Publié le 4 avril 2013
On pourrait résumer les surfeurs pros en deux catégories : les compétiteurs et les freesurfeurs. Après avoir longtemps fait partie de la première, Damien Castera, 29 ans, a raccroché le lycra de manière quasi-définitive, avec malgré tout une 5ème place aux Championnats du monde 2011 en Italie. Rien ne prédestinait pourtant cet Angloye – qui a suivi ses parents plusieurs années à Paris avant de redescendre passer son Bac près des vagues – à une telle carrière.
Son but désormais : sillonner la planète, planche(s) sous le bras, carnet dans l’autre main, à la découverte de nouvelles cultures et bien sûr de vagues, le regard déjà tourne vers son prochain voyage, l’Alaska, à l’automne prochain.
Entretien il y a quelques jours du côté d’Anglet, sous le soleil déjà chaud des derniers jours d’hiver.
Où en est ta carrière : compétition ou freesurf ?
Quand je peux me faire inviter à un Championnat du monde, j’y vais avec plaisir. Sinon, non. Ça fait 2, 3 ans que le free surf est ma priorité. Mes sponsors adhèrent aux projets que je leur présente, donc c’est top. Le statut de free surfeur est pour moi le meilleur possible. Tu n’as pour ainsi dire pas de contraintes, à part ramener des photos et t’arranger pour qu’elles paraissent dans la presse. C’est en plus quelque chose que j’aime bien faire. Ça permet de faire vivre le voyage une fois que celui-ci est fini.
Mais être free surfeur englobe aussi beaucoup de préparation, des recherches. C’est à moi d’étudier les destinations, les vagues, les contacts sur place… Et après je regarde s’il y a une belle histoire à raconter, si ça va me plaire culturellement ou non. Je ne pars pas sur une île où il n’y a rien. Hors de question par exemple de faire un boat trip aux Mentawai avec 7 autres surfeurs français. Je comprends complètement les gens qui bossent toute l’année et s’offrent ça, mais moi je n’en ai pas envie.
« Le statut de surfeur est pour moi le meilleur possible »
Tu as le même point de vue sur Hawaii ?
Je ne suis jamais allé à Hawaii, et il est hors de question que j’y mette un pied un jour. Je hais le monde. Et plus ça va, pire c’est. On s’est retrouvés avec Laurent (Gaden, photographe, ndlr) aux Philippines, à surfer des vagues désertes d’1,20 m (cf. la couv et le sujet du mag d’avril 2012). Quand tu es seul à l’eau et que tu mets 60 barrels dans la session, tu perçois le monde au line-up différemment…
Mais le froid ne me fait pas peur, et je suis attiré par des destinations comme l’Islande, l’Alaska, la Norvège.
Ce genre de destinations correspond aussi à ce que les gens veulent voir maintenant.
Ça a toujours été mon créneau. Et c’est vrai que ça devient tendance. C’est le retour du surfeur barbu, de la mode arty… Donc tant mieux si ça me permet de faire mes trucs. Je rêve d’aller en Alaska depuis tout petit, mes sponsors sont à bloc, mon pote Laurent aussi, c’est donc notre prochaine destination. Les paysages sont dingues, les vagues peuvent l’être aussi, et il n’y aura pour ainsi dire personne à l’eau.
Aucune réticence à te retrouver seul à l’eau sur certains spots isolés ?
Aux Philippines ça allait, c’était easy. En Alaska ça sera peut-être une autre histoire… J’avais déjà fait des sessions sur des spots austères au nord de San Francisco, avec plein d’algues, de phoques et tu sais qu’il y a des requins qui rôdent dans le coin. Là c’est un peu flippant quand même ! Mais il y aura une petite communauté de surfeurs là où je vais en Alaska, je ne devrais pas être tout le temps seul à l’eau…
« le jour où tout ça s’arrêtera, je me dirais que j’en ai bien profité »
Comment vois-tu ton avenir en tant que surfeur pro ?
Honnêtement je le vois plutôt bien (rires). Je ne suis pas inquiet. Mais le jour où tout ça s’arrêtera, je me dirais que j’en ai bien profité. Et j’ai une très bonne relation avec mes sponsors, ça se finira en bon terme. Dans l’immédiat je vais monter quelques mois à Paris cet automne, pour faire une formation dans les métiers du livre et de l’édition.
Tu écris d’ailleurs beaucoup, et tu comptes déjà plusieurs livres à ton actif. Tu peux nous en dire un peu plus ?
J’ai toujours écrit, depuis tout petit. Et je tiens des carnets de voyage depuis mon premier trip. Mais ça m’est vraiment venu à l’école de Commerce où je m’ennuyais tellement que je dévorais au fond de la classe des pages et des pages d’encyclopédie que je photocopiais entre deux cours : le chamanisme, un peuple, un courant politique, tout ce qui me tombait sous la main… Je me faisais des notes et j’écrivais des nouvelles. Ça m’a aidé à tenir en classe pendant 3 ans.
Puis je suis parti sur un trip au Pérou. C’était l’époque où je découvrais Kerouac, Jack London, je voyageais en stop à l’arrière des camions… J’avais pris l’habitude d’envoyer mes récits pas mail à mes potes. Parmi eux, un ami journaliste chez SurfTime (un mag de surf français aujourd’hui disparu, ndlr) m’a proposé d’en faire un recueil dans son magazine. Ça a été mon premier article. On a reconduit ça deux autres fois. Puis j’ai commencé à écrire sur mes voyages dans les mags de surf, comme Surf Session. Et je me suis mis à écrire quelques livres dont West, sorti il y a quelques semaines, et disponibles sur une maison d’édition en ligne.
