Interview : Michel Bourez, l’après-carrière

Le Tahitien nous parle de sa décision de ranger le lycra mais aussi de la nouvelle génération de surfeurs et surfeuses polynésiennes.

15/11/2024 par Maia Galot

En septembre, Michel Bourez était de passage dans le Sud-Ouest à l’occasion du Quiksilver Festival, auquel il participait pour la seconde fois. Peu de temps avant, le Tahitien annonçait sa retraite sportive lors de la cérémonie du porté de flamme olympique à Tahiti. Nous avons échangé avec le surfeur qui a représenté les couleurs tricolores et polynésiennes au plus haut niveau pendant 13 saisons sur le Tour.

Surf Session – Tu as annoncé ta retraite sportive en juin, qu’est ce que cela signifie ?

Michel Bourez – Je ferme mon livre en tant que free surfeur professionnel mais je vais toujours rester un free surfeur dans l’âme et un surfeur en général. Je ne veux plus voyager, je n’ai plus cette envie de partir et de faire des sacrifices, j’ai vraiment envie de rester chez moi et de profiter des amis, de la famille et des enfants surtout. Quand j’ai su que les Jeux Olympiques allaient se faire chez nous à Tahiti, j’étais encore sur le Tour mais je n’en pouvais déjà plus. Je voulais déjà arrêter mais je me suis dis que j’allais essayer de prolonger jusque-là, pour essayer d’avoir un Tahitien dans la sélection. Je suis sorti du Tour, avec la COVID-19 ça a été compliqué, puis j’ai essayé de revenir et je me suis blessé donc tout est tombé un peu à l’eau. Physiquement ça n’a pas suivi donc c’était compliqué.

Michel Bourez à Teahupo’o en 2020. © Ben Thouard / Red Bull Content Pool

En regardant en arrière sur ta carrière, de quoi voudrais-tu que les gens se souviennent ?

C’est ce qui est différent avec moi, c’est que j’essaie qu’on m’oublie (rires) Mon objectif n’est pas qu’on se souvienne de moi, je n’ai jamais pensé à ça, j’ai fait ça parce que j’ai toujours aimé ce milieu et que je me suis mis des objectifs en tête toute ma vie. Si on doit se rappeler de moi, c’est pour se rappeler de quelqu’un qui a réussi avec ce qu’il avait. Je ne venais pas de ce monde et je n’avais personne pour me montrer le chemin mais j’ai appris sur le tas, j’ai réussi avec ce que j’avais.

L’été dernier, tu parlais de t’impliquer auprès des jeunes surfeurs tahitiens après ta carrière, est-ce toujours ta volonté ?

J’aimerais bien mais j’attends de voir comment les choses se passent à Tahiti. Je ne veux pas forcément prendre une place de coach mais je veux suivre ce qu’il se passe, pouvoir donner mon avis et partager mon expérience aux coachs qui eux travaillent avec les jeunes. Le plus important ce sera ça, de coacher les coachs et partager ma vision. Quand on n’a pas fait le Tour, il y a des éléments qu’on ne peut pas comprendre, ce sont des choses fines mais à prendre en compte.

Haleiwa, Hawaii, 2020 /© Trevor Moran / Red Bull Content Pool

Tu as été le dernier relayeur de la flamme olympique à Tahiti, Kauli Vaast nous a parlé de ce moment comme étant très fort, qu’en était-il pour toi ?

Je ne connaissais pas du tout ces codes, l’importance du rôle du dernier porteur. Ils n’avaient dit à personne qui ce serait et personnellement je m’en fichais donc je n’ai pas fait attention. Lorsqu’on m’a annoncé que c’était moi, je me suis dit qu’il fallait que je marque les esprits de nos athlètes. J’avais envie qu’ils ressentent toute l’énergie et les dernières forces que j’avais en moi et que je pouvais leur envoyer. En particulier à nos surfeurs locaux, Kauli et Vahine, parce qu’on est à la maison. Je voulais qu’ils ressentent ce sentiment de force, que ça leur apporte quelque chose de fort pour pouvoir commencer la compétition. Pour moi c’était la fin, le moment où dire « c’est fini, mon temps à moi est fini et à vous de faire vos preuves« .

