BEST-OF : Greg Rabejac, photographe aquatique du Quik Pro France

L'un des tous meilleurs photographes de surf français nous explique son travail dans les conditions massives qu'a connu la Gravière pendant la compétition...

02/01/2013 par Romain Ferrand

Best-Of, publié le 12 octobre 2012 – Ils refusent d’être considérés comme tels, mais Greg Rabejac et Timo Jarvinen, les deux photographes aquatiques du Quik Pro France cette année, font partie des héros de la compétition, au même titre que les surfeurs qu’ils prenaient en photo. Des jours durant, ils ont bravé des conditions hawaïennes sur le spot de la Gravière pour nous rapporter des clichés saisissants pris au plus près de l’action. Collaborateur historique et régulier du magazine Surf Session, Greg Rabejac nous en dit un peu plus sur son job pendant la compétition :

Tous les spectateurs présents sur la plage étaient vraiment impressionnés de vous voir, Timo et toi, vous  jeter à la nage dans ces conditions.

Je me dis que ces personnes rêveraient d’avoir les mêmes visions que nous. Et c’est l’opportunité d’aller dans des conditions où, si il n’y avait pas les pros, personne ne se serait mis à l’eau à la Gravière. On se retrouve un peu poussés à aller dans des conditions inhabituelles, les plus extrêmes de l’année. On a l’impression de faire un autre métier. Ce sont des efforts et des crampes bien sûr, mais en même temps de l’adrénaline et de l’euphorie.

« C’était un peu comme être dans un jacuzzi géant plein de sable »

Quelles sont les plus grosses difficultés rencontrées dans ces conditions ?

Il y a eu des séries pendant lesquelles je ne faisais que lutter contre le courant sans parvenir à bien me placer. Même Kelly me disait sous la douche après la série que les vagues étaient compliquées à lire, qu’il était impossible de les voir arriver de loin. Il fallait vraiment se jeter dans la vague pour voir si elle allait ouvrir ou non. Ce qui nous rapprochait du bord et nous exposait aux séries qui pouvaient arriver derrière. On luttait constamment contre le courant pour rester au bord, là où il y a du sable, beaucoup de turbulences et d’air dans l’eau, ce qui rend difficile le fait de ramer et palmer. C’était un peu comme être dans un jacuzzi géant plein de sable. Sans parler des 20 ou 30 centimètres d’écume, qui nous empêchaient de respirer et de shooter. Mais il y a parfois des surprises, comme ce matin où Kelly est resté dans l’eau après sa série pour prendre quelques bombes devant mon objectif, détendu. C’est mon meilleur souvenir de la compète.

Suis-tu un entraînement spécifique avant une épreuve comme celle-ci ?

Non, je n’avais même pas trop ramé à la Gravière cette année, j’ai loupé la plupart des swells. Ma dernière session sur le spot remonte au 16 août (voir vidéo de la session), où je m’étais forcé à rester 5 heures par jour dans l’eau, pour comprendre le spot, situer les meilleurs pics, retravailler les jambes aussi, en préparation du Quik Pro. Ca ne m’avait pas mis en confiance, parce que je n’avais réussi à sortir qu’une photo en 5 heures le deuxième jour (voir galerie photos du surf session d’octobre), ce qui m’avait mis la pression pour la compétition.

Combien pèsent ton caisson étanche et ton appareil photo ?

Ça fait dans les 3 kilos. C’est un caisson en aluminium, de la marque californienne SPL avec laquelle je travaille depuis mes débuts. C’est un caisson dépassé techniquement, mais indestructible et souvent soumis à rude épreuve. Il faut un boitier qui déclenche à coup sûr, qui résiste à l’impact et à des profondeurs de 5 ou 6 mètres. Et l’accessoire le plus important dans l’eau reste avant tout une bonne paire de palmes !

Le matériel utilisé par Greg Rabejac sur le Quik Pro :

Dans l’eau :

Boitier : Nikon D300

Objectif : 85mm 1/8 autofocus, réglages manuels

Du bord :

Objectif 200/400 Nikon

Un jour comme celui où Jeremy a failli se noyer (lire le témoignage de Jeremy : « une des plus grosses frayeurs de ma vie »), quelle profondeur d’eau y-a-t-il  à l’impact zone ?

On en parlait avec Timo justement, ça varie beaucoup d’une série à l’autre. Si on est près du bord, il peut y avoir moins d’1 mètre d’eau. Il m’est arrivé d’avoir pied pour shooter pendant la compétition. Dans ces cas-là, impossible de passer sous la vague, sinon on touche le sable direct. Et il y a d’autres séries, comme celle de Jeremy où il y avait des vagues qui doublaient. On plongeait peut-être à 2 mètres de profondeur, mais on remontait 5 mètres derrière. La vague avait 2 niveaux, un peu comme à Teahupoo.

« Quand la lèvre tombe sur le banc de sable, ça produit un son très sourd, métallique, ce n’est pas un bruit naturel »

Quelle impression ça fait de plonger sous de tels monstres d’eau ?

C’est indescriptible. Il faudrait réussir un jour à enregistrer les sons que l’on entend quand on plonge. Quand la lèvre tombe sur le banc de sable, ça fait penser à des bruits de presse métallique, de casses automobiles. C’est un son très sourd, métallique, ce n’est pas un bruit naturel. J’aimerai vraiment parvenir à capturer ces sons.

Est-ce que tu ressens de la peur, ou en tout cas de l’appréhension, à te jeter dans des conditions comme celles-ci ?

