L’interview post JO de Johanne Defay, médaillée de bronze à Teahupo’o

Son processus d'entraînement, la façon dont elle a vécu les Jeux, l'ambiance au sein de l'équipe de France, sa médaille... La Française nous dit tout !

03/10/2024 par Ondine Wislez Pons

Lundi 5 août dernier, Johanne Defay s’est imposée dans la finale pour la médaille de bronze aux JO de Paris 2024 à Teahupo’o, face à Brisa Hennessy. Malgré une défaite un peu dure à avaler face à Caroline Marks, dans un heat où les deux surfeuses ont fini ex æquo, l’Américaine ayant obtenu le plus gros score sur une vague dans cette série, la Française a tout de même trouvé l’énergie et la détermination pour remporter cette magnifique médaille, forte de l’expérience et de la puissance acquises tout au long de sa belle carrière. Nous avons eu la chance de retrouver Johanne à Munich il y a quelques jours, à l’occasion d’un voyage organisé par l’un de ses sponsors, GoPro. C’est au terme d’une belle journée ensoleillée que la surfeuse nous a accordé de son temps et a répondu à nos nombreuses questions.

Surf Session – Salut, Johanne. Félicitations pour cette belle médaille ! Après toutes ces années au plus haut niveau et de très belles victoires, qu’est-ce que cette médaille olympique te fait ressentir de particulier ?

Johanne Defay – Cette médaille me procure des sentiments différents, une saveur encore différente des coupes du monde. Le fait que les JO arrivent une fois tous les quatre ans met la compétition plus en valeur, il y a plus de pression, plus d’attentes… Puis le fait ce soit en France ajoute encore quelque chose. Cette médaille implique beaucoup de choses, une très grosse organisation, ça serait long de tout raconter, mais c’est un travail de longue haleine sur deux ans, beaucoup d’allées et venues et de temps passé à Tahiti pour s’entraîner.

Comment as-tu réussi à gérer la préparation des JO combinée au calendrier du World Tour ?

La WSL a un peu aménagé son calendrier, parce qu’ils n’avaient pas vraiment le choix, mais en fait, on a eu la même année sur le CT et le même nombre d’events, auxquels se sont ajoutés les ISA et les JO. En termes de voyages, d’organisation, ça a été assez lourd, mais j’ai mis autant d’énergie dans tout, je ne pouvais pas me permettre de faire l’impasse sur le Tour, parce que c’est ça qui me fait vivre et je voulais me re-qualifier. Quand je fais les choses je les fais à fond, surtout quand je m’engage sur une compétition. À aucun moment je me suis dit ‘au pire je serai dans le top 10’, mon objectif cette année aussi était d’atteindre le top 5.

© ISA – Beatriz Ryder
© ISA – Beatriz Ryder

Peux-tu nous parler de ton process d’entraînement pour les JO ?

Il s’est mis en place il y a deux ans, mais je me suis blessée au milieu, ce qui a pas mal réduit mon temps d’entraînement et j’ai fait deux séjours à Teahupo’o. J’y suis allée pendant un mois, juste avant que la saison du Tour ne redémarre, parce qu’après je savais que ça allait être compliqué d’y retourner. Après les deux étapes australiennes du Tour, j’ai passé trois semaines à la Réunion avant de repartir pour Teahupo’o. J’aurais même pu y arriver une semaine plus tôt pour avoir plus de temps là-bas, mais je ne m’en sentais pas capable, j’avais besoin de passer du temps à la maison, pour être vraiment bien mentalement.

Ça n’a pas toujours dû être évident de s’organiser…

Ce sont des choix à faire en permanence, qui me sont personnels et que je dois prendre seule. Ce n’est pas comme dans une équipe où un coach décide pour toi. Dans le surf, chacun fait comme il le souhaite, possède sa façon de faire. Ces décisions sont souvent difficiles à prendre, surtout quand je voyais tout le monde déjà sur place, à s’entraîner à Teahupo’o. Je me demandais en permanence si j’avais bien fait de rester un peu plus longtemps à la Réunion. Mais dans le surf on a l’habitude de ce genre de situations. Quand j’ai eu la médaille, je me suis dit que j’avais fait les bons choix, pris les bonnes décisions, mais ce sont des choses que tu réalises après coup.

Johanne à l’entraînement © ISA – Beatriz Ryder

Comme tu l’as dit, chaque surfeur a sa propre méthode d’entraînement. Mais les JO impliquent une dimension collective. Ton coach, Simon, a été intégré à l’équipe de France, mais ça a tout de même dû te demander de t’adapter ?

