Après avoir exposé à plusieurs reprises ses photographies sur la Côte basque et la sortie de son film documentaire Itzala, sur le sauvetage sportif, Arthur Picard revient avec une nouvelle série de photographies destinée au public, exposée à Biarritz depuis le 23 août 2023. Dans ses photographies, Arthur explore et questionne sa perception de l’océan et sa nouvelle exposition pousse le public à se questionner à son tour sur la notion de fantasme que celui-ci nourrit parfois (voire souvent) pour l’océan.
Diplômé du BTS photographie de Biarritz, Arthur a commencé la photographie il y a 14 ans. Passionné par les textures, les mouvements et les détails qu’offre l’immensité océanique, le jeune photographe pose son regard sur cet élément bleu qu’il aime tant à immortaliser. Ce natif du Pays basque pratique également le bodysurf et le sauvetage sportif depuis de très nombreuses années et l’océan est intimement lié à son existence depuis toujours. Un espace quasiment infini qui l’obsède et occupe son quotidien.
Dans le cadre de sa nouvelle exposition, Arthur a choisi de travailler sur le pouvoir du fantasme lié à l’océan et basé sur son expérience personnelle. Lorsqu’il s’aventure à l’eau, un paradoxe se créé en lui, il a l’impression d’échapper à la réalité tout en ayant le sentiment de se rapprocher d’une forme de Vérité. Ainsi, la photographie lui permet de se questionner, de comprendre si la vision qu’il retransmet dans ses images est une production de son imagination ou bien la réalité, celle qui apparait devant son objectif. Ses photographies, colorées et surprenantes, nous emportent dans une rêverie océanique. Intéressés par son travail, nous avons souhaité nous entretenir avec lui pour en savoir davantage sur son travail.
Entretien
Surf Session – Tu travailles hors de l’eau ou en aqua ? Ou bien les deux ?
Arthur Picard – « Je photographie depuis l’eau et également en dehors. La prise de vue aquatique est ma spécialité. Je préfère créer au contact direct de l’élément, mais prendre du recul et photographier depuis la terre est également très intéressant. On peut maîtriser davantage de variables afin d’obtenir le rendu souhaité. Bien évidement depuis l’eau, je choisis mon angle, mon cadre… Mais la photographie aquatique laisse également une chance au hasard.
Surf Session – Aujourd’hui, dans le monde du surf et des sports aquatiques, sur la Côte Basque et ailleurs, il y a de plus en plus de photographes. En quoi dirais-tu que ton travail se distingue ?
Arthur Picard – Il y a beaucoup de monde oui et c’est tant mieux. Ça me pousse à être plus créatif, à travailler sur des séries plus intimes et personnelles. Depuis quelques années, j’explore les mouvements et les textures de l’océan. Mon regard se concentre sur des détails. Mes images sont minimalistes, abstraites et très colorées. Les plans très serrés et les images floues font partie de mon esthétique. Je souhaite surprendre et interpeller avec mes images. Au travers de ma personnalité et de la vision que je pose sur ce qui m’entoure, j’espère être unique. J’essaie de me cultiver sur la photographie, l’art et la philosophie, cela me permet d’acquérir des connaissances et des repères afin de créer.
Surf Session – Quand tu vas à l’eau et que tu regardes l’océan, sur quoi s’arrête ton œil ?
Arthur Picard – De nombreux détails retiennent mon attention ! Le ruissellement de l’eau sur les rochers, la texture de la mousse après le fracas de la lèvre à la surface de l’eau, les différents reflets du soleil à la surface de l’eau… Il y a des fois où j’ai envie de tout immortaliser parce que de nombreux détails et recoins de l’océan attirent mon regard mais parfois, rien de tout cela ne m’inspire. Mais ce qui me prend réellement aux tripes, c’est l’énergie dégagée par l’océan, que ce soit un jour sans vague au coeur de l’été ou bien une journée de grosse houle qui vient s’abattre sur les côtes en hiver.
Surf Session – Tu parles de Vérité quand il s’agit de l’océan, comme si en allant à l’eau tu touchais à quelque chose de précis. Peux-tu nous en dire davantage sur ton rapport à l’océan ?
