Derrière l’objectif : Ben Thouard

Interview et portfolio du photographe de surf français, qui vit face à la vague de Teahupoo depuis 6 ans.

22/05/2013 par Romain Ferrand

Il fait partie des ces photographes français qui ont acquis une notoriété internationale dans la photo de surf en seulement quelques années. Établi à Tahiti depuis 6 ans, Benjamin Thouard participe activement, aux côtés de Tim McKenna, à faire la promo de la Polynésie, ses vagues, sa magie, sa culture…

Rencontre :

[PORTFOLIO EN BAS D’INTERVIEW]

Présente-toi en quelques mots…

Ben Thouard : J’ai 27 ans, je suis photographe de sports de glisse depuis 8 ans. Je viens de Toulon, dans le sud de la France. Passionné par la mer, je surfe depuis que je suis tout petit, même si les vagues y sont assez rares là-bas… J’ai commencé par étudier la photo à Paris puis très vite, je suis parti pour Hawaii afin de réaliser mon rêve : devenir photographe de windsurf. Depuis je ne me suis pas arrêté de travailler et de voyager ! J’habite aujourd’hui juste à côté de la vague de Teahupoo à Tahiti, et suis papa d’une petite fille d’un an.

Comment as-tu fait tes premiers pas dans le monde de la photo ?

Ado, j’ai trouvé un vieil appareil de mon père dans le grenier et j’ai commencé à jouer avec, à shooter mes potes pendant quelques sessions de surf. Une fois mon Bac en poche, j’ai bougé à Paris pour étudier la photo à l’école d’ICART Photo. Au milieu de mes études j’ai quitté l’école car la vie parisienne me pesait trop, et j’ai entrepris mon premier voyage à Hawaii : j’avais 19 ans. J’ai été l’assistant de Bernard Biancotto – le photographe de Wind Magazine ! – lors d’un stage d’école. J’ai mis en oeuvre et utilisé tout ce que j’avais appris avec lui, et je me suis lancé seul dans ce monde difficile !

“depuis que j’habite à Tahiti, je vis dans un studio photo paradisiaque pour tout photographe de surf.”

Comment en-es tu venu à la photo de surf ?

J’ai commencé par la photo de windsurf car c’est ce qu’il y avait de plus pratique et réalisable chez moi à Toulon, mais je suis un passionné de surf avant tout.

Dès mon premier voyage à Maui (Hawaii, ndlr), j’ai commencé à shooter du surf et du windsurf… J’ai grandi dans l’eau et j’ai toujours été attiré par les vagues, c’est donc naturellement qu’en me mettant à la photo, je suis devenu photographe de surf. Et depuis que j’habite à Tahiti, je vis dans un studio photo paradisiaque pour tout photographe de surf.

Tu travailles aujourd’hui avec les plus grands magazines de surf internationaux. Est-ce que ça a été difficile de faire ta place ?

Évidemment, il a été très difficile de faire ma place, et ça l’est toujours ! Rien n’est acquis selon moi et la concurrence est rude, surtout de nos jours, dans ce monde numérique en perpétuelle évolution. La photo, la presse, internet, la crise… tout change tous les jours et il faut savoir s’adapter et devancer le changement.

– Aujourd’hui, arrives-tu à vivre des photos de sport ?

Oui, parce que je suis passionné avant tout ! Je travaille dur pour ça et j’en suis ravi. Je ne shoote pas que du surf, et je sais rebondir dans d’autres domaines.

“Je ne shoote pas que du surf, j’ai toujours aimé shooté ce qui se passe dans l’eau en général.”

Justement, quelles sont tes autres activités à part la photo de sport ?

Premièrement, je ne shoote pas que du surf, j’ai toujours aimé shooté ce qui se passe dans l’eau en général. Je shoote beaucoup de sports de glisse aquatiques comme le wind, le kite, le SUP et le surf : c’est ce qui me permet de rester passionné, de voyager et de créer des images différentes. Depuis quelques années, je vole en parapente à moteur et réalise beaucoup d’images aériennes.

