On avait déjà rencontré Kai Neville en 2010 – un an après la sortie de Modern Collective – pour une interview dans une chambre d’hôtel de l’hôtel Mercedes à Hossegor, qu’il partageait alors avec Jordy Smith. Cinq ans et quelques films plus tard (Lost Atlas, Dear Suburbia, Bending Colours…), l’Australien de 30 ans est sans conteste le réalisateur de films de surf le plus célèbre et le plus hype du moment. Admiré ou contesté, le personnage, son univers et son sens de l’esthétisme ne laissent pas indifférents. Un nouvel entretien s’imposait.
Ça tombe bien, Kai était de passage à San Sebastian ce mois-ci pour présenter son dernier opus, Cluster. Rendez-vous est pris. Vendredi, 16h : l’Australien arrive tout sourire, malgré la pluie fine qui tombe en silence sur la ville, en se présentant simplement à nous. On s’installe dans les strapontins du magnifique Teatro Principal de la ville, qui accueillera 5h plus tard l’avant-première du film dans une ambiance survoltée. Pour le moment la salle est vide, tout est calme, le cadre parfait pour une interview. La chance nous suit en ce vendredi 13…
INTERVIEW :
Romain : On est là à l’occasion de la sortie de Cluster. Présente-nous le film en quelques mots.
Kai Neville : C’est plutôt simple, Cluster est un film de surf qui a pour but de donner envie de surfer aux gens qui le regarderont mais aussi leur montrer ce qu’on fait à côté.
En fait, c’est un peu un mix, j’ai eu vraiment beaucoup de chance car les gars avec qui j’ai commencé à travailler, à l’époque des films de Taylor Steele, étaient un peu les plus jeunes, et on a progressivement bougé vers notre propre projet, Modern Collective avec Dion, Mitch, Dane, Jordy et tous les gars de notre génération quand on avait tout juste la vingtaine. J’ai eu la chance de bien connaitre ces gars et d’être ami avec Dion et Mitch depuis pas mal d’années et il se trouve qu’ils étaient de très bon surfeurs.
Par la suite, d’autres surfeurs sont venus s’ajouter à ce petit groupe et on a eu la chance de travailler sur 4 films ensemble, c’était les meilleurs trips qu’un surfeur puisse imaginer, et on a toujours essayé de garder cette bonne ambiance. Quand un nouveau gars rejoignait le crew, il devait s’adapter et devenir ami avec les autres, c’est une affaire d’ amitié, un surf trip quoi !
“Quand un nouveau gars rejoignait le crew, il devait s’adapter et devenir ami avec les autres, c’est une affaire d’ amitié, un surf trip quoi ! »
On a travaillé dur pour faire de belles images et surfer au mieux, mais il faut toujours garder à l’esprit que c’est juste du fun. Si tu as un connard dans le team, tu vas évidemment pas vouloir retravailler avec lui, alors ouais, il faut vraiment être un mec cool, pas seulement bien surfer ! Plein de gens surfent bien, mais bon, il faut avoir ce truc en plus.
Qui sont les nouveaux visages dans Cluster ?
Les nouveaux standards sont définitivement Noa (Deane) et Creed (McTaggart), ils surfent vraiment bien et apportent vraiment une touche différente dans ce qu’ils font. Il y a aussi Jack (Freestone) et Ryan (Callinan), j’ai travaillé un peu avec eux au printemps mais Noa et Creed sont vraiment les nouveaux visages, ils sortent du lot, ils déchirent à mort et ils sont vraiment agréables, très respectueux, je suis super heureux de travailler avec eux.
A qui s’adresse le film ?
Je pense et j’espère que ça peut parler à tous les surfeurs, il y a vraiment du bon surf et j’espère que la musique plaira à tout le monde aussi, mais ça plaira définitivement à la jeune génération. Quand j’avais 16 ou 18 ans, tout ce que je faisais était de m’asseoir dans un canapé et regarder des films de surf, quand je ne surfais pas… Il y a vraiment une vocation à inspirer cette jeune génération et leur donner envie d’aller surfer.
Je viens d’avoir 30 ans, et je ne regarde plus autant de film qu’avant mais j’en fais toujours et ça me plait toujours autant même si j’ai beaucoup d’autres trucs à gérer, je suis assez occupé mais à l’époque, tout ce qu’on faisait était surfer tout le temps et regarder des films, et c’est cet esprit là que je veux garder.
“J’ai un peu voulu revenir en arrière en travaillant avec soin sur une année de tournage plutôt que de tout envoyer vite fait sur ce p****n d’internet.”