Arthur Picard – Une fois dans l’océan, j’ai le sentiment d’échapper à la réalité et en même temps, de me rapprocher de la Vérité, de me reconnecter pleinement avec moi-même et avec le vivant. C’est paradoxal. Je ressens une réelle re-connexion avec le moment présent, le mouvement. À ce moment-là, j’ai la sensation d’appartenir à un ensemble plus grand que ma propre personne. Lorsque je suis dans l’océan, mon esprit est totalement absorbé par son énergie. Si on lâche prise et que l’on accepte de se faire balloter par ses mouvement, nous entrons en phase avec l’élément.
Surf Session – Tes photos sont surprenantes, artistiques et différentes de ce que l’on peut voir. Pour en arriver là, es-tu passé par un cheminement particulier ?
Arthur Picard – J’ai rapidement souhaité proposer une création plus personnelle et sincère. Mon but n’est pas seulement d’être différent et original mais surtout que mes séries photographiques soient en phase avec moi-même. C’est difficile de prendre du recul et d’identifier un cheminement particulier. Je suis différent, mais comme chacun et chacune d’entre nous ! Il me semble nécessaire de cultiver sa différence et d’essayer de poser un regard surprenant et original sur ce que tu souhaites photographier. Ensuite, je prends le temps de regarder et de comprendre de nombreuses photographies, peintures et oeuvres d’art diverses, notamment certaines issues de milieux différents que ceux du surf ou de l’océan.
Surf Session – La dimension de ta nouvelle exposition est plutôt onirique. T’arrive-t-il de photographier l’océan différemment ?
Arthur Picard – Pour une commande, oui. Je travaille par exemple sur des compétitions de surf, ce qui relève du photo-reportage, très différent du travail artistique que je propose. Mais si je photographie pour moi, pour mon plaisir, je me laisse porter par mon regard onirique.
Surf Session – Tu dirais que ton travail est instinctif ou au contraire, qu’il est réfléchi en amont ?
Arthur Picard – Il est majoritairement instinctif. Lorsque je pars créer avec mon boîtier à la main, j’ai une idée de ce que je souhaite, mais les images arrivent également sur le moment. Photographier est une sorte de pulsion. Mais dans certains cas, la photo apparait de manière précise dans ma tête, avant même que je parte déclencher.
Surf Session – En parallèle de cela, tu as voyagé cet hiver, en Irlande je crois ? Quels sont tes projets à court et à long terme ?
Arthur Picard – Oui, j’ai sillonné le nord de l’Europe en train, l’Écosse et l’Irlande, pendant deux mois cet hiver. Je souhaitais documenter la culture surf de ces pays, tout en partant à l’aventure, seul et en train. Au cours des prochains mois et en ce qui concerne la photographie, je souhaite développer et enrichir encore davantage ma vision artistique tout en continuant à créer des séries photo sur l’océan. J’aimerais exposer sur la Côte basque et ailleurs, j’espère dans de grandes villes. Côté vidéo, suite au documentaire que j’ai réalisé l’année dernière, d’autres idées ont émergé dans ma tête et désormais, il faut que je les mette au clair.
Surf Session – Parmi les photographies de ton exposition, y en a-t-il une dont tu souhaiterais parler plus précisément ?
Arthur Picard – (Il s’agit de la photographie ci-contre) Voici le genre d’image que j’adore créer. Elle peut être surprenante au premier abord, on ne comprend pas où l’on se trouve. Il y a du mouvement dans l’image et au centre de celle-ci, on distingue une zone orange-or, que l’on peut comparer à du feu. Deux éléments se mélangent donc, l’eau et le feu, deux composantes nécessaires à la vie. Grâce à cette image, l’océan devient plus puissant qu’il n’y paraît. Le flou, quant à lui, remet en question la perception de la réalité que l’oeil humain peut avoir. Une autre vision de la scène s’offre à nous. »
Les photographies d’Arthur, immortalisées lors de son voyage en Écosse, figurent d’ailleurs dans notre dernier magazine, le n°388.