Personnellement, j’ai de l’appréhension, de l’adrénaline, de l’excitation, et à la fois l’envie d’atteindre de nouveaux caps. Mais je suis papa depuis 2 mois, mais des jours comme celui où ma tête a frappé le fond, je me dis qu’il fallait quand même être prudent. Il y a déjà eu des morts dans la photographie aquatique de surf. On n’a pas de gilets, ou pourrait s’assommer avec le caisson, l’accident peut arriver ici sans que grand monde ne puisse venir nous aider. Il ne faut pas jouer avec le feu. Dès que j’ai des crampes, je préfère sortir de l’eau.

Tu portes systématiquement une cagoule dans l’eau, même en plein été. Pourquoi ?

La cagoule, c’est pour protéger mes oreilles de la pression, ça évite aussi le sable dans les oreilles. Quand je me douche le soir, j’ai du sable absolument partout sur moi. Mais la cagoule nous protège aussi, si il doit nous arriver de partir avec la lèvre. Elle maintient le cou dans un axe, nous renforce au niveau de la nuque. Et elle nous aide aussi à rester au chaud, et donc à bruler moins de calories.

Quels est ton rythme de travail sur la compétition ?

Ça dépend des conditions. En 2010, j’étais capable de tenir 5 heures d’affilée dans l’eau, car les vagues étaient grosses mais faciles à gérer. Mais cette année, je reste dans l’eau pendant 2 ou 3 séries, je sors, j’y retourne. Ça dépend des séries et des surfeurs annoncés. On décide parfois de ne pas couvrir certains séries afin d’être prêts pour d’autres. J’aime bien aussi me retrouver à l’eau avec Timo, on parle, on rigole ensemble, on s’encourage. C’est plus sympa que d’être tout seul.

Quelle est l’ambiance avec les surfeurs au line-up ?

En général, les surfeurs ne parlent pas trop aux photographes pendant les compétitions. Mais depuis que c’est Hawaii à la Gravière, ils nous disent bonjour, ils sourient, ils discutent. Pareil quand on sort de l’eau. Il y a plus d’échange, c’est plus fraternel avec ce genre de conditions. On fait plus attention les uns aux autres que si il y avait 1,20m skatepark.

Les photographes doivent aussi faire attention à ne pas gêner le surfeur.

Si on fait une erreur, qu’on gêne un surfeur, qu’on le touche, qu’on fait tomber un pan de mousse devant lui, c’est carton rouge de suite pour nous, rupture de contrat direct. C’est la course au titre qui se joue, et on ne peut pas reproduire une vague si refaire un heat. Il faut être près du sufeur, mais pas trop non plus. A nous de trouver le juste milieu.

Comment se passe la gestion des photos une fois que tu sors de l’eau ?

Je sors de l’eau, je remets mes cartes au service photos de Quiksilver, qui est le premier maillon de la chaîne du circuit presse de la compétition. Ils font la sélection, puis elles partent en traitement et en retouches dans un autre service, avant d’être mis à dispo des médias, tandis qu’une partie est publiée sur le site web de la compétition. Je ne découvre donc mes photos qu’à ce moment-là. C’est frustrant d’un côté, mais de l’autre ça fait parfois plaisir de découvrir ses photos sur des sites de référence comme Surfline. Je tiens à remercier l’organisation, dont Jasper Sanders et Nicolas Dazet qui me font confiance et me donnent le job depuis maintenant 4 ans.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN FERRAND

Quatre des photos favorites de Greg Rabejac prises pendant le Quik Pro France, et commentées par l’intéressé :

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8 commentaires

  • Rodolphe AMETEAU
    20 janvier 2013 1h29

    Quel professionnalisme atteint « Goyau » mais félicitations pour ton professionnalisme alliant une vision de passionner comme tu l’as toujours été et en plus ça se voit sur les prises de vue.

    RESPECT

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  • Ad
    13 octobre 2012 17h34

    Superbe ! toute mon admiration !

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  • Renard
    12 octobre 2012 23h08

    Authentique, intègre, passionné et discret mais engagé…merci pour ces belles images !!!

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  • Un freesurfer
    12 octobre 2012 22h31

    De véritables félicitations à Greg et aux autres photographes pour leurs efforts !

    Merci Greg pour ton style photographique qui rappelle vraiment les bons moments passés à pratiquer le surf !

    😉

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  • J-C
    12 octobre 2012 18h47

    Un grand bravo à vous, M. Rabejac!

    Lorsque j’admirais les surfeurs et les vagues de la plage, j’avais toujours une pensée pour vous en train d’enchainer les canards et de palmer contre le courant. J’ai même eu beaucoup de compassion quand les speaker vous ont demandé de vous séparer de votre collègue lorsque vous échangiez un peu lors d’une série. Ils sont rudes!

    En tout cas, belle images et magnifique souvenir pour un contest hors norme.

    Merci à vous.

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  • charriau
    12 octobre 2012 17h27

    ok un 85 a 1,8 😉

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  • charriau
    12 octobre 2012 17h13

    Bravo pour vos photos et votre souffle.. (je me noyerais dans ces conditions.
    Pas de website Perso?

    Pour la photos de Kelly, que Quick a repris en grand sur son site, c’est pris avec un 80mm (boitier 24/36 )?

    Pensées

    Guillaume

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  • robert doisneau
    12 octobre 2012 16h17

    RESPECT !!!

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