“Cela remonte à 1999, lors d’une compétition de longboard à Puerto Escondido. C’était la grande époque du longboard et les organisateurs tenaient à prouver qu’on peut l’utiliser dans les mêmes tailles de vagues que le shortboard. Sauf qu’il y avait un gros cyclone et les vagues grossissaient de jour en jour. Keone Downing et moi étions en finale, et il me semblait que les vagues prenaient un pied de hauteur toutes les dix minutes ! Autant j’adore les beachbreaks mouvants, autant là c’était vraiment trop gros, peu importe le type de planche. Aujourd’hui on y aurait fait du surf tracté. Depuis les demi finales du matin, les conditions avaient drastiquement changé, avec des séries dans les douze à quinze pieds, ce qui est énorme pour Puerto. Nous sommes sortis par le port, j’ai pris un petit tube entre deux séries et, de retour au pic, Keone n’avait pas encore pris de vague. Nous avons tous deux tenté de partir sur la même vague puis, quand on s’est retournés, on s’est retrouvés face à des montagnes. J’ai eu l’occasion de surfer d’assez grosses vagues, à Waimea notamment, mais là c’était de la folie, vraiment méchant, comme sorti d’un film catastrophe. Nous sommes passés de justesse à la première, mais la suivante barrait tout l’horizon. Là je me suis demandé si j’allais survivre à cela, plein de choses m’ont traversé l’esprit à ce
moment-là. J’ai plongé, et la lèvre est tombée à moins de 3à cm de ma planche et moi. Le leash s’est étiré à près de cinq mètres mais n’a pas cassé. Mon longboard pintail était une planche lourde et solide à trois stringers mais elle a fini désintégrée en trois morceaux. J’ignore encore si j’aurais survécu à l’impact qui a brisé une telle planche. Mais Keone et moi avons pu regagner le bateau et la pression nous est tombée dessus, celle d’avoir vu la mort en face. De retour à terre, j’ai embrassé le sable – littéralement – de bonheur d’être en vie, puis j’ai appelé mes proches, en pleurs. Cette expérience intense m’a changé. La compétition fut arrêtée, Keone et moi étions premiers ex æquo, mais de toutes façons, jamais nous ne serions repartis à l’eau ce jour-là !”
Propos recueillis par Sylvain Cazenave/ Traduction Pascal Dunoyer
Photo : Beau Young, Guéthary 2014 – ©Sylvain Cazenave