Archives : "Avec ce barrel, Naum (Ildefonse) a fait la couv’ de Surf Session !"
Revivez en vidéo et via le témoignage de Philippe Malvaux présent en jet derrière Ben Thouard, l'incroyable session polynésienne de Naum Ildefonse et Jonathan Gonzalez en 2013.
29/11/2022 par Marc-Antoine Guet
« Nous avons eu la chance avec Naum Ildefonse et Jonathan Gonzalez de scorer une droite très rare en Polynésie. Il n’y avait personne à l’eau, nous n’avions aucun repères, nous n’avions jamais vu l’endroit avant et des séries énormes tombaient toutes les 20mn. Naum et Jonathan s’y sont jetés directement pendant que moi je filmais ça depuis le jet ski de Ben Thouard, bien assis derrière lui. Heureusement que c’est lui qui pilotait ».
C’est le genre d’histoire que l’on adore écouter. De celles qui nous font aimer notre métier et qu’il est inconcevable pour nous de ne pas vous partager (même si elle fut déjà racontée par écrit dans le Surf Session numéro 315 d’octobre 2013 – lire plus bas).
C’est d’ailleurs Philippe Malvaux qui va nous la raconter, alors que ce dernier vient de publier sur sa chaîne Youtube il y a quelques heures, des images d’archives de cette session inoubliable.
Joint par téléphone, voilà ce qu’il nous a confié :
« Il y a 10 ans, Naum Ildefonse, Jonathan Gonzalez, Nic Von Rupp et moi avons été invités par Michel Bourez à Tahiti pour une compétition locale super cool à Papara. Ce fut une belle semaine même si Nic au final n’a pas pu venir. Pendant la compétition il y avait un niveau de fou, les Tahitiens ça surfe très grave. Des compétitions comme ça, il devrait y en avoir plus dans le monde du surf, c’est vraiment magnifique. Il se trouve qu’après la compétition, un swell s’est pointé en Polynésie. Mais Michel (Bourez) lui, ne pouvait pas être là, il était à Bali pour une épreuve du CT à Keramas. Et il passait tellement de tours qu’il s’est retrouvé en finale contre Parko. Du coup, il n’a pas pu arriver à temps pour le swell. Avec Naum et Jonathan, on voulait filer sur un spot plus connu en compagnie de Ben Thouard qui était notre guide, notre photographe pendant ce trip. Mais en arrivant sur le ponton, on a croisé Kevin Bourez qui nous a dit qu’il y a 12 pieds ouest, que c’était ultra vénère et qu’il n’y avait pas de surfeurs à l’eau, juste des bodyboardeurs. Nous avons changé de plan. On s’est retrouvé loin de là, dans un endroit très difficile à comprendre. Pour moi c’était énorme. On a vu quelques sets péter. Ben leur a alors proposé de faire du step off mais sans descendre avec le jet sur le plat. En France, on n’a pas l’habitude de faire ça. Ceux qui en font larguent le mec par devant, sur le plat de la vague. Sauf que là-bas, si tu fais ça, tu t’écrases dans le reef. Il fallait larguer le mec en haut de vague. Mais comme Naum et Jonathan n’avaient pas assez d’expérience pour faire ça, ils ont décidé d’y aller à la rame. C’était très impressionnant. Je voyais les mecs partir tête dans le guidon alors qu’ils n’avaient jamais surfé le spot et qu’il n’y avait personne à l’eau. J’étais très impressionné et j’ai raté pas mal de vagues au début car obnubilé par le spot. En fait, il y a une vague qui pète ouest, qui pète dans le coin du reef au fond et c’est elle qu’il faut prendre. Et dès que la série arrive un peu sud, un peu sud-ouest, ça fait deux bowls qui sont beaucoup plus gros que la vague et qui peuvent te choper. Tu n’as aucune chance de t’en sortir, c’est pour ça que la seule chance que tu as c’est quand les vagues arrivent un peu plus ouest. On a découvert ça sur le tas, j’étais sur le jet derrière Ben (Thouard). Il pilotait et prenait des photos en même temps. Moi derrière je voyais des murs de 4m tout noir m’arriver dessus, j’étais persuadé qu’on allait bouffer. On passait à chaque fois au ras de la crête. Deux-trois fois d’ailleurs on n’a pas pu passer la vague avec le jet et on a dû s’échapper par devant en trouvant une partie de la pente abordable. Heureusement, Ben est un super pilote. Les gars eux, ont surfé jusqu’à ce que Naum prenne cette grosse vague. Je me rappelle que la série était tellement grosse que j’ai appuyé machinalement sur la caméra et que j’ai finalement filmé en caméra inversée, j’ai donc raté la plus grosse vague. Naum a pris cette bombe orientée sud-ouest. Il s’est mis dans le barrel et ça a fait la couv’ de Surf Session (Ndlr : en octobre 2013) !
P.M – « D’habitude Naum c’est un matador, c’est un peu le torero du surf. Il joue avec le barrel, il est droit, c’est un des plus beaux styles que je connais dans le barrel. Mais sur celle-là, il était en position de survie. J’ai regardé derrière moi et la vague faisait une fois et demi – deux fois ce qu’il était en train de surfer. Au lieu de sortir de la vague, il s’est juste mis dans le barrel qui fermait sur les 200 prochains mètres… Je crois que la vague a touché au même endroit sur les 200 mètres, il y avait des geysers partout. Et Naum s’est mis dedans. Il m’a dit que c’était incroyable. Une fois qu’il était au fond de l’eau il m’a dit qu’il faisait très noir et qu’il a dû donner pas mal de coups de brasse pour remonter à la surface. Étonnamment, il n’a pas touché le reef. Il a dû tomber dans une faille, je ne sais pas trop. Ils ont ensuite continué de surfer chacun leur tour. Je trouve qu’ils passaient vite sur le jet ski, en mode c’est bon, j’en ai eu une, c’est à ton tour (rires) ».
« Ce fut une session incroyable. On est rentré en début d’après-midi, ils ont mangé un poisson cru et on dormi tout l’après-midi, ils étaient ko. Pour terminer, on a été accueillir le soir Michel Bourez qui rentrait d’Indo à l’aéroport, et dans la voiture, je lui ai montré sur ma petite caméra les images qu’on avait eu. Et franchement, ce qu’il m’a dit c’est : « Philippe tu te fou de ma gueule ? J’attends ça toute l’année ». Il n’a plus parlé ensuite pendant 10 minutes. Au bout de 10 min, il m’a regardé et il m’a dit : « Philippe, ça, c’est mieux que de faire une finale à Bali ! » Pour moi le surf c’est ça, on a vécu un vraiment moment de surf même si moi j’ai préféré filmer et rester à ma place ».
Particularité cette saison, les bancs de sable qui, d'après les locaux, ont comme conséquence de voir les vagues casser beaucoup trop près de la plage.