Quelle est la différence entre Cluster et tes films précédents ?
C’est vraiment le fait que ce n’est pas basé sur des locations comme Modern Collective, Lost Atlas et Dear Suburbia, mais sur des parts individuelles. J’ai vraiment aimé mettre en scène des lieux et des sessions, parce que on en est arrivé à un point où ces gars sont tellement bons qu’il fallait montrer plus ce qu’est vraiment un surfeur. A l’époque on ne faisait pas trop ça, c’était plus basé sur des parts, tu mettais juste les meilleurs clips sur un an de tournage. Maintenant j’ai vraiment envie de mettre en scène les aspects du voyage aussi. Aujourd’hui tout est tellement instantané, on fait une belle session et ça se retrouve directement sur internet. J’ai un peu voulu revenir en arrière en travaillant avec soin sur une année de tournage plutôt que de tout envoyer vite fait sur ce p****n d’internet. Donner envie aux gars de travailler sur des plus gros projets, ça les fait aussi travailler sur des plus gros moves et je voulais vraiment ramener cet état d’esprit.
Un peu dans le style Momentum et des films de Taylor Steele dans les 90’s ?
Exactement ! C’est cool et surtout ça marche… Plutôt que de faire un truc comme les autres, faisons quelque chose de différent, faisons des parts, c’est fun !
“On a du retourner 3 fois dans certaines locations comme Lakey Peak, Yoyo’s, Sumbawa, pour avoir le bon trick !”
Quelles sont les principales destinations ?
J’ai filmé peut être presque 60% de plus que sur n’importe autre projet, parce qu’on n’allait pas juste dans une destination, on essayait d’avoir le meilleur de chaque gars, on a du retourner 3 fois dans certaines locations comme Lakey Peak, Yoyo’s, Sumbawa, pour avoir le bon trick !
On a beaucoup filmé en Indonésie, en Australie, ces endroits où on savait qu’on allait avoir de bonnes vagues. On n’était pas trop dans l’optique d’aller dans des destinations exotiques mais vraiment de chasser les swells, d’avoir le bon vent pour les airs, d’aller sur des reefs pour trouver des grosses rampes.
On est allés aussi en Europe et c’est ici qu’on a dépensé le plus pour revenir avec le moins de clips (rires) mais on aime toujours bien venir ici sur les beachbreaks, c’est toujours assez tricky. On est aussi allés à Gran Canaria, à Durban en Afrique du Sud. Certains des gars ont fait leurs propres trips, Craig est allé à Sumbawa et a eu des gros barrels, pas mal de spots au sud de l’Australie également. C’était assez intense !
Quand tu as lancé Modern Collective il y a maintenant 6 ans, les gens disaient que c’était tellement différent de ce qui se faisait alors dans les films de surf, et ça t’a apporté une notorité impressionnante à l’échelle mondiale. Comment tu expliques ça, et qu’est ce qui fait selon toi que tu en es arrivé là aujourd’hui ?
Je crois que la différence qu’a apporté Modern Collective, c’est que c’était juste une bande de jeunes qui faisaient ce qu’ils aimaient sans pour autant faire une obsession là-dessus, en restant assez innocents, naïfs par rapport au monde extérieur. On était jeunes et il n’y avait pas vraiment de ligne directrice, on faisait juste ce qu’on aimait faire, avec la musique, le surf, le style qu’on aimait, c’était juste simplement nous, et par chance les gens ont gravité autour de ça, un bon crew avec le bon timing, des gamins naïfs qui faisaient de la merde, et c’était cool.
Modern Collective n’avait pas vocation à devenir un gros film ?
Non. C’était plutôt un film à petit budget, mais… c’est juste arrivé tu vois. C’est cool et je suis content que ce soit arrivé, aujourd’hui j’aurais peut-être fais les choses différemment mais en y repensant je suis content d’avoir été jeune et naïf et d’avoir fait les choses de cette manière. C’était une bonne époque, pas de pression, pas de prise de tête.
“Il y a beaucoup de très bons surfeurs mais c’est très commun partout aujourd’hui et il faut être plus que ça, du moins pour le freesurf.”
Revenons-en au casting, on a jamais vu de surfeurs européens dans tes films, il y a une raison à ça ?
Non, il n’y a pas de raison. Y a t-il vraiment un nouveau venu qui déchire en Europe ? Qui est le prochain ? Je ne me suis jamais vraiment penché là-dessus mais personne ne m’a jamais vraiment donné des noms et il n’y a pas vraiment de gars qui ait cette personnalité freesurf que je recherche. Pour l’instant je ne me suis jamais dit en voyant surfer un Européen : “merde j’aimerais travailler avec ce type !” Il y a beaucoup de très bons surfeurs mais c’est très commun partout aujourd’hui et il faut être plus que ça, du moins pour le freesurf. C’est un peu du marketing tu sais !
