Parmi la poignée de surfeurs présents à Belharra hier se trouvait Justine Dupont, la surfeuse de 22 ans originaire de Lacanau. Investie dans le programme Billabong Adventure Division aux côtés notamment de François Liets, elle compte déjà à son actif quelques solides sessions. Mais c’est à Belharra hier qu’elle a pris sa plus grosse vague. Et elle ne va pas s’arrêter là. Interview :
Tu as vécu une sacrée journée hier. À quoi pense-t-on le soir au moment de s’endormir après une session comme celle-ci ?
Je n’arrivais pas à m’endormir, même si j’étais épuisée, je pense que j’avais encore de l’adrénaline en moi. J’ai commencé à réaliser à la sortie de l’eau, après avoir vu les photos, la taille des vagues, puis il y a eu l’emballement sur Internet, tous les messages reçus. Mon téléphone n’arrêtait pas de sonner. De toute façon, je ne pouvais pas m’endormir (rires).
“Il suffit juste d’avoir envie et de ne pas être bloquée par la peur”
Tu es la première fille à avoir surfé Belharra, et la première européenne à avoir surfé de si grosses vagues. Ça fait quoi ?
C’est une satisfaction, ça n’avait jamais été fait auparavant donc ça fait plaisir. Ça montre au passage que si les garçons l’ont fait, les filles peuvent aussi le faire. Après, il suffit juste d’avoir envie et de ne pas être bloquée par la peur.
Comment on se prépare à une session comme Belharra ?
J’ai mis deux gilets de sauvetage, comme en Irlande. J’ai une bonne apnée, mais je sais que ça me permet de remonter plus facilement à la surface. Pour ce qui est de la préparation, ça faisait une semaine que François (Liets) regardait les cartes et la veille il m’a dit : « Voilà, on y va demain, ça va le faire. »
Pendant la session, j’ai vraiment confiance en lui. Je sais qu’il va me lancer au bon moment, au bon endroit, qu’il va me récupérer et me permettre de me surpasser plus facilement.
Justement, tu es encadrée par François lors de chaque grosse session, et Sancho est aussi souvent dans les parages. Comment ça se passe avec eux ? Ils te poussent, ou au contraire ils te freinent si ce n’est pas raisonnable ?
Ni l’un ni l’autre, ils respectent mes choix et me donnent des conseils. Sancho est souvent là, Eric (Rebière, ndlr) était aussi présent en Irlande. C’est un plus parce qu’ils ont de l’expérience et ça me permet de les suivre. Je leur fais confiance. Et si j’ai envie d’y aller, ils respectent ma décision.
“Le plus impressionnant, c’est cette impression de descente interminable”
Tu parlais de l’Irlande et la grosse session que tu avais eue là-bas. Comment comparerais-tu ces deux sessions ?
Le trip autour de chaque session est comparable : la préparation, la pression, la mise à l’eau, l’atmosphère, l’adrénaline. En ce qui concerne les vagues, c’était peut-être plus intense en Irlande, plus court, plus puissant. À Belharra, le plus impressionnant, c’est cette vague qui n’en finit pas, cette impression de descendre une pente interminable. Et aussi le bruit, la puissance sourde de l’océan, cette eau qui bouge, le côté massif de l’endroit…
“j’aimerais bien prendre de plus grosses vagues à la rame”
Maintenant que la case Belharra est cochée sur son tableau de chasse, y a-t-il une vague particulière dans laquelle tu rêves de te jeter ?
Je n’ai pas de vagues précises en tête, mais je veux continuer à surfer de grosses vagues, et ça me conforte dans l’idée que je peux continuer à repousser mes limites. J’aime beaucoup l’Europe, j’aimerais retourner en Irlande, et aussi découvrir d’autres endroits comme la Galice. Ça dépendra de cet hiver et de ce qu’on fait avec la Billabong Adventure Division. Mais j’aimerais bien prendre de plus grosses vagues à la rame. Je compte m’entraîner cet hiver à La Nord pour progresser dans ce domaine.
Et Nazaré ?
J’y étais allée l’hiver dernier (cf. la session avec Shane Dorian, Sancho, Eric Rebière) sans la surfer, c’est une vague impressionnante, qui ne casse pas toujours au même endroit. Et il y a ce cadre, la falaise, etc. Mais c’est clair que je ne me dis pas “je n’irai jamais à Nazaré !”
“Il faut rester lucide sur son niveau”
Ton avis sur ce qui est arrivé à Maya Gabeira hier sur le spot ?
C’est un rappel, même si j’ai conscience du danger. Je m’y prépare, je m’entraîne. Je suis admirative devant ce que Maya fait, mais je pense qu’il faut faire attention dans le surf de gros à faire la différence entre « j’adore ça, j’ai envie d’y aller » et rester un minimum lucide sur son niveau. Après, chacun son niveau de lucidité.
Personnellement, je sais quand je n’ai pas le niveau pour telle ou telle vague, même si je n’ai pour le moment pas vraiment eu à dire “non j’ai peur, je n’y vais pas”. Mais je ne sais pas encore où sont mes limites puisque je ne les ai pas encore atteintes. Ça arrivera peut-être. Il faut écouter sa petite voix.
Comme pour ta vague en Irlande, te revoilà de nouveau nommée pour les XXL après Belharra. C’est quelque chose qui compte pour toi ?
Bien sûr, c’est un plus. Mais je ne fais absolument pas tout ça pour ce genre de choses. Je le fais pour le plaisir de surfer. J’aime le surf, c’est tout. Si c’est énorme, c’est en tow-in, si c’est gros en gun, si c’est moyen ou avec des tubes, j’y vais en shortboard et quand c’est plus petit j’utilise le longboard. J’utilise le support le plus adapté à chaque session pour avoir les meilleures sensations.
Interview : Romain Ferrand
Vidéo : sa vague prise hier, et nommée pour les Billabong XXL 2014 :
> Voir aussi : les photos, la vidéo et le récit de la session du 28 octobre 2013 à Belharra
> Retrouvez Justine sur son site www.justinedupont.fr