À la une du numéro estival grand format de Surfer Magazine et imprimé en nombre, cet été, sur t-shirt par Rip Curl pour ses surfshops, la photo réalisée par Tom Servais du cut-back mémorable de Tom Curren à Backdoor pendant l’hiver 1991-92 fait donc de nouveau l’actualité.
Dans l’histoire du surf, il n’y a pas tant de photos que cela qui marquent les esprits et résistent au temps. Il faut qu’il y ait une concordance forte entre l’action, le personnage et le contexte qu’il y a derrière. L’occasion de revenir sur ce qui entoure cette photo.
En 1990, Tom Curren a gagné son 3e titre ASP mondial, après une année de retrait du circuit en 1989, ce qui lui a valu de devoir passer par les trials à chaque compétition lorsqu’il n’avait pas une wild card. Sur les 21 épreuves, diversement dotées, que compte alors le circuit ASP en 1990, Curren en gagne 7 dont Santa-Cruz (Calif), Bell’s, Lacanau, Biarritz… et remporte haut la main le titre devant l’Australien Gary Elkerton. Cette même année, avec un groupe de surfeurs, Tom Curren fonde en France l’antenne européenne de Surfrider Foundation.
En 1991, le Californien, résidant toujours alors en France, ne suit que sporadiquement le circuit ASP qui compte alors 17 épreuves. Fort de son troisième titre gagné sur le retour, Curren sent qu’il a bien achevé sa carrière de compétiteur pro, commencée fin 1982, après deux titres mondiaux amateurs. Sans prendre vraiment les devants de la parole, Curren insinue aussi que le circuit ASP doit se transformer, avec moins de compétitions, mieux dotées et sur de meilleurs spots. Son année off en 1989 était une façon de le dire. En 1991, son recul par rapport à la compétition en dit long aussi. Néanmoins, Curren gagne deux épreuves ASP en 1991, à Newquay en Angleterre, mais surtout à Haleiwa, à Hawaii.
Dans la carrière de Curren, il y a, jusqu’à cette compétition à Haleiwa, un manque : le Californien, bien que considéré comme un des meilleurs surfeurs à Sunset et auteur de free surf incroyables sur Backdoor/Pipeline, n’a pas encore gagné à Hawaii. Lors du Wyland Galleries Pro 1991 qui se déroule en décembre à Haleiwa, la houle est grosse (3 à 4m) et le spot, connu pour sa puissance et son courant, n’est pas facile à surfer. Depuis 1990, tout en restant fidèle à son shapeur Al Merrick, Curren se fait aussi shaper des planches par l’Australien Maurice Cole, résidant en France. L’entente entre les deux hommes facilitent le feed-back et Curren est à l’aise avec les boards de Cole. La veille des phases finales (annoncées avec des vagues plus petites) Maurice Cole shape une planche plus courte ( 7′) pour Curren. Le matin, le glaçage est à peine sec que Curren la prend pour aller surfer. Oubli ou geste malicieux du triple champion du monde, Curren apprécie la board et la surfe toute la journée sans y mettre les stickers de ses sponsors. Ces derniers, OP et Rip Curl, sont largement connus depuis le temps qu’ils sponsorisent Curren.
La finale du Wyland Pro 1991 réunit trois champions du monde, Tom Curren, Tom Carroll, Martin Potter et le meilleur surfeur hawaiien du moment, Johnny Boy Gomez. Autant dire une finale d’exception ! En trouvant notamment un tube dans ce swell désordonné, Curren s’adjuge la victoire, sa 33ème alors, mais surtout enfin sa première à Hawaii qui complète définitivement sa carrière historique. Pour autant, il termine 25ème au classement ASP de 1991. En 1992, il se retire de la compétition, malgré la transformation, cette année-là, du tour ASP en deux circuits : le WCT, le “grand chelem mondial” concrétisant ce que Curren espérait depuis pas mal d’années, le WQS, circuit de qualification. Curren sait aussi qu’une nouvelle ère du surf pointe avec Slater, dont il a déjà prédit qu’il aurait largement plus de titres mondiaux que lui…
Pendant les jours qui suivirent sa victoire à Haleiwa, Curren continue de surfer la planche que lui a faite Maurice Cole et ne colle toujours pas les sitckers de ses sponsors, affichant son style élégant et légendaire avec un planche No Logo qui fait parler d’elle. Les photographes sont à l’affut des sessions de free surf du Californien. Quelques jours plus tard, Tom Servais, photographe de Surfer Magazine, saisit Curren dans un cut-back de toute beauté à la sortie d’un tube à Backdoor. La pureté de la manoeuvre se révèle d’autant plus que la planche est vierge de stickers.
La photo paraît dans Surfer Magazine qui en fait même un poster. L’attitude de Curren sans logo continue aussi de faire jaser. Son sponsor Op n’apprécie pas et rompt le contrat de sponsoring. Rip Curl, bon joueur, ne dit rien. Mieux, pendant les deux années qui suivent, Curren part en Search avec la marque australienne. De J. Bay aux Mentawai, Curren continuera de faire parler son style et de faire avancer le surf par des manoeuvres radicales inédites… — GS.
Retour sur cette photo avec les commentaires de Tom Servais, Tom Curren et Taylor Knox
Pour plus de vidéos et de photos sur la carrière de Tom Curren, rendez-vous sur le site Rip Curl
Le mag dont il est question, le traditionnel « big issue » de l’été, est d’ailleurs énorme, je l’ai acheté en juillet en Nor Cal. A lire !