Alors, qui serait le meilleur surfeur en Europe selon toi ?
Euh… je sais pas vraiment en fait (rires) ! C’est une question difficile. Ce serait un mec qui est sur la scène depuis un moment comme Jérémy (Flores), il est vraiment bon mais à part ça, wow… je sais pas vraiment (rires). Il y a ce jeune italien, Leo (Fioravanti), j’ai vu quelques trucs et il a l’air vraiment cool. En même temps je viens d’Australie et je suis vraiment détaché de cette scène surf européenne, et je suis plus associé de ce fait à cette culture australienne ou américaine.
J’aimerais bien voir plus d’Européens injectés sur des groupes différents, plus sur la scène globale tu vois ? Les Australiens et les Américains dominent vraiment sur le plan marketing et ils sont très bons, mais quand tu vois un mec venir d’ailleurs, tu as vraiment envie de le supporter, alors ce serait cool de voir quelqu’un vraiment sortir du lot comme certains Brésiliens . Mais les Brésiliens, c’est encore différent, ils sont très patriotes et ont leur propre culture surf mais ils devraient aussi se jeter un peu plus dans le mix.
Comme Brendon (Gibbens), par exemple. Il est Sud-africain mais s’est intégré dans le crew, il est un peu sorti de chez lui pour s’exporter aux Etats-Unis et en Australie, et si il ne l’avait pas fait, il n’aurait surement même pas de sponsors. Pareil pour moi, j’ai du passer pas mal de temps aux Etats-Unis parce que c’est là qu’est l’industrie, et l’Australie est assez détachée du reste du monde. Faut vraiment se barrer et explorer différentes cultures surf.
“Je vois que la communauté brésilienne ne se mélange pas tout le temps, ils sont très patriotes, tout le temps avec leur drapeau.”
Quelques événements récents sur le Tour et les réseaux sociaux ont remis au gout du jour une question : Y-a-t-il selon toi une réelle rivalité entre les surfeurs australiens et brésiliens ?
Je pense que les médias exagèrent un peu tout ça. En tant qu’Australien, je dirais qu’on est une société très multi-culturelle et j’aime pas trop juger. Bien sur j’ai surfé avec des Brésiliens qui étaient des connards, mais j’ai aussi surfé avec des Australiens qui étaient des connards. Tout le monde est différent mais je vois que la communauté brésilienne ne se mélange pas tout le temps, ils sont très patriotes, tout le temps avec leur drapeau.
Il n’y a pas vraiment de rivalité mais je pense qu’il y a cette grosse différence de culture qui fait que les Brésiliens et les Australiens ne se mélangent pas trop entre eux. C’est juste peut-être une rivalité naturelle mais je ne crois pas que ce soit une rivalité majeure, c’est quelque chose d’assez sain. Ils adorent se clasher entre eux tu vois ? (rires) C’est juste du fun. C’est bizarre parce que je ne crois pas que beaucoup d’Australiens vont surfer au brésil et secouent le drapeau australien, tandis les Brésiliens sont juste partout, en Australie, en Indonésie etc. Ils adorent voyager, ils sont très intenses, avec des personnalités dominantes.
“C’est très simple, si ce n’est pas ton style, ne regardes pas !”
Beaucoup de gens disent qu’il y a trop d’airs dans tes films précédents, dans Lost Atlas par exemple. Qu’est ce que tu réponds à ça ?
Je dirais que c’est très simple : si ce n’est pas ton style, ne regarde pas ! On fait pas du surf de gros, mais du surf de performance, on surfe pas mal sur des vagues onshore d’ailleurs, c’est un peu une sous culture du surf, mais c’est ce que ces mecs aiment faire, il aiment travailler là-dessus, faire des nouveaux airs, innover. C’est du surf technique, on ne se lance pas sur des slabs géants, c’est juste pas notre truc. On me le reproche souvent et ma réponse est simple : mais merde, c’est ce qu’on fait, c’est comme ça ! (rires) si tu n’aimes pas ce genre de choses, ne regarde pas.
“Faire des films c’est ma passion mais ça me prend peut être 10 à 20% de mon temps.”
Parlons un peu de toi, comment tu te décrirais maintenant ? Tu fais beaucoup de choses aujourd’hui, quelle est ton étiquette principale ?
