« L’histoire s’est passée il y a une dizaine d’années. Je venais de recevoir deux guns Dick Brewer, dont une 9’2” signée par le “vieux” lui-même. On était en plein hiver, je rentrais d’un trip au chaud, au Cap Vert, un peu euphorique et pressé de mettre la planche à l’eau. Je file voir Avalanche : le swell était assez consistant mais un peu désordonné, un bon 4 mètres très puissant. Personne à l’eau. J’y vais tout de même et je retrouve mon cousin (Peyo Lizarazu) et Max (Larretche) qui sont là en jet pour faire du tracté. Je fais ma session tout seul à la rame, je prends un paquet de vagues : super sensations avec cette planche toute neuve…
Je rentre m’enfiler vite un plat de pâtes et je fonce de nouveau au port de Guéthary l’après-midi. Cette fois, on retrouve davantage de monde à l’eau, ils sont une dizaine, et je ne prends pas la peine d’observer le spot. Je me mets à l’eau et je fonce direct au large alors qu’un gros set rentre. Je me retrouve tout seul au fond, je me retourne sans réfléchir et décide de prendre la première de la série. Erreur.
J’arrive à passer le take-off, mais en bas de vague, je ne sais pas ce qui s’est passé, s’il s’agissait des turbulences ou quoi, mais impossible de tourner. La planche file droit et moi je chute. Je me prends la lèvre dans la tronche : combi ouverte, gants arrachés. J’essuie toute la série sur la gueule, quatre vagues d’affilée. Je vois des étoiles, à demi K.O.
La planche est toujours en un seul morceau mais elle a tellement travaillé sous l’impact qu’on y voit des stries de partout. Malgré la double latte, elle est vrillée. Et pourtant elle avait été glassée par Thierry Domenech à Tahiti, du solide !
Je suis resté près de vingt minutes dans le chenal, à essayer de me “refaire la cerise”. Quand j’ai repris mes esprits, je me suis dit “si tu n’en reprends pas une, tu ne te mettras plus à l’eau dans des grosses vagues”. Je m’y suis recollé et j’ai réussi à prendre trois vagues. Mais comme je n’étais plus dans mon assiette, avec les jambes qui tremblaient et plus de confiance dans les appuis, j’ai pris des boîtes, mais pas méchantes.
Sur le moment, tu ne paniques pas, pris dans l’action. C’est rétrospectivement que tu te dis qu’il peut t’arriver n’importe quoi, qu’il suffit que se prendre la planche dans la tête lors ce genre de bouffe et dieu sait ce qu’il arrive de toi. Il faut se méfier de ce sentiment d’excès de confiance, il peut te jouer des tours. Ça m’a servi de bon recadrage pour la suite.
J’ai conservé cette planche près de dix ans après cela mais je n’ai plus jamais eu confiance en elle. Il y a deux ans, je l’ai prêtée à mon pote Jérôme Sahyoun lors d’un gros jour également très aléatoire à Avalanche et je crois qu’il a pris la rouste de sa vie. Planche maudite à Avalanche ! J’ai fini par la vendre à un surfeur anglais, que j’ai recroisé avec la planche à Guéthary. »
C’est pas par hasard un gun tout noir Xabi?