« Le « désir de surfer » comme levier pour réparer ce que nous avons abîmé »
« Souhaitons-nous ou non préserver l’espèce humaine et l’ensemble du monde du vivant dont elle dépend ? Nous avons le choix, continuer de détruire notre planète ou œuvrer au plus vite pour réparer ce que nous avons abimé. Notre objectif chez Okahina est de tenter d’améliorer la biodiversité des milieux aquatiques dégradés en créant de nouveaux spots de surf loin des spots naturels et partager certaines belles valeurs du surf comme école de vie ».
Comment souhaitent-ils agir ?
Voilà ce que nous a confié Laurent Héquily, le fondateur et porteur du projet :
« Dans un de ses préceptes, le philosophe Baruch Spinoza nous explique dans « l’Éthique » qu’il est difficile de faire réaliser des choses à l’Homme par la contrainte, que cela donne des résultats souvent mitigés. Pour illustration, les écotaxes à l’origine du mouvement des Gilets Jaunes. A l’inverse, en utilisant le levier du désir qui est l’essence même de l’Homme, on peut lui faire faire des choses extraordinaires. C’est ce que nous nous efforçons d’entreprendre au travers d’Okahina Wave, utiliser le levier du désir et non de la culpabilisation pour contribuer à laisser un monde meilleur aux générations futures. Bien évidemment il n’est pas certain que nous y parviendrons. Mais nous tentons malgré tout cette stratégie en espérant qu’elle portera ses fruits.
Certes, créer de nouveaux spots de surf Okahina restera une goutte d’eau dans l’océan. Mais si ce schéma de pensée, à savoir utiliser le levier du désir, pouvait inspirer d’autres porteurs de projets dans d’autres domaines, nous aurons apporté notre pierre à l’édifice. Notre but est de laisser un héritage porteur de sens, une stratégie complémentaire à d’autres actions, qui contribuent à leur manière à sauver ce qui peut encore l’être ».
Prenons de la hauteur et soyons lucides. Glisser sur une vague artificielle ne reste que de l’eau récréative. Sauf si on transcende sa pratique et que l’on en retire, comme le dit le scientifique Joël de Rosnay, « des règles simples pour surfer la vie ». Dans son livre Surfer la Vie, Joël de Rosnay nous propose même une nouvelle approche pour construire ensemble l’avenir et survivre à la complexité du monde et à son accélération. « Surfer la vie, nous explique comment glisser sur les difficultés du monde et de la vie, se frayer un passage de manière fluide entre les obstacles et comment accepter le changement permanent plutôt que se cogner à des murs. »
Quoi de mieux en effet que développer nos capacités, travailler notre fluidité, pour apprendre à nous adapter qu’on le veuille ou non, à l’imprévu et à un monde qui va profondément changer dans les deux prochaines décennies.
Qu’on le veuille ou non, beaucoup rêvent d’apprendre à surfer ou de surfer plus régulièrement, notamment celles et ceux qui habitent et travaillent dans les villes, souvent loin des spots de surf naturels.
Pour Okahina, les vagues artificielles peuvent répondre à ces aspirations. Mais elles auront du sens à la seule et unique condition qu’elles soient respectueuses de leur environnement. Or, avec l’émergence des premières générations de vagues artificielles, qui ont pour point commun d’être toutes des « piscines à surf », nous prenons le chemin inverse. Comme nous l’avons prouvé dans notre enquête papier, elles consomment beaucoup de ressources naturelles, détruisent la biodiversité, artificialisent et imperméabilisent les sols naturels, ont besoin d’immenses quantités de sable pour leur béton, d’eau potable à filtrer et d’énergie. A tout cela s’ajoute un bilan carbone désastreux.
Cette première génération de vagues artificielles de surf est en train de transformer le surf en un sport élitiste, pour des gens qui ne penseront avant tout qu’à leur intérêt personnel, quoi qu’il en coûte pour la planète et l’intérêt général. Le surf évolue comme il a toujours évolué au cours de son existence. D’abord réservé aux rois polynésiens, il s’est démocratisé pour arriver jusqu’à nous sur nos côtes européennes. L’évolution des équipements notamment les combinaisons et les planches, a permis de le rendre accessible au plus grand nombre, mais souvent au détriment de l’environnement. Parking d’accès, dégradation des cordons dunaires, risque d’accidentologie, pollution liée aux déplacements en voiture, à la fabrication des planches et des combinaisons… Chaque surfeur, nous les premiers, impactons négativement notre environnement.
Laurent Héquily – « Le surf est aujourd’hui à un carrefour de son évolution. Reste aux acteurs de la filière et de l’aménagement des territoires de faire les bons choix pour éviter certaines dérives qui feraient de cette activité une pratique devenue toxique pour l’environnement. Nous avons là une occasion unique de donner l’exemple. Capitalisons et transcendons les valeurs de ce sport pour le bien de tous et non pour une minorité.
Pour survivre il faut sortir au plus vite de cette logique de fuite en avant. Rompre avec les modèles économiques du XXème siècle et leur schéma de pensée mortifère du type « A quoi bon, puisque des milliards de personnes sur terre continuent de consommer plus que moi. Mon action est inutile, elle est une goutte d’eau dans l’océan. On construit bien des supermarchés, des immeubles, alors pourquoi pas une piscine à surf ». Sauf que bon nombre de constructions sont vitales pour se loger, travailler, se nourrir. Mais à l’heure de l’urgence climatique et de la perte de biodiversité, il n’y a rien de vital dans l’activité surf pour l’intérêt général ».
Comme l’écrit Sébastien Bohler dans son livre Où est le sens ?, « la dérision est devenue la signature de notre humanité ». Prenons comme exemple Urban Surf à Melbourne. La direction avait fermé la piscine à vagues en raison des cendres qui tombaient dans le bassin lors des incendies dévastateurs qui ont ravagé la région pendant des mois entre la fin de l’année 2019 et le début de l’année 2020. Dans le même temps, la cathédrale du vivant disparaissait dans les flammes en raison d’une sécheresse due au manque d’eau. Ne sommes-nous pas dans une illustration de cette dérision ?
L’Homme va inévitablement être amenée dans les années à venir à faire de lourds sacrifices. L’eau deviendra une denrée rare, et elle a déjà commencé à l’être. La sobriété s’impose. Il est important d’apprendre à vivre avec moins et d’être suffisamment ingénieux pour concevoir avec moins.
Pour Laurent Héquily, « Il y a deux façons de prendre une vague : soit en se laissant pousser dans le vide depuis son sommet au risque de se rompre les os en tapant le fond, soit en apprivoisant la vague pour se faire propulser, c’est-à-dire en faisant la pari d’une humanité nouvelle. Dans le premier cas c’est un acte de désespoir, dans le second d’un acte de création.
Il faut trouver les bonnes solutions pour agir. C’est ce que nous tentons de faire au travers d’Okahina en adoptant un sens profondément écologique. Nous démontrons à nos partenaires que la première profitabilité d’Okahina n’est pas pour leur argent mais pour la biodiversité. Car si nous perdons ce combat pour la biodiversité, tous les autres, aussi nobles soient-ils n’auront plus de sens, leur business compris. Et que s’inspirer, pour Okahina Wave, du mode de fonctionnement de la nature pour protéger le climat et la biodiversité est finalement bien plus rentable que de les détruire ».
C’est à ce titre qu’Okahina Wave a reçu le label « Solar Impulse Efficient Solution » de la fondation de Bertrand PICCARD, récompensant 1000 solutions rentables pour protéger l’environnement.
Affaire à suivre !