Que représente Internet pour toi d’un point de vue business ?

Aujourd’hui Internet est un outil indispensable pour notre travail, c’est un outil fabuleux mais difficile à gérer. Je pense pouvoir dire que c’est un outil et non une source de revenu. Notre monde change de jour en jour et le monde de la photo avec, puisque le net est rempli de photos. On n’en a jamais vu autant qu’aujourd’hui mais ça ne veut pas dire pour autant que le net paye.

Est-ce que ton site représente une part importante de ton business ?

Mon site internet fait partie intégrante de mon travail, c’est la continuité de mon matos photo. Je vends mes images grâce à mon site, je vends des tirages et je crée une vitrine pour mon travail. C’est à la fois un outil de commerce et de communication.

La session de la semaine dernière à Teahupoo a été qualifiée de « cirque » au regard du nombre élevé d’équipages au line-up. Comment ça se passe sur les bateaux entre photographes ?

C’est vrai que la dernière session à Teahupoo a été chargé en terme de monde à l’eau que ce soit coté média ou coté riders. Beaucoup de surfers ont fait le déplacement ainsi que leurs caméramans et photographes. C’est donc difficile à gérer car les surfeurs veulent avoir la meilleure ou la plus grosse vague et le chenal est petit pour les photographes et ne permet pas à des dizaines de bateaux d’avoir le bon angle.

Sur quoi se base la hiérarchie dans le chenal ?

Il n’y a pas vraiment de règle… En tout cas dans le chenal, les pilotes de bateaux les plus habitués sont à l’intérieur, au bon endroit, et les moins habitués se calent en fonction d’eux. Le but est donc d’être sur le bon bateau, mais on arrive toujours à faire des images.

Est-ce que les photographes qui shootent Teahupoo à l’année comme Tim ou toi ont leur mot à dire ?

Je ne pense pas qu’on ait notre mot à dire parce qu’on habite Tahiti. Le but est de respecter chacun et que tout le monde puisse trouver son angle. Maintenant c’est vrai qu’il n y a pas la place pour beaucoup de bateaux, ça reste toujours un bon petit challenge d’être au bon endroit au moment du set…

Il faut savoir utiliser le web pour montrer ses images, pour « se faire de la pub » mais pas pour gagner sa vie.

Comment vois-tu l’évolution de la photo sur le web, Instagram etc ?

J’ai du mal à l’imaginer pour être honnête, c’est très difficile à contrôler et à quantifier. C’est le meilleur moyen de diffusion, c’est sûr, mais je ne pense pas que le web deviendra un jour payant. Dans ce cas, il faut savoir l’utiliser pour montrer ses images, pour « se faire de la pub » mais pas pour gagner sa vie.

Pourquoi as-tu quitté la métropole pour parti à Tahiti ?

Lors de mon premier voyage, pour un trip de windsurf avec Baptiste Gossein il y a 6 ans, on est tombés amoureux de l’endroit ! On avait passé un mois chez Teiva Joyeux à Teahupoo et on a eu du mal à partir, c’était juste le rêve autant en tant que surfeur que photographe . Baptiste m’a rappelé 6 mois après notre retour, me disant qu’il partait s’installer la-bas, en me proposant de partir avec lui. A la fin du coup de fil, j’avais deja mon billet d’avion !

Quels sont, selon toi, les avantages et les inconvénients de vivre à Tahiti ?

Les avantages ne sont sans doute pas nécessaires à détailler : la qualité de vie, le climat, la lumière exceptionnelle, du surf de folie, des paysages à couper le souffle, un des meilleurs sites de plongée au monde, une culture accueillante… C’est sans fin et il y en a pour tous les goûts, mais beaucoup ne réalisent pas que le prix de la vie, l’isolement, la difficulté de logistique et le fait de vivre sur une île peuvent parfois être vraiment difficiles à gérer.

Malheureusement ces inconvénients sont souvent durs à négocier surtout sur le long terme. Je dirais que le plus difficile est l’isolement. Et en tant que photographe freelance, les taxes sur le matériel sont de lourdes charges, et il est quasi impossible de faire réparer du matos !