C’est sûr que ça demande un peu d’adaptation, mais on n’a pas vraiment eu l’occasion de s’entraîner collectivement avant les Jeux, parce qu’on a pas du tout les mêmes calendriers. Je n’étais pratiquement jamais disponible quand Vahine et Kauli l’étaient et inversement. Quand je suis allée à Tahiti en décembre, c’était leur moment de pause, ce n’est pas la période où les vagues sont les meilleures et ils savaient qu’ils avaient encore six mois pour s’entraîner derrière. Puis ils ont beaucoup moins de compétitions que moi, on n’avait pas le même timing et c’était dur de trouver des phases d’entraînement communes.

Et pendant les Jeux ?

Sur place on était tous ensemble. Je suis arrivée dans la maison de l’équipe de France dix jours avant les JO, qui était la maison du kiné de Vahine et Kauli, ils connaissaient donc bien les lieux. Une semaine avant les Jeux, Teahupo’o était fermé au public et il y avait des créneaux pour que tous les surfeurs aient le même temps d’entraînement. C’était vraiment bien de pouvoir s’entraîner ensemble, il y avait une super dynamique. Kauli et Vahine l’ont déjà, parce qu’ils se connaissent très bien, qu’ils surfent très souvent sur le spot ensemble, et comme je n’avais pas eu l’occasion de m’entraîner avec eux avant, j’ai vraiment apprécié ces moments.

© ISA – Juani Gayol
© ISA – Pablo Jimenez

Est-ce que un heat de JO change, par rapport à un heat de CT ?

C’est difficile à dire… Il y a forcément plus de pression aux JO, mais l’idée reste la même : faire de mon mieux et mettre toutes les chances de mon côté. Ce qui change, c’est comment tu deales avec tes émotions, qui ont tendance à être décuplées sur un événement qui arrive une fois tous les 4 ans et peut-être une seule fois dans une vie. En tant qu’athlète on reçoit plus d’attention, surtout avec les Jeux qui se passaient en France. Mais les décisions prises à l’eau pendant les séries restaient les mêmes.

Tu t’es malheureusement blessée pendant les JO, quelle incidence cette blessure a-t-elle eu sur toi ?

Finalement, ça s’est plutôt bien passé, j’ai eu de la « chance » niveau timing. Ça a été très dur pour moi de retourner à l’eau dès le lendemain, de me re-mobiliser directement après ma blessure et d’être aux repêchages. Le lendemain du jour où je me suis blessée le bleu était encore très frais et le casque contre les points me faisait mal. Mais après ce deuxième tour, j’ai eu quelques jours off, ce qui m’a beaucoup aidée, ça a laissé du temps à l’hématome pour dégonfler.

© ISA – Tim McKenna

Dirais-tu que cette médaille est le fruit de la grande détermination que l’on te connait, ou davantage de la préparation physique et mentale que tu as mis en place ?

Tout ce que l’on met en place et les expériences que l’on engrange au cours d’une carrière font qu’à un certain moment, on fait telle ou telle performance. Mais je ne saurais pas dire à quoi je dois principalement cette médaille, c’est impossible à mesurer. Mais je reste persuadée que la préparation physique que je fais m’apporte énormément, c’est quelque chose que je prône depuis longtemps. En tant qu’athlète, tout ce que je fais ou ne fais pas dans une journée a un impact positif ou négatif sur mon corps, mon mental et mes résultats en compétition, dans la mesure où la performance est un mix entre le mental, le physique et la technique. Ça implique une réflexion permanente, je me dis très souvent ‘je vais faire telle chose parce que ça va m’aider ou au contraire, je vais arrêter de faire ça, parce que je sais que ça ne m’aide pas‘. Mais il faut aussi souvent faire des paris et voir ce que ça donne ensuite.

Comme quand tu choisis de rester plus longtemps chez toi en famille, à la Réunion, parce que tu sais que c’est important pour toi ?

Oui, je sais que j’ai besoin de ces temps chez moi pour être au mieux mentalement pendant une compétition. Ce sont mes choix et ils se révèlent payants ou non, mais ce sont des choses que l’on ne peut pas savoir à l’avance. L’expérience engrangée fait que tu te connais de mieux en mieux et je sais que j’ai besoin de fraîcheur avant de repartir sur une compétition, pour arriver en pleine forme et avec de l’envie, surtout après toutes ces années sur le Tour.

© ISA – Pablo Franco

Pendant les JO, quelle a été l’ambiance au sein de l’équipe de France ?

