matos sur une zone de dépôt de matériel lorsque le parking pour stationner s’y trouve désormais à 1 km ? Malheureusement, les incohérences par ces nouvelles restrictions sont pléthores et n’arrangent personne. Mais alors pourquoi ces restrictions me direz-vous ?
L’idée majeure qui semble se dessiner sur le pourquoi de cette lubie de vouloir rendre difficile l’accès à la mer est de redorer l’image de la station balnéaire pour en faire un lieu de villégiature privilégié pour personnes aisées tel que Morgat a connu à partir de 1880 avec la découverte des lieux par Armand Peugeot. Ce désir qui sur le papier semble louable va néanmoins aux détriments des locaux dont beaucoup d’entre eux ont choisi d’habiter au bout du monde aux prix de certains sacrifices pour profiter de cet espace naturel rarement égalé. Le stade nautique grandiose que les amoureux de la glisse jouissent depuis de nombreuses années est désormais marginalisé voir prohibé. La privatisation de certains villages attenants aux plages, de parkings vides pour satisfaire une poignée de plaisanciers commencent à faire grincer les dents pour la majorité de la population qui désire se rendre à la mer en toute simplicité. Consciente qu’il y a des aménagements de toutes sortes à effectuer pour faire face à ce néo-engouement que connaît désormais la Presqu’île de Crozon, la population aimerait être concertée et surtout écoutée. Toutes les propositions et solutions soulevées pendant les réunions de quartier se sont malheureusement heurtées à une « barrière » comme un sentiment de confinement imposé à nouveau.
Sur fond de période post COVID, la crise sanitaire vient questionner nos modèles et pratiques, et pose avec une acuité particulière la question de l’après. Si certaines certitudes et croyances sont ébranlées, un champ des possibles s’ouvre en parallèle et ce n’est pas ainsi que les habitants de la Presqu’île le voyaient. C’est pourquoi le dimanche 19 juin à 15 heures sur la plage de Morgat, un rassemblement est organisé afin de lutter contre ces restrictions arbitraires . Il est donc nécessaire et essentiel qu’il y ait le plus de monde possible afin que tous puissent aller librement à la mer.
– Romuald Pliquet –