Quand on pense légendes australiennes et révolution du shortboard, on pense Nat Young et Simon Anderson. Si l’un a raccourci les longboards et l’autre ajouté des dérives aux planches, c’est sur les vagues que Wayne Lynch s’est distingué, cassant les lignes du surf, vers plus de verticalité. Uncharted Waters est le nom du documentaire qui lui est consacré, réalisé par Craig Griffin pour Patagonia. Le film revient sur sa carrière de surfeur tout comme celle d’homme libre, aussi bien vis à vis du surf business que de sa patrie australienne.
Rugueux comme les vagues du Victoria qui l’ont vu grandir, Lynch est né en 1952 dans l’état du sud australien et a grandi à Lorne, à 30 kilomètres de Bells Beach. Son destin de surfeur est forgé dès ses premiers pas sur une planche ou presque. À 11 ans, un an après avoir débuté le surf, il s’inscrit à une compétition de “grands” et vole la vedette aux adultes. Vexés ou déstabilisés, les juges ne lui octroient pas la victoire mais un prix pour la meilleure vague de la compétition et lui interdisent d’y participer de nouveau l’année suivante. De quoi insufler une certaine rage et un esprit de rébellion au jeune Wayne, mais pas assez pour le décourager de la compétition : un an plus tard, en 1965, il rafle tous les titres en junior du Victoria.
Mais c’est en 1969 que Lynch explose au grand jour grâce au film Evolution de Paul Witzig. Alors que la plupart surfent encore des troncs de 10 pieds, Lynch s’engage dans des accélérations et courbes inédites sur une planche de 7′, une Stubby. Le combo flexion-détente qu’il déploie transforme la manière d’évoluer sur une vague. Parallèlement, il continue de s’imposer sur le plan sportif, aux Internationaux de La Barre à Anglet en 1968, mais aussi chez lui, quatre fois champion d’Australie junior alors que les années 70 s’ouvrent devant lui. Il n’a déjà plus rien à prouver et décide de se retirer au calme, “pas intéressé par la célébrité ni par l’argent”. En réalité, les motivations de Lynch sont tout autre : farouchement opposé à la Guerre du Viêt Nam dans laquelle son pays est engagé, il se fait oublier du service militaire obligatoire deux années durant.
La guerre achevée, Lynch réapparait et signe son retour en compétition, à Bells, puis au Surfabout à Sydney, l’une des plus grosses compètes pros d’Australie, qu’il remporte. Il participe alors aux débuts de l’IPS, l’International Professional Surfers, l’ancêtre de l’ASP, avec des hauts et des bas, sans jamais décrocher de nouvelles victoires. En 1978, à 26 ans, il se retire définitivement du monde de la compétition et se transforme en ermite surfeur, affrontant seul les breaks de la région de Bells. En pleine période hippie, il devient alors l’incarnation du “soul surfer” même, et se fait la voix d’un anti-système, dénonçant la marchandisation du surf (ce qui ne l’empêchera pas d’être soutenu par Rip Curl puis Quiksilver…).
La jeune génération le (re)découvre en 1997 dans le film d’Andrew Kidman, Litmus. Immuable, Lynch poursuit sa quête, reclus dans le Victoria, partageant sa vie d’ascèse entre le shape et les droites solitaires le long de la Great Ocean Road qui sépare Torquay des majestueux Twelves Apostles. En 1997 et 1999, il montre qu’il n’a rien perdu de son surf en participant aux Masters Championships de l’ASP, à Fiji puis à Lafiténia. En 1999 également, Surfer Magazine lui rendra hommage en le classant 13e parmi les surfeurs les plus influents de tous les temps.
Espérons que le documentaire Uncharted Waters soit sélectionné au prochain International Surf Film Festival d’Anglet en juillet prochain (si c’est pas une perche tendue, ça), alors que Patagonia annonce une tournée mondiale du film entre mai et juillet.
À lire également, “La nouvelle voie de Wayne Lynch”
dans le Surfer’s Journal n°79