Très bonne ! J’ai rarement vu Joan Duru aussi heureux d’être sur une compétition, il était super motivé. En plus, il a vraiment performé, que ce soit pendant les Jeux ou avant, quand il est allé chercher sa qualification à Portorico. Il est plus âgé et je pense que lui aussi a dû avoir des périodes de doute. Je trouve ça fou qu’il y ait cru toujours aussi fort et qu’il soit allé chercher tout ça. Kauli était fidèle à Kauli, hyper blagueur, très bavard, il faisait le lien entre tous les membres de l’équipe, il a toujours des histoires à raconter, il nous a beaucoup fait rire. Puis il a une énergie folle, il ne s’arrête jamais, il surfe, il pêche, il met de la musique… Il a vraiment insufflé quelque chose. Vahine est plutôt discrète, calme, elle s’entend très bien avec Kauli et c’était chouette de voir leur complicité. Le genre de relation qu’ils ont est précieuse dans une carrière d’athlète. De son côté, Vahine est très proche de sa famille, de ses sœurs et elle a un vrai amour pour Tahiti, on sent qu’elle est extrêmement bien là-bas et c’est pour ça je pense que c’était d’autant plus dur pour elle de perdre. Mais Teahupo’o lui apportera tellement plus que ça et elle aura le temps de briller à nouveau là-bas.

© ISA – Beatriz Ryder
Vahine et Kauli © ISA – Beatriz Ryder

Et comment ça s’est passé avec les différents coachs ?

C’était super d’avoir autant de coachs pour si peu d’athlètes, on avait le choix et il y avait une bonne cohésion entre nous tous. Il y avait les deux coachs principaux, Fredo Robin et Hira Teriinatoofa, qui nous suivent depuis longtemps, puis Jérémy Flores qui a rejoint l’équipe de France l’année dernière au Salvador. Et la Fédé avait accepté de faire rentrer Simon, mon coach, au sein de l’équipe. Je ne voulais pas repartir dans un cycle olympique sans lui, ça avait été trop dur à gérer à Tokyo et c’était primordial pour mon équilibre qu’il soit là. Il s’était également rendu disponible pour les autres athlètes, que ce soit pour la prépa mentale ou autre. Kauli et Vahine connaissent Hira depuis qu’ils sont tout-petits et ont l’habitude de s’entraîner avec Jérémy. Joan s’est qualifié un peu plus tard mais il connait très bien Jérémy, ils sont amis et ils étaient sur le Tour ensemble, c’était évident pour lui d’échanger plus avec Jérémy.

© ISA – Tim McKenna

Avec quel(s) coach(s) as-tu le plus travaillé pendant ces Jeux ?

Simon, forcément et Fredo Robin, avec qui je travaille depuis longtemps. Il est de la Réunion, comme moi, et il est impliqué dans l’équipe de France depuis plus de 6 ans. Cette année, il m’a accompagnée plusieurs fois sur des étapes du Tour, quand Simon ne pouvait pas venir et ça signifie beaucoup pour moi. Pour accorder ma confiance à un coach, j’ai besoin qu’il me prouve qu’il a envie de travailler avec moi. Pour moi, une relation coach-athlète est avant tout une relation de confiance. Techniquement, tu peux prendre des conseils auprès de plusieurs personnes, via des retours video, tu n’as pas besoin d’un coach attitré pour ça. Pour moi, un coach est quelqu’un en qui j’ai confiance et le fait que Fredo prenne du temps pour moi, loin de sa famille, en est une vraie preuve. C’est important qu’il sache comment je réagis en compétition, dans les moments de stress, pour savoir comment je fonctionne, comment me parler. Simon et Fredo sont dans le même état d’esprit, ce sont des gens discrets, qui n’aiment pas être mis en avant. Ils sont le socle grâce auquel j’ai trouvé un bon équilibre. Mais à Teahupo’o, c’était génial d’avoir Hira et Jérémy, qui connaissent la vague par cœur, entre Jérémy qui a déjà gagné là-bas et Hira qui surfe la vague depuis qu’il est né. Chacun avait sa façon de faire et on était libre d’aller vers ce qui nous parlait le plus. J’ai un peu fait mon ‘cari’, comme on dit à la Réunion (rires).

Johanne et Simon © Fédération Française de Surf

Pendans les JO, comment as-tu vécu le fait de tomber contre Vahine ? Est-ce que vous en avez parlé ?

