Mavericks…or not ??? Paul Cesar Distinguin sort sa plume

le surfeur de 19 ans nous livre, avec l'inhabituelle verve qui le caractérise, son opinion sur le rapport préparation physique / Surf

26/03/2014 par Surf Session

Du muscle, du poids, du volume, de la matière, de la force….je commence à en avoir assez de flotter en apesanteur. Un cerf-volant, un ballon tout en couleur suspendu à mes petites mains potelées du haut de mes trois ans dont l’explosion inévitable me faisait tomber en larmes. Voilà mon désarroi. Ma carcasse s’envole à chaque frémissement du vent ou au moindre clapot.

Ma monture se dérobe. Piètre cavalier, je ne peux pas encore prétendre au statut de Mavericks tant admiré par les indiens ; ces puissants chevaux libres et solitaires qui galopent sur la crête des montagnes, sans se mélanger à la horde.

Une race en voie d’extinction. Surtout en surf.

La puissance et la force restent souvent le prix à payer pour sauver sa tête surtout lorsque les vagues sont grosses, clapoteuses, puissantes ou molles. Le prix de la liberté !

Les surfeurs pro l’ont bien compris. Aujourd’hui la plupart misent beaucoup sur leurs biscotos pour terrasser leurs adversaires et dompter les vagues. Pas une semaine sur le web du surf sans nous les briser avec l’entraînement, la préparation physique ou les méthodes d’un tel ou d’un tel. Ils veulent tous à être célébrés au rang de Mavericks.

Le résultat n’est toujours bien heureux. Lorsque les qualités physiques des surfeurs s’expriment sur une solide base technique, leur surf gagne alors en efficacité, puissance, panache et virtuosité. Même les plus gros et gras sont capables de tirer les marrons du feu dans des vagues de trois pommes. Que la lumière soit ! Alléluia.

D’autres, moins inspirés, mettent la charrue avant les boeufs, en bossant depuis tout jeune leur préparation physique sans réellement maîtriser les bases techniques.

Là, on assiste à un surf de transporteur routier, un surf de bûcheron, bien souvent trop récompensé à mon goût par des juges somnolant qui comptent les gerbes laissées par la planche comme un bon landais compte les palombes. Et un, et deux, et trois. Zéro !!!

La plupart des surfeurs s’engouffrent dans la brèche du physique sans avoir conscience que cela ne suffira pas. Des « Mavericks » d’apparence, d’appartement, de guirlande, sans style, sans élégance, sans consistance.

La force est une condition nécessaire mais pas suffisante. Le surf n’est pas une histoire de force, de charrue et de boeufs. J’ai toujours refusé de casser des cailloux dans des salles de gym aux ordres d’un musculeux caporal.

Je déteste le « pschitt… », lorsque le spray est seulement le résultat d’un coup de frein porté par les dérives. Je me suis toujours refusé à pousser, rugir, péter, défoncer la vague. J’ai toujours pensé qu’un carve radical n’avait pas besoin d’être démonstratif.

Pas besoin de pousser de l’eau avec les dérives. Illusion d’une puissance mesurée à la hauteur de « la gerbe », ce mot relou à vomir supposé traduire la traînée d’embruns arrachée à la vague.

Je ne suis pas plus fervent adepte du « Ahrrf, ahrrf «  poussé par les aficionados de la puissance et du layback ; manoeuvre qui consiste à donner un grand coup de patin pour changer de direction au moment où la vague ferme, et où la principale difficulté consiste à encaisser sur les jambes, le 69 G de force d’un poids lancé à 50 km heure, en grattant bien sa planche pour remonter sur ses appuis. Une histoire de testostérone.

A l’inverse, mon surf cherche sa glisse sans mousse, sans remous, sans bavure, sans crachat, sans chantilly, sans batteur électrique, ni moissonneuse batteuse.

Un surf de kendo, un surf de danseur, d’aquarelliste. Un surf où il s’agit de caresser la surface, comme on enlève la crème de son chocolat au lait. J’aime le «  pfiitt.. », ce bruit de supersonique, laissé par ma planche lorsque l’eau s’échappe par l’arrière.

Mais l’Histoire me donne tord.

Laybacks et autres « développés couchés «  qui affirment puissance et testostérone sont hyper bien appréciés par les juges. Il me faut absolument revoir ma copie.

Une conviction renforcée après mon premier voyage au Brésil dans ces beach-breaks close-out où les conditions exigeaient de prendre le plus de vitesse possible sur un espace très court avant de s’envoyer en l’air. Seul le résultat compte, pas de virage en bas de vague, pas de bottum, pas de style. Les planches sont courtes, larges et plates. Des planches à ressorts.

Surf de kangourou, de marsupilami, les acrobates du cirque du soleil rivalisent. Avec ma planche étroite, ma planche de danseur, qui exige un surf de précision et d’horloger, mon surf d’aquarelliste n’avance pas, n’adhère pas et dégouline. Je n’arrive pas à prendre de l’eau.

Ces vagues exigent la tronçonneuse, une peinture au couteau. Rentrer dans la matière, mettre les mains dans la pate, et jeter tout cela sur un mur comme ces petits monstres à ventouse qui s’accrochent aux vitres avant de descendre en rappel. Un surf à la truelle. Torses bombés, le corps huilés, épilés, les muscles saillants, des cohortes de jeunes soldats, poupées de cire, surfent avec des ventouses aux pieds, comme ces balayettes à déboucher les chiottes. J’ai perdu.

Le vent se lève. Il va falloir rapidement que je songe à renforcer les piquets de ma tente avant l’arrivée des bourrasques.

Désolé, je vous laisse, je pars soulever de la fonte… Musique !!!

Paulczart

Retrouvez actualités, textes, vidéos et photos de Paul César sur son site web.


Tags:



3 commentaires

  • Yep
    27 mars 2014 11h36

    Très bien écrit PC !! Tellement vrai quand on observe le tour et ses évolutions depuis 25 ans 😉

    Répondre

  • Amandine
    26 mars 2014 20h47

    Cool, un peu de poésie et d’expression créative 😉

    Répondre

  • Jean Michemuche
    26 mars 2014 18h35

    Bravo.

    Répondre

  • Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    *
    *
    *