Trip de dernière minute
Matthieu n’en est pas à sa première en surf de gros, oh non. Après Belhara, Avalanche et Nazaré, la vague de Mullaghmore représentait un de ses objectifs. Oui, ça faisait deux semaines qu’il regardait depuis son Pays Basque natal, quand est-ce-que les conditions colleraient pour s’y rendre. Il y a quelques jours, Matthieu a repéré un swell sur les cartes. Mais le spot est très capricieux et le vent peut rendre la vague insurfable du jour au lendemain, ce qui limite toute anticipation. Yann, un ami bodyboardeur qui habite sur place lui confirme pourtant que toutes les conditions devraient être réunies. Aucune autre option ne se présentait dans le reste de l’Europe sur cette période. Le Basque décida donc de prendre ses billets direction l’Irlande la veille du départ. Son ami bodyboardeur Txomin Lopez le suit dans son aventure. Matt a pris soin de préparer son arrivée sur place en se mettant en contact avec des locaux pour s’assurer d’avoir une sécu dans l’eau. Un dénommé Chris McGloin s’est finalement chargé de Matt une fois sur place. Ce dernier avait prévu de surfer deux fois Mullaghmore pendant ce trip de courte durée…
Un premier jour mitigé
Les voilà partis en direction du spot, mais y aller avec son propre véhicule serait trop facile. Matt et Txomin n’ont pas ce luxe et doivent s’y rendre en stop. Deux heures de marche, « cela paraissait très compliqué » nous raconte Matt. Un Irlandais, avec qui ils ont sympathisé pendant le trajet de leur logement jusqu’à la vague, les déposa directement sur place. Il est aux alentours de midi quand les compères se mettent enfin à l’eau. Lors de cette première journée, Matt aura bien eu quelques bonnes vagues, mais pas celles qu’il espérait. Si les vagues étaient grosses, le spot peut offrir bien mieux que ça.
Ils n’étaient pourtant pas les seuls à l’eau ce jour-là et la zone de take-off est relativement limitée, presque à touche touche. Matt a dû d’abord laisser les locaux prendre les vagues qu’ils voulaient avant de prendre celles qu’il restait, sans non plus se mettre en danger. Au pic avec lui notamment, des gars comme Conor Maguire ou encore Mikey Wright venu lui aussi juste pour ce swell.
« C’est maintenant ou bien ce sera pour le prochain trip ».
C’est donc quelque peu frustré que Matt arrive à l’eau pour sa deuxième session. Le soleil rayonne lors de cette deuxième journée, même si cela donne tout de suite un aspect plus rassurant à la vague. Une image qui ne sera que de courte durée pour les deux amis Basques. Noah Lane qui sort alors de l’eau avertit de suite qu’il y a beaucoup de jus et qu’il est difficile de rester bien placé et qu’aujourd’hui, c’est plus dangereux que la veille. Matt se met alors à l’eau avec davantage de précautions. Au final, peu de mecs sur place arrive en ce 2e jour à avoir de très bonnes vagues comme ce fut plus le cas la veille. Ça ferme beaucoup et partir sur un close-out, ici encore plus qu’ailleurs, est fortement déconseillé. Sauf si tu veux te mettre en danger. Mais Matt ne veut pas partir d’ici sans avoir eu la bonne. Après une ou deux vagues qui n’ont pas satisfait sa faim, la fin de session approche. Il se retrouve alors seul au pic avec une énorme série qui se pointe. Matt se dit « que c’est maintenant ou bien ce sera pour le prochain trip« . Il est pourtant trop bas pour la première qu’il a failli prendre sur le museau. La deuxième, c’était celle de la dernière chance, du tout pour le tout. Ce n’est plus la raison qui parle.
Au drop, quand Matt commence à grabber, il se rend compte que devant lui, tout est blanc, la vague aussi. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il est très dur de surfer, encore plus dans du gros, des vagues « blanches ». Au moment de faire son bottom, Matt voit que la vague va fermer. En une fraction de seconde, il s’est rappelé une vague à Avalanche où, dans la même situation, il n’avait pas sauté et la vague lui avait causé de gros dommages physiques. L’instinct le pousse à sauter de la planche pour passer sous la lèvre. Sauf que le gilet d’impact qu’il a sur le dos et la position dans laquelle il est tombé le maintiennent à la surface une fraction de seconde de trop. Matt se retrouve à plat, sur le dos, face à l’épaisse lèvre qui lui tombe dessus. Son gilet et sa combinaison de 6 millimètres (ce qu’il y a de plus épais sur le marché) se déchire sur le coup sous la puissance du choc.
Matt Etxebarne se retrouve ensuite sous l’eau pendant un court instant. Ce fut plus court mais plus violent que sur un spot comme Belhara ou Nazaré, où la vague te traîne sous l’eau bien plus longtemps. Heureusement, le Basque ne touche ni les cailloux ni son gun même s’il s’est dit s’être senti oppressé par une énorme masse d’eau sous l’eau, plus que nul part ailleurs. Il s’est ensuite pris la 3e sur la tête avant que Chris ne puisse venir le chercher avec le jet pour le ramener au rivage. Vous verrez sur la vidéo GoPro que Matt a eu le souffle coupé bien que restant conscient. Il s’en est sorti avec des bleus et une douleur au genoux causé par le leash.
La suite pour Matt
Vous devez lui parler pour comprendre à quel point Matt est animé par la passion du surf de gros.
« Me concernant mais ça concerne beaucoup de monde aussi, le surf de gros c’est passionnant parce qu’on s’entraîne tellement dur toute l’année pour des moments qui sont rares, l’opportunité de surfer du gros n’arrive pas tous les jours. Ce sont les sous que j’ai gagné en travaillant cet été en tant que prof de surf qui m’ont permis de voyager jusqu’en Irlande. » L’investissement fourni est énorme même si rien ne pourra empêcher Matt d’y retourner, et même d’essayer d’autres vagues ailleurs dans le monde.
Le jeune chargeur a vraiment pour objectif de continuer dans la voie du surf de gros mais aussi en surf foil sur des vagues toujours plus grosses. « S’il faut attendre 1, 2, 3, 4 ou 10 ans, j’attendrai pour avoir la vague que j’ai en tête à Mullaghmore. » Matt a pleinement conscience que ces boîtes font partie intégrante du surf de gros, elles sont même indispensables. « Le surf de gros c’est un sport qui demande de l’expérience et on l’acquiert avec les années. Les meilleurs se sont les anciens. On l’a bien vu à l’Eddie qui vient d’avoir lieu. Au pic il y avait encore Michael Ho. Ça rend encore plus fort de se prendre des boîtes comme ça. On sait que ces moments vont arriver, donc on essaye de se préparer au maximum en amont, non pas pour les reculer, mais pour les gérer et les vivre au mieux.On ne peut pas anticiper ce qui va se passer, on joue dans un élément naturel qu’on ne contrôle pas ».