L’ISA confirme l’expulsion des athlètes et officiels Russes
Entre opportunisme et obligation, Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport, nous explique pourquoi l'ISA n'avait pas le choix.
03/03/2022 par Marc-Antoine Guet
« Le mouvement sportif ne peut pas aller plus loin, le coup symbolique est fort », nous a expliqué ce matin par téléphone Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport.
Si la guerre en Ukraine est de toutes les actualités en ce moment, d’un point de vue sportif, les Fédérations internationales s’alignent depuis quelques jours sur les sanctions qu’elles souhaitent infliger à la Russie de Vladimir Poutine. Des sanctions qui n’épargnent pas le milieu du surf puisque l’ISA (l’International Surfing Association) a fait savoir hier via un communiqué de presse, qu’elle confirmait l’expulsion des athlètes et officiels Russes de toutes ses compétitions.
« Conformément aux recommandations du Comité international olympique (CIO), les sanctions de l’ISA signifient qu’aucun athlète ou officiel de Russie ne sera invité à participer ou à assister aux événements organisés par l’ISA jusqu’à nouvel ordre » peut-on lire dans ce communiqué (disponible en intégralité en fin d’article). « Conformément aux recommandations du Comité international olympique » peut-on lire en début de phrase. Et c’est bien ce passage là qui interroge.
— International Surfing Association (@ISAsurfing) March 2, 2022
Pour en savoir plus, nous avons joint ce matin Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport et auteur de nombreux ouvrages. Cet expert en la matière nous explique pourquoi cette décision de l’ISA est opportuniste mais aussi et surtout, pourquoi, alors que le surf a fait son entrée aux Jeux Olympiques, cette décision était obligatoire.
Jean-Baptiste Guégan – « Ce qui est intéressant, c’est que la décision prise par l’ISA, est une décision qui s’inscrit dans la lignée des premières sanctions internationales sportives prises par le CIO. On est sur l’idée qu’on est obligé de sanctionner les sportifs russes parce que les Ukrainiens ne peuvent pas combattre et qu’on est contre la guerre. On décide de sanctionner les athlètes russes, de suspendre les équipes russes, parce qu’on ne veut pas que la Russie puisse montrer ses couleurs et en tirer profit sur la scène internationale. C’est aussi une manière de répondre par le sport à Vladimir Poutine. La Russie va prendre de plein fouet les décisions qui ont été prises, sous pression, par le CIO, la FIFA et les Instances Internationales. Le soft power sportif construit par Poutine va lui revenir en pleine tête. C’était inattendu il y a encore quelques jours, c’était impossible à envisager il y a quelques semaines, c’est aujourd’hui de l’ordre de l’historique. C’est la première fois qu’un pays est sanctionné comme ça et que tous ses ressortissants sportifs sont touchés comme ça.
Mais pour en revenir au surf, ce que fait l’ISA est symbolique mais aussi politique.
Ce qui est intéressant, c’est que le surf est entré dans le programme olympique et sera au coeur de Paris 2024 avec Tahiti. C’est pourquoi leur décision est importante. Avec cette décision et ce communiqué, l’ISA s’inscrit dans la continuité du CIO, alors qu’auparavant leur relation était lointaine (voire presque inexistante). On assiste donc à un alignement des Fédérations sportives internationales auquel prend par l’ISA. Le surf réagit un peu plus tard que les autres mais s’inscrit quand même dans cette lignée des grandes Fédérations internationales, à un moment où, on commence à le voir avec le tennis notamment, les sportifs individuels russes, commencent à échapper aux sanctions. Et ce pour une raison simple : on considère qu’en tant que sportifs individuels, si on leur enlève leurs couleurs, leur hymne et leur drapeau, il n’y a pas de raison de les sanctionner.
Mais c’est là que ça devient intéressant.
