Il est le visage du sport. Le GOAT (Greatest Of All Time, ndlr) – le meilleur de tous les temps. Kelly Slater était invité sur le Quiksilver Festival en septembre et cela faisait des années qu’il n’était pas venu en France. Sur la plateforme qui sert de site de compétition, où la zone athlète et la zone VIP se rejoignent, personne ne peux nier le charisme de l’Américain, tout aussi marqué que son palmarès. Les regards, bien que certains se voulant discrets, convergent vers lui avec un mélange de respect, de fascination, d’enthousiasme et de curiosité. Nombre de passionnés espèrent avoir l’opportunité d’une photo ou d’un échange avec le surfeur 11 fois champion du monde. Plutôt discret et bien conscient de son statut, Kelly Slater ne se fait pas remarquer mais ne s’échappe pas non plus des lieux à la première occasion. Malgré tout, il faut un minimum de cran pour l’approcher. À l’issue du dernier heat de l’édition et alors que King Kelly termine second au classement général (en binôme avec Jérémy Florès), il nous a accordé quelques minutes.
Penses-tu que ces formats de compétition « invitational » pourrait-être le futur du surf de compétition ?
Le problème d’un invitational c’est qu’il est compliqué d’en faire un Tour. En revanche pour la compétition, je pense que c’est super car il est possible de réfléchir à qui il est intéressant de voir surfer ensemble ou l’un contre l’autre donc il est possible de le développer en ce sens. Que ce soit en man-on-man ou en équipe de 2 ou 3 ou même surfer ensemble sur une vague… Il est possible de créer des formats plus intéressants pour le public et spécifiques pour les sponsors, de faire plus de sur-mesure par rapport aux besoins des sponsors. C’est moins sérieux, c’est plus proche du free-surf et de l’amusement. Et le fait qu’il n’y a besoin que de prendre une vague toutes les 30 minutes pour son équipe ça permet d’avoir moins de pression. Malgré tout, avec les résultats entrants, on voit sur la fin que ça va être serré pour déterminer un gagnant. Je crois qu’on a perdu d’un demi-point aujourd’hui ou quelque chose comme ça (rires). Mais c’est très fun et j’aime ce genre de format, il y a définitivement de la place pour ces formats, le World Tour a plus de règles strictes.
- Lire aussi : la réponse de Jérémy Florès à cette question
Penses-tu que cela apporte aux surfeurs professionnels et que cela apporterait aux surfeurs du World Tour de participer à ce type d’événements ?
Je dirais que oui d’une certaine façon. C’est plus difficile quand on est sur le Tour car on est très concentré sur le CT et son rythme, et puis ils ne laissent pas trop les surfeurs du Tour surfer d’autres événements. Mais je pense qu’il y a une place pour cela car il est possible de surfer différentes planches, d’essayer de nouvelles choses… C’est un espace créatif différent et je pense que tout le monde sur le Tour a besoin d’un peu de temps pour se défouler, pour se relaxer un peu et prendre plus de plaisir, ne pas être si sérieux au sujet des compétitions.
Tu étais l’un des premiers à te montrer « sérieux » dans ton mode de vie, à faire attention à ton alimentation et tes habitudes, aujourd’hui cela est devenu la norme dans le surf professionnel en compétition, penses-tu que ce soit une recette du succès ?
Je ne pense pas que l’on puisse sortir faire la fête, ne pas le prendre au sérieux et gagner régulièrement. Quand je venais en France au début, tout le monde faisait la fête toute la nuit, ne dormait pas et venait surfer ses heats sur le World Tour. Ça a beaucoup changé, c’est un autre game maintenant, tout le monde prend les choses au sérieux. Avant ils parlaient de où ils allaient sortir et ce qu’ils allaient boire et qui ils allaient rejoindre, aujourd’hui ils parlent de cycle de sommeil, d’applications santé, de respiration et de yoga, de bain de glace (rires), c’est différent. Le succès c’est ce qu’on veut en faire, je voulais gagner des compétitions et des titres donc pour moi c’était la définition du succès. Mais je pense que si tu aimes ce que tu fais et que tu as pu en faire une vie, c’est le succès.
