Fermer une plage, en faire sortir ceux qui en profitent sans les en avoir tenus au courant (qui plus est sans arrêté officiel), le tout pour un seul meeting, on se demande bien évidemment si cela est nécéssaire.
D’autant plus que les écoles de surf se sont vues dans l’obligation de fermer, alors même qu’elles participent grandement à la vie socio-économique locale. Selon un surfeur du coin « beaucoup de petits pêcheurs locaux sont très familiers avec l’océan et le surf. Ce sont eux qui donnent les cours de surf sur les plages. C’est aussi ce qui leur permet de vivre car ça ils s’en servent comme d’un revenu complémentaire« .
Que dit la loi en France quand la politique interfère avec le surf, comment réagir, et qu’en penser ?
Interdiction d’accès aux plages en France
La loi littorale précise, par l’article 30, que « l’accès des piétons aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protection de l’environnement nécessitent des dispositions particulières« .
Par cet article, une interdiction d’accès aux plages pour un motif sécuritaire (utilisé lors de rencontres politiques, entre autres) est donc justifiée et justifiable. Ceci dit, cette interdiction d’accès doit obligatoirement faire l’objet d’un arrêté municipal voire préfectoral en amont qui informe la population locale au préalable.
Mais tout événement politique est-il nécessairement le bienvenu lorsqu’il vient entraver un équilibre local, même sur une courte durée ? (le G7 à Biarritz par exemple). Certes, on apprécie assez rarement qu’un spot nous soit interdit, d’autant plus lorsque l’interdiction et sa justification sont d’ordre politique.
La cas spécifique de Mamallapura questionne plus largement le rapport spécifique entre le surf et la politique. Pour en savoir un peu plus sur ce rapport un peu complexe et pas si évident, nous avons fait appel à Julien Weisbein, enseignant-chercheur au Laboratoire des Sciences Sociales du Politique basé à Toulouse.
Un rapport complexe entre surf et politique
Initialement, essentiellement même, le surf est très éloigné du politique. Toute l’histoire du surf s’est façonnée autour d’une contre-culture qui va nécessairement à l’encontre de la politique synonyme d’ordre et de règles.
D’après J. Weisbein, « le surf entretien une relation quasiment déiste (spirituelle) à sa pratique, une relation qui nous emmène très loin du politique et de l’action publique. Le surf c’est une histoire, presque une sorte de mythologie et aussi une volonté de défendre ce qui nous permet d’exercer cette passion. C’est ce qui va expliquer que des surfeurs qui n’étaient pourtant pas destinés à faire de la politique en font autrement, sous une forme moins traditionnelle« .
Le surf peut se muer alors en une forme de politisation très inattendue où les pratiquants se spécialisent et adoptent des normes et des pratiques politiques qui n’étaient pas propres au surf. Parallèlement, ils parviennent à maintenir la contre-culture originelle du surf pour composer avec de nouveaux enjeux. Alors nécessairement, lorsque l’on affecte le ressort qui lui est propre, le surfeur se politise à l’encontre de la politique traditionnelle.
Le simple fait de surfer vient « changer les gens, changer la façon dont on conçoit les autres et vient indéniablement changer le rapport politique« .
Que penser de la politique lorsqu’elle s’immisce dans le surf ?
« Plusieurs avis divergent. Vous trouverez les puristes pour qui, dès lors que la politique intervient de près ou de loin dans le surf, le surf en lui-même devient un objet de marketing territorial. On questionne alors la normalisation du surf.
La normalisation du surf (le processus par lequel le surf tend à s’implanter dans la société) demande de savoir si le surf est un sport comme les autres ou s’il est bien plus. Or, notamment via la Fédération, il devient vecteur de citoyenneté (donc se politise nécessairement). On trouve une espèce d’arrangement avec le mythe originel du surf (qui est le fait de tourner le dos au monde pour aller vers la vague). Le surfeur s’intéresse plus à la vague qu’à la cité mais force est de constater que cette perception du surf a aujourd’hui évolué« .
Le surf s’est construit en tant que contre-culture, allant nécessairement à contre-courant des normes politiques traditionnelles. Mais sa transformation et son adaptation aux enjeux actuels viennent toucher à sa pratique et en ont fait un processus de politisation particulier qui, pour J. Weisbein, est « un vecteur de politisation très fort, très original, mais avant tout très marqué, surtout hors des institutions traditionnelles« .
Après, libre à chacun de se faire son avis.
Très bel article et bel analyse du surf en tant que phénomène sociologique
À refaire