Qui sont selon toi les surfeurs en train d’émerger sur Tahiti ?

Il y en a de plus en plus et c’est prometteur, c’est un bon point pour Tahiti ! Je pense à Mateia Hiquily, Matahi Drollet mais aussi Kevin Bourez, Tikanui Smith et j’en oublie beaucoup… Ils sont formés sur le meilleur terrain de jeu du surf qui existe, et feront parler d’eux et de leur pays.

“J’ai perdu 25 000 euros de matériel photo en quelques secondes !

Tu as connu le cauchemar de tout photographe cet été en noyant tout ton matos en mer. Tu peux nous en dire plus ? Comment c’est arrivé ? Comment tu as fait face à ça ?

Effectivement, j’ai perdu en août 2012 deux boitiers pro et quatre objectifs pro Canon, en me faisant surprendre par une vague alors que je shootais Sancho et Alain Riou depuis mon jet-ski sur un spot près de Teahupoo, en marge du Billabong Pro Tahiti.

Je suis tombé du jet-ski, sans le lâcher, ma Pelican Case (caisse étanche, ndlr) n’était pas fermée et mes 2 boitiers étaient sur ON avec batteries et objectif montés. j’ai rattrapé in-extremis une optique en train de couler. A la seconde où j’étais dans l’eau, je savais que c’était trop tard… Je suis remonté sur le jet ski quelques secondes après la chute. Quelques secondes qui ont suffi à détruire 25 000 euros de matériel photo !

J’ai mis des semaines à m’en remettre et à faire face à la situation, mais grâce à l’aide de mes amis, ma famille, mes économies, Canon Objectif Bastille et Aquatech, j’ai pu récupérer quasiment tout mon matos un bon mois plus tard. Aujourd’hui ce n’est plus qu’une histoire douloureuse, qui m’a permis de savoir qui étaient mes vrais amis !

Quelle est la plus belle photo que tu aies réalisée ? Ton plus beau souvenir ?

Un de mes plus beaux souvenirs est d’avoir réalisé ces photos de SUP en paramoteur aux Tuamotu (un archipel de Polynésie) avec mon ami Manu Bouvet. Je me suis retrouvé en vol tout seul embarqué, dans mon parapente à moteur au dessus du spot lors d’une session d’anthologie. Les images sont magnifiques et les sensations que j’ai eues resteront gravées à jamais dans ma mémoire.

Que dirais-tu à un jeune photographe de métropole qui souhaite se lancer dans la photo de surf ?

D’être passionné ! C’est selon moi le mot le plus important pour survivre.

Retrouvez le travail de Ben Thouard sur son site web www.benthouard.com ainsi que sur sa page Facebook

Matériel :Boitiers et objectifs Canon :- Boitiers EOS 1DmIV, 5DmIII et EOS 1DX.- Une bonne partie de la gamme des optiques L de chez Canon, allant du fish eye 8-15mm pour des prises de vues aquatiques, jusqu’au 500mm pour des shoot d’actions serrées.- Optiques favorites : Pour les images d’action : 70/200 L IS USM 2,8 II, “une des optiques les plus réussie de Canon” / Pour le portrait/lifestyle : le 85mm F :1,2, “qui reste le bijoux inégalable”.- Caisson AQUATECH.+ 1 jet-ski, 1 paramoteur, 1 système flash, des déclencheurs radio, des caissons télécommandés “et beaucoup d’accessoires”…

Interview : Romain Ferrand

 PORTFOLIO

je ne shoote pas que du surf, j’ai toujours aimé shooté ce qui se passe dans l’eau en général


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3 commentaires

  • jeremy
    8 janvier 2014 13h33

    Que du bohneur !

    Répondre

  • Def
    22 mai 2013 22h23

    C’est magique!

    Répondre

  • okeana
    22 mai 2013 17h35

    WAOUH !!!! je trouve que toute ces photos sont magnifiques !! bien joué et bien travaillé !!!
    okeana de port gentil (gabon)

    Répondre

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