On n’en a pas parlé avant. En plus, Vahine n’est pas très expressive, elle est discrète et très focus. De toute façon, je ne pense pas qu’il y aurait eu grand chose à dire, à part qu’on était blasé d’être dans la même série. Kauli et Joan ont eu un peu plus de chance, ils avaient gagné un tour en plus et sont tombés l’un contre l’autre en quarts. Mais on était tous dégouté. Après la série, on n’en a pas parlé non plus, je pense qu’elle a eu besoin de rester dans sa bulle, avec ses proches. Dans ces moments-là, c’est ce qui te permet de digérer. En plus, elle a dû partir à Huntington et moi j’étais dans la reste de ma compétition, qui a encore duré un certain temps. Je pense que c’est important de ne pas en faire tout un plat, ce sont des choses qui arrivent et si cette fois j’ai gagné la série, ça aurait pu être l’inverse.

© ISA – Pablo Jimenez

Dirais-tu que ta longue expérience sur le Tour, ta capacité d’adaptation, t’ont permis de tirer ton épingle du jeu dans des conditions très changeantes et notamment des vagues à manœuvres plutôt que des barrels dans ta série contre Vahine ?

Il y avait quand même des barrels. Si on regarde Vahine, elle en a trouvé des beaux, même si elle n’a pas vraiment réussi à sortir. Mais je pense qu’effectivement, mon expérience m’a aidée dans les choix stratégiques que j’ai fait, en fonction de mes capacités techniques. La série où j’étais contre Vahine était tôt dans la journée et j’avais vu pas mal de surfeurs se faire enfermer dans les tubes le matin, à l’entraînement. Techniquement je savais que je n’étais pas capable de sortir de ces tubes-là. Puis backside c’est encore plus compliqué, tu as beaucoup moins de speed que frontside. J’ai dit à Simon que je ne savais pas trop ce que je serais capable de faire, les vagues étaient aléatoires, il y avait du vent… Il m’a dit qu’il fallait que j’aille à ce que je sais faire de mieux. Je pense que Vahine s’est dit qu’elle connaissait très bien le spot et qu’elle avait la technique frontside qui lui permettrait de sortir de ces tubes-là. Et à plusieurs reprises il ne lui manquait pas grand chose. Me concernant, je pense que mon expérience et ma lucidité sur mes capacités m’ont aidée.

© ISA – Tim McKenna

Y a-t-il eu un moment pendant la compétition où tu as senti que ça allait le faire ?

Pas du tout (rires) ! J’ai eu le parcours de plus difficile des Jeux. J’ai chuté, je me suis ouvert le crâne, au premier test de trauma les médecins m’ont dit que ça n’était pas encore ça et qu’il fallait en refaire un le lendemain. Sur la compétition je suis tombée contre Molly (Picklum) quatrième mondiale, contre Vahine qui, en plus d’avoir remporté le dernier Tahiti Pro, a toujours le meilleur choix de vagues à l’entraînement. Et ça a quand même été dur de gérer cette pression française contre française. Puis je suis tombée contre Carissa en quarts et là je me suis dit que je n’avais plus rien à perdre, j’ai tout donné mais à aucun moment je me suis dit que ça allait être pour moi. Toutes ces séries ont été très dures et ça a été difficile de voir Carissa perdre, c’est une super bonne amie.

Johanne et Carissa à la cérémonie culturelle avant les JO © ISA – Juani Gayol

Puis il y a eu cette demi-finale ex aequo contre Caroline Marks…

Quand on a vu les conditions ce jour-là, on était tous un peu déçus. On avait attendu le lundi, parce que les conditions étaient censées grossir, mais c’était encore plus petit que la veille. Avant la série, je me suis dit que j’allais me concentrer sur les turns, rester active et bien sûr, tenter de choper la bombe si elle arrivait. Je savais que tout allait se jouer sur le choix de vagues, ce qui était pas mal pour moi. Tout se passait plutôt comme prévu, mais a un moment Caroline avait besoin d’un 7,00, elle a eu une vague et elle a scoré un 7,00. Est-ce que ça valait un 6,98, un 7,00 ou un 7,02… C’est très aléatoire, c’est le jugement quoi. J’étais un peu dégoûtée de perdre de cette façon et je pense que dans cette série, elle ne méritait pas beaucoup plus que moi. La preuve on finit ex aequo. Ça a été dur de passer à côté de la finale et de ne pas m’assurer une médaille tout de suite. La pression est remontée très fort et c’était une situation très désagréable. Je pense que c’est pour ça que cette médaille de bronze, je l’aime encore plus. Mais je pense vraiment que j’aurais pu gagner cette série contre Caroline.