Parlons shape. Tu surfes plein de planches différentes. Qu’y-a-t-il dans ton quiver, et que recherches-tu dans une planche ?
J’ai un surf sur le rail et en courbes, j’adore les twin fins, les quattros, les single fins. J’adore la sensation, mais aussi le style que ce genre de planches procure. Je travaille avec Alain Minvielle depuis des années sur mes shapes. Mes planches sont en général épaisses, très plates, avec des rails assez ronds, qui flottent bien. Mes tailles changent selon les modèles : j’ai un twin-fin 5’8”, un single assez grand (6’10”) avec un pintail plutôt fin pour faire des courbes, un quattro 5’11” swallow, très plat – celui que j’avais aux Philippines (cf. photos). Le meilleur achat de ma vie a été mon camion : j’ai mes planches, mon alaïa, mon longboard, deux combis, j’ai ce qu’il faut peu importe les conditions.
Qu’est-ce qui détermine ton choix de planches devant le line-up ?
Le longboard reste ma spécialité. Mais tout dépend bien sûr de la qualité des vagues. Je prends aussi en compte le nombre de surfeurs à l’eau (rires). J’ai de plus en plus de mal à supporter le monde à l’eau. Je ne remets la faute sur personne mais je suis d’un caractère assez impatient, il faut que je puisse prendre mes vagues (rires).
Tu as créé malgré toi une petite polémique lors de la compétition de Joel Tudor en septembre dernier à la Côte des Basques.
Tout est parti d’un malentendu. Seuls deux Français, Clovis Donizetti et Robin Falxa étaient invités, et je croyais qu’Antoine Delpero ne l’était pas. Je pensais qu’ils auraient au moins pu faire des trials pour faire participer les locaux, qu’il y ait un échange. Ça aurait été sympa, pour le public comme pour nous. J’avais alors posté sur Facebook « Joel Tudor et ses potes californiens viennent faire une compète à la Côte des Basques. A quand une compète à Malibu entre Basques ?” C’était un truc rigolo à la base, mais j’ai eu des dizaines de commentaires, il y en a qui se sont lâchés…
Bref, certaines personnes sont allées lui montrer, et il aurait pété les plombs et dit que j’étais wanted en Californie. Bon. On s’est pourtant croisés sur la compète le dimanche, il ne m’a rien dit. J’ai toujours un longboard en Calif, j’y retournerai donc un jour, et si je dois avoir un problème, alors j’aurai un problème.
C’est dommage, parce que ça a été mon icône pendant des années et sa réaction m’a énormément déçu.
De plus j’ai trouvé son attitude vraiment déplaisante pendant la compète. Il ne s’est pas bien comporté avec certains surfeurs de la Côte des Basques, notamment le crew ALC. Il ne faut pas oublier que c’est la Côte et les Français qui ont aidé à sa popularité dans les 90’s. il n’y a pas eu non plus d’échanges avec le public, pas de stands où on pouvait voir les planches des riders ou simplement discuter avec eux.
On dit que ce sont des artistes, des marginaux mais la plupart sont des mecs fermés. Ils dénoncent le système ASP depuis toujours, mais ils ont créé leur propre système, encore plus fermé, plus codifié que l’ASP. Car l’ASP donne leur chance aux meilleurs, il y a des votes entre surfeurs etc. Là, il faut être hipster, être le pote d’untel ou untel. On s’en fout de traîner avec eux, de vouloir leur ressembler. Je n’aime pas le copié-collé.
Et honnêtement, la France a un niveau de longboard plus que respectable. on est presque la nation la plus représentée dans le Top 30, et on est de loin les plus drôles en trip (rires). Bref je m’en fous, mais j’ai vraiment trouvé ça dommage.
Tes influences ?
Mon boss absolu, c’est Mark Occhiluppo. J’adore son surf backside, sur le rail, j’ai grandi avec ses vidéos. Ensuite, j’adore des mecs comme Derek Hynd. J’ai adoré Tudor, mais je ne regarde plus, je trouve qu’il fait toujours la même chose et qu’il était meilleur à 16 ans que maintenant. Sinon, Dane Reynolds est très créatif et hallucinant à regarder. Mais mes plus grosses influences en longboard restent deux Français, Romain Maurin et maintenant Antoine Delpero. C’est un exemple, il a un surf quasi-parfait.
Né à : Bayonne le 11/12/1983
Taille/Poids : 1,80m / 80kg Sponsors : O’Neill, Minvielle Surfboards, Mundaka Optics, Quiver Surfboards, Madness Vague favorite : G-Land Manoeuvre favorite : tube et carve Palmarès : 5ème aux Championnats du monde 2011, Champion d’Europe longboard 2010, Champion de France. « Mais ma meilleure victoire reste le titre de Champion de France Masters en 2012 : il y avait une super ambiance et j’ai gagné mon poids en Saint-Emilion (rires) ! » |
Suivez l’actu de Damien Castera sur son site : pachamama-64.com
Interview : Romain Ferrand
Vidéo : Damien Castera, Sumatra 2012