Tu as eu aussi eu le rôle de consultant sur les Jeux Olympiques pour Polynésie la 1ère, comment as-tu vécu cette expérience ?

On m’a proposé d’être consultant pour la télévision et c’était parfait car je voulais faire partie de ces Jeux Olympiques. C’était chez nous, la France, Tahiti, c’était important de pouvoir partager mon expérience. Ce qui a été bien c’est que je connaissais déjà tout le monde sur le Tour : ça a facilité les échanges, de connaître l’histoire de chacun. Je parlais le même langage que les surfeurs donc c’était plus facile d’accéder à leurs personnalités, plus intime.

On peut imaginer que la victoire de Kauli Vaast a été un moment fort pour toi ?

Un moment très, très fort, pour tout le monde. Certains disent que c’était écrit mais ce n’était pas du tout écrit. Non : il a fait le travail, il a surfé contre Joan et ce quart de finale c’était déjà une finale . Il a fait le job, de A à Z, il n’y a rien à dire. Il a eu une bonne équipe derrière lui et il a fait les sacrifices qu’il fallait. Personne ne peut rien dire à partir de là. Tous les meilleurs étaient là, il n’y a rien à dire.

Avec Kauli Vaast lors du RedBull Performance Camp en 2022 à Teahupo’o © Domenic Mosqueira / Red Bull Content Pool

Cela participe à inspirer les plus jeunes…

Les générations futures qu’on a chez nous, ce sont des tueurs. Tya Zebrowski, Kiara Goold, Liam Sham Koua, Takihei Ellacott… tous les petits qui viennent en Europe et gagnent toutes les compétitions partout où ils vont ou font des finales, ils vont faire mal. J’invite tous les jeunes de France à venir chez nous, à faire un échange, à venir voir d’où vient cet engouement et ce niveau, à surfer nos vagues et à comprendre la mentalité. Ce serait bien de faire un partage avec eux car le futur est chez nous. Aujourd’hui les jeunes ont leurs parents derrière eux, ils sont accompagnés comme des professionnels. On a pas forcément besoin d’un complexe sportif, il faut aller à l’eau, essayer de comprendre, avoir un coach qui a un retour en caméra et te dit des choses vraies, te fait avancer. Et surtout prendre du plaisir : la nouvelle génération se focalise beaucoup sur la compétition et c’est bien, mais il n’y a plus le côté fun d’aller surfer et partager la vibe d’une session comme tout surfeur. J’espère que les jeunes ne vont pas perdre ça.

Le Spartan et sa puissance bien connue lors du Corona J-Bay Open World Surf League en 2019. © Craig Kolesky / Red Bull Content Pool

Comment vois-tu la suite, va t-il te falloir un moment pour retrouver le plaisir du surf ?

Je cherche à trouver du plaisir dans le sport en général, en dehors du surf. Je ne peux pas faire plus que ce que j’ai fait dans le surf et je n’ai pas envie de retourner à fond dedans donc j’ai envie de faire usage de mon expérience de sportif mais dans une autre discipline. Ce que j’ai fait, c’est que je me suis inscrit dans une salle de MMA à Tahiti et j’y suis très souvent. Avant je faisais beaucoup de jujitsu, je suis ceinture mauve, donc pour moi c’était une suite logique, de rester dans un sport dont je suis fan. Il y a tellement de périmètres différents du surf. Le surf c’est plus difficile, il y a des éléments que tu ne peux pas contrôler, il faut être très observateur. En MMA, je trouve l’approche plus facile car c’est de la répétition, en fonction de l’autre personne et sa façon de bouger tu vas avoir une réponse donnée. J’aime apprendre la technique et quelque chose de nouveau, on est beaucoup à être à fond là-dedans et ça fait du bien de se défouler entre hommes aussi de cette façon.

Haleiwa, Hawaii, 2017 © Ryan Miller / Red Bull Content Pool


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