Johanne et Caroline © ISA – Pablo Franco

Tu as dédié cette médaille à Simon, ton coach qui est aussi ton compagnon de vie. C’était une évidence pour toi ?

Quand tu es athlète, ta famille fait des sacrifices tout autant que toi et Simon d’autant plus parce qu’on vit ensemble. Dans le milieu du surf, Simon a souvent été décrié parce qu’il n’est pas surfeur et qu’il vient du triathlon et du trail, qui sont des sports d’endurance et d’ultra-endurance. Mais il a tous ses diplômes de préparateur physique, mental, il se forme régulièrement. Il est passionné par le sport, le fait de performer, d’être encore meilleur. Encore une fois je pense que dans le milieu du surf, beaucoup de gens ne sont pas d’accord avec nos façons de faire, notre vision du sport et du surf professionnel. Parfois, on a la sensation de se battre contre ça et cette médaille est une façon de montrer que ça paye. C’est une fierté pour nous et c’était évident pour moi de lui dédier cette victoire. Carissa dédie aussi souvent ses victoires à son mari, ce sont eux qui nous voient pleurer, qui comprennent nos doutes et dans les moments où ça marche, ce sont eux qui peuvent vraiment comprendre d’où l’on vient et ce que ça représente. Ça fait 11 ans que je suis sur le Tour, on peut avoir l’impression que tout roule, alors oui ça roule, mais on est tous pareil. Quel que soit notre niveau, on a des doutes, des peurs, on se blesse, on revient, on a des envies, des moments de non-motivation, de ras-le-bol… Et Simon, plus que n’importe qui est témoin de tout ça.

Johanne et Simon © ISA – Tim McKenna

En France le surf est peu connu du public et peu médiatisé. Est-ce que les JO et cette médaille t’ont permis de nouer une relation nouvelle avec le public français ?

Depuis Tahiti, on a principalement ressenti le public via les réseaux sociaux. Il y a eu un vrai engouement du public avec les Jeux, je n’ai jamais reçu autant de messages, des gens qui disaient me suivre depuis longtemps ou au contraire, qui m’ont découverte pendant les JO. C’est trop bien de vivre ça, on me reconnait plus dans la rue, même à Paris. Dans l’esprit des gens les JO veulent dire quelque chose, ils comprennent ce que ça représente pour un athlète, le niveau que ça implique et la montagne de travail qu’il y a derrière. Donc c’est chouette de bénéficier de cette reconnaissance, contrairement à une victoire sur le World Tour, qui ne parle pas à grand monde.

As-tu déjà eu le temps d’envisager la suite ?

C’est dur de savoir pour l’instant, de se projeter et d’avoir les idées claires. Je crois que je n’en ai même pas trop envie, j’ai envie de prendre le temps de savourer ces moments. J’ai pas mal de choses prévues avec mes sponsors, mon travail n’est pas encore fini cette année, il me reste six semaines en France et en Europe pour participer à des événements, faire des activations ou des shootings. Je pense que je commencerai à me poser la question une fois que je serai rentrée à la Réunion en novembre et que je pourrai décompresser. Je verrai si j’ai envie de repartir sur le Tour ou pas et si oui comment on s’organise. Il faut aussi que je vois avec mes sponsors, les envies qu’ils peuvent avoir, il y a beaucoup de brainstorming à faire.

© ISA – Tim McKenna

Tu dois aussi avoir besoin d’atterrir après l’intensité et l’effervescence des JO et de ta médaille.

Ce qui est génial avec une médaille olympique, c’est que je l’ai pendant quatre ans et même pour toute la vie. Contrairement à une victoire sur une coupe du monde, où l’on enchaîne le plus souvent sur une autre complétion où l’on repart de zéro. Avec les Jeux, je ne ressens pas du tout cette dimension éphémère comme souvent sur les autres compétitions. Sur le Tour, tu peux faire une superbe compétition et gagner trois places, pour en reperdre trois sur l’étape d’après. Là, ça reste. Et je sens que tout le monde a envie d’en profiter avec moi, j’ai partagé ma victoire à Paris avec le public français, à la Réunion, avec mon club d’enfance de Saint-Gilles, mes parents… Je n’ai d’ailleurs pas encore parlé d’eux, mais c’est aussi grâce à eux que je suis arrivée jusque ici. C’est une consécration pour eux, pour tous les sacrifices qu’eux aussi ont dû faire.

© ISA – Pablo Franco
© ISA – Pablo Jimenez

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