Ouais… faire des films c’est ma passion mais ça me prend peut être 10 à 20% de mon temps, y’a peut-être 80% de business derrière pour avoir du succès et rester indépendant : il faut trouver le projet, organiser le trip, s’occuper des surfeurs, “chasser” les swells, gérer les contrats, toutes ces conneries font partie du côté business, que j’aime bien d’ailleurs… c’est une petite entreprise indépendante, moi en fait !
Partir sur la route, filmer et éditer c’est ce que j’adore vraiment, c’est naturel et facile pour moi, c’est un petit pourcentage de ce que je fais et je n’ai pas à le faire souvent, je le fais que sur les trips en fait, il y a beaucoup de « behind the scene » dans lequel j’investis beaucoup de temps, mais c’est cool. J’ai du mal a m’enfermer dans un métier, je fais pleins de choses.
Parlons business : comment ça se passe le financement d’un film comme Cluster ?
Monster Energy qui m’aide pas mal depuis Modern Collective, ils sont incroyables et n’essaient pas de faire un gros film Monster, ils me supportent juste, et ils aident les athlètes Monster du crew. Chaque projet est différent, et dans l’industrie du surf ce n’est pas facile. J’ai aussi eu d’autres marques qui m’ont aidé, mais en général les marques couvrent juste les dépenses de leurs surfeurs, moi j’apporte le reste, mon voyage, les coûts de production, les caméras, la musique. C’est cool, ça marche bien comme ça, si je devais payer les surfeurs ça me couterait beaucoup trop cher (rires).
“On peut faire 20 pages sur un trip en France plutôt que de tout balancer sur 4 pages comme c’est le cas aujourd’hui dans les magazines de surf”
Parle-nous aussi de ton magazine WhatYouth ? On ne le voit pas du tout en Europe.
Ça a commencé quand je travaillais avec des amis de Surfer Ma,g et je crois qu’on était pas vraiment satisfaits de l’état d’esprit des magazines et de la façon dont ils étaient faits. Je suis un amateur de magazines, j’adore ça et on voulait un peu faire notre propre truc et y apporter des choses différentes. C’est une idée brillante à nos yeux, mais on a aussi découvert que ça coutait assez cher.
Ça a commencé comme un délire et maintenant c’est un peu devenu un business. Aujourd’hui on veut que ce soit un peu une vitrine de mes trips et d’autres créations, car on peut y raconter nos voyages de la façon qu’on veut, on peut faire 20 pages sur un trip en France plutôt que de tout balancer sur 4 pages comme c’est le cas aujourd’hui dans les magazines de surf.
C’est un livre d’une très belle qualité, on préfère d’ailleurs appeler ça un livre plutôt qu’un magazine. Ça reste un magazine mais c’est quand même un trimestriel. Ça coute cher à imprimer car c’est du bon papier mais c’est aussi cher à exporter, alors c’est dur de le montrer au monde entier. On ne le trouve qu’aux États-Unis, les bureaux sont basés là-bas à Costa Mesa (Californie), c’est un magazine difficile à avoir et d’un côté c’est plutôt cool ! Quand on arrive à l’avoir, on se met dans un coin et on l’apprécie vraiment, avec un bon café, c’est fun. Le site aussi est un bon moyen de mettre en avant les gens qu’on apprécie, et de raconter des histoires intéressantes.
Dernière question : après un an passé autour du monde pour les besoins du film, tu dois avoir pas mal de séquences inutilisées dans ton disque dur ?
(rires) Ouais, beaucoup même ! On travaille sur des clips. Ce qui est pas mal c’est que le web est bien pour ce qu’il est, instantané, on peut balancer pas mal de clips en ligne. Mais c’est bien aussi de s’asseoir dans un cinéma et d’apprécier un bon film de surf. C’est vraiment ce qu’on voulait ramener au gout du jour.
Parfait, hâte de voir ça…
Ouais carrément, cool ! j’ai la gorge desséchée, j’ai besoin de 3 bières et un café maintenant…
Interview : Romain Ferrand / Robin Guyonnet
Teaser de Cluster :
Cluster est maintenant disponible sur iTunes et Vimeo
Plus d’infos sur www.kaineville.com
franchement cluster c’est un gros Navet …!!je me demande encore si Kai Neville n’a pas des actions chez Jardi land…!en tout les cas si tu veux lui faire plaisir offre lui des fleurs…franchement décevant de la part de Kai Neville.Si Monster énergie veux du talent ,il y en a en France ,je lui donnerais des adresses.Il s’est foutu du monde avec ce film ,c’est du grand n’importe quoi .