Comme il n’y a pas de surfeurs russes, l’ISA s’aligne dans un premier temps sur le mouvement olympique, mais fait surtout de la communication à moindre frais. Car dans mon souvenir, il n’y a pas de sponsors russes sur le World Tour, et le marché russe dans le milieu du surf est quasiment inexistant. On assiste donc là à la fois à une forme d’opportunisme de la part de l’ISA, et en même temps, à côté de cet opportunisme là, à un alignement qui préfigure aussi d’une intégration réussie du surf au programme olympique et donc à la grande famille du sport olympique.
Ce qui va être marrant aussi, et c’est le 3e point, c’est que dans mon souvenir, le siège de l’ISA est en Californie. Et ça change beaucoup de choses car du coup tu tombes sous le coup des sanctions américaines. Non seulement l’ISA avait cette intention là car comme la WTA en tennis, son siège est aux Etats-Unis, mais elle aurait pu, si elle n’avait pas suivi le mouvement, tomber sous le coup de sanctions américaines. Ce choix de s’aligner est donc aussi une manière de préserver ses intérêts commerciaux, nationaux et politiques dans la zone. Et il y a une dernière chose, c’est la question des valeurs. Car c’est ça aussi le surf et les sports de glisse. On est sur des valeurs de partage. La mer on ne la ferme pas, on la laisse ouverte. On ne la ferme que lorsqu’il y a une guerre. Cette décision symbolique c’est aussi pour donner l’idée que le surf refuse la guerre. Il suffit de voir dans les années 60′ – 70′, le surf a toujours été dans un refus systématique de la guerre, ça fait aussi partie de la culture surf.
Toutes ces raisons expliquent pourquoi l’ISA s’alignent sur les autres fédérations. S’ils avaient été les seuls à ne pas le faire, cela aurait été gênant. Encore plus dans ce contexte olympique ».
Quand on s'échine à dire que les grands événements sportifs internationaux sont une des avant-scènes des relations internationales et des rapports de force… Après Sotchi et la Crimée en 2014, les liens entre Beijing 2022 et la guerre en Ukraine soulignent l'importance du sport. https://t.co/CmuP6bGdRQ
Déclaration complète de l’International Surfing Association ci-dessous
« Lors d’une réunion extraordinaire tenue ce lundi 28 février, le Comité exécutif de l’ISA a décidé d’imposer des exclusions sportives strictes aux athlètes et officiels Russes. Ces mesures sont le résultat de la ferme condamnation par l’ISA de l’invasion de l’Ukraine par le gouvernement russe et de l’agression militaire terrible et non provoquée contre le peuple ukrainien.
Conformément aux recommandations du Comité international olympique (CIO), les sanctions de l’ISA signifient qu’aucun athlète ou officiel de Russie ne sera invité à participer ou à assister aux événements organisés par l’ISA jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure fait suite à une confirmation antérieure selon laquelle l’ISA n’envisagera pas d’organiser d’événements en Russie dans un avenir prévisible.
La communauté mondiale du surf est choquée et consternée par le terrible acte d’agression de la Russie et le rôle joué par la Biélorussie pour faciliter son invasion de l’Ukraine. Notre point de vue sur cette crise est sans équivoque et nous sommes pleinement solidaires de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Il s’agit d’une tragédie humaine qui exige que nous prenions tous une position ferme et que nous envoyions le message que cette violence ne sera ni tolérée ni oubliée.
Les décisions de l’ISA servent à assurer la sécurité du public, des athlètes et des officiels, et à protéger l’intégrité de nos compétitions. Nous restons en contact avec la Fédération ukrainienne de surf pour leur offrir notre soutien et nous espérons que la paix sera rétablie aussi vite que possible ».
Pour aider
Si vous souhaitez aider les Ukrainiens, vous pouvez faire un don à certaines des organisations qui leur viennent en aide. En voici ci-dessous quelques-unes (fiables et vérifiées) qui ont lancé des appels :
Première grosse session de la saison à Jaws, Titouan Canevet accueille Issam Auptel en Bretagne, le retour sur la carrière du légendaire Tom Curren et bien plus encore.
Un entretien avec Michel et Tyler Larronde, Damien Castera en Indonésie, le tant attendu Snapt 4 enfin dispo, du Jaws XXL et bien d'autres choses encore.