Voudrais-tu que quelqu’un batte ton record un jour ou préfèrerais-tu le garder pour toujours ?
(rires) Je ne sais pas, je pense que les records sont faits pour être battus donc si quelqu’un y parvient je serais content pour lui. En revanche je pense que ça va être difficile à faire. J’ai eu une fenêtre dans le temps où je pense que c’était une possibilité plus simple pour moi à cette époque que pour quelqu’un aujourd’hui. Je dirais que si quelqu’un le faisait aujourd’hui, ce serait un plus grand exploit. Avec la modification du format il est plus difficile de cumuler les titres avec constance. On voit aujourd’hui qu’il est plus compliqué d’en avoir deux d’affilée.
Quel est ton regard sur l’évolution du surf féminin, dont on a beaucoup parlé cette année ?
Je dirais que le surf féminin évolue plus rapidement que le surf masculin en ce moment, particulièrement chez les jeunes. C’est la première génération où il y a beaucoup de jeunes filles, qui font des airs et de plus grosses manoeuvres. Aujourd’hui, nous avons les piscines à vagues et elles sont aussi bien sûr influencées par les jeunes garçons et ce qu’ils font donc elles bénéficient aussi de ça. Elles réalisent qu’elles ne sont pas limitées à ce que les femmes ont fait auparavant, que le surf est comme cela aujourd’hui et qu’il y a plus d’issues possibles. Je pense définitivement que les jeunes filles de 14-18 ans ont la plus grosse progression que n’importe quel autre groupe de surfeur.
On voit beaucoup de jeunes filles se qualifier très jeunes, ce qui est moins vrai chez les garçons, pourquoi selon toi ?
Un garçon de 16 ans n’a pas la force d’un homme, la force est une part importante de cela, ainsi que l’expérience. Il y a peut-être aussi plus d’intimidations chez les hommes. Si on prend l’exemple de Caity Simmers, elle n’est pas la fille la plus puissante mais elle est rapide et dans le flow. Elle est différente visuellement, elle a un style unique et c’est rafraichissant. J’ai l’impression que c’est presque comme si ce que les filles font aujourd’hui, jeunes, c’est ce que ma génération faisait avec les airs et autre, tout d’un coup tout le monde en pratique. Les vétéranes sur le Tour ne sont pas des surfeuses aériennes donc c’est nouveau. Je ne sais pas s’il s’agit de puissance ou des planches ou de technique mais dans cet ère les filles font des airs, des reverse, des full-rotations. Il y a beaucoup d’influence venue de snowboard et du skate, certaines de ces filles viennent de ces univers-là.
Y a t-il à ta connaissance de jeunes profils que l’on devrait avoir à l’oeil dans les prochaines années ?
Laisse-moi réfléchir. Jackson (Dorian, ndlr), mon filleul, à un certain moment quand il avait 13 ans était pour sûr le meilleur surfeur de 13 ans au monde, avec les airs et tout le reste. Il est venu du skate. Je pense qu’il a pris un peu de temps à grandir et que tous les autres l’ont rattrapé avec leur force. En ce qui concerne les jeunes surfeurs, je ne suis peut-être pas la meilleure personne à qui demander, je ne regarde pas assez tout le monde surfer ces temps-ci. Mais j’aime beaucoup les jeunes qui sont ici, Lungi (Slabb, ndlr) est très cool. J’ai surfé avec lui à Kirra cette année et je l’ai pas mal vu surfer, il a du style, c’est un free-surfeur et il a l’air de se retrouver là-dedans, j’aime le regarder surfer.
Te verra-t-on plus en free-surf dans les années à venir, dans des projets vidéos peut-être ?
Oui. Je projette de faire plus de films et d’edit mais j’ai quelques blessures dont je dois me remettre. J’ai toujours une hanche très douloureuse, ces deux dernières années j’ai eu pas mal de difficultés. Ma chirurgie n’a pas fonctionné aussi bien que je l’espérais donc cette semaine a été difficile pour moi. On verra, j’ai quelques mois devant moi. Je vais décider quoi faire et comment régler ça : comme je n’aurais pas à voyager, je pourrais faire de la rééducation.