Il était à la fois favori et outsider. Favori parce qu’il disputait ces Jeux Olympiques Paris 2024 sur la vague de Teahupo’o, une vague sur laquelle il a appris à surfer et qui l’a vu grandir. Outsider pourtant, car il affrontait sur cette compétition hors normes des surfeurs plus expérimentés, du plus haut-niveau, certains faisant parti depuis des années de l’élite mondiale. L’histoire n’en est donc que plus belle. Qualifié en juin 2023, le surfeur de 22 ans avait eu le temps de sentir la pression se poser sur ses épaules. Plusieurs années d’entrainement avec cet objectif en tête : rejoindre les Jeux sous le drapeau français d’abord, puis décrocher une médaille sur la vague qui lui a donné les plus belles histoires de surf de sa vie à ce jour. C’est chose faite. Le 5 août 2024 au large de la presqu’île de Tahiti, Kauli Vaast a décroché l’or olympique en s’imposant en finale devant l’Australien Jack Robinson. Un grand moment pour le surf français, pour les polynésiens et pour le surf dans son ensemble, qui a couronné le second champion olympique de son histoire sur un spot qui a fait briller aux yeux du monde la discipline.
Malgré les 35 minutes de finale, la vague de Teahupo’o a bel et bien « choisi » Kauli Vaast hier. Il ne lui aura fallu que 5 minutes de surf et 2 vagues pour décrocher d’excellents scores lui permettant de prendre la tête sur son opposant, qui a patiemment attendu sans succès une opportunité pour le reste du temps imparti à la série. Le premier échange sera sûrement celui qui restera dans les annales : alors que l’Australien délaisse une vague, le Tahitien plus à l’intérieur s’engage très profond dans un tube qui creuse de suite. Il disparait, longuement… pour ressortir les poings en l’air. Sa technicité et sa lecture unique de cette vague lui ont permis de surfer cette bombe : un tube de 30m de long ultra rapide scoré 9,50 points. Dans la foulée, il enchaîne avec une seconde vague scorée dans l’excellence (8,17 points) sous la forme d’un tube très propre, suivi d’un gros carve et d’un re-entry engagé. Pas en reste, Jack Robinson, vainqueur du Tahiti Pro 2023 et responsable de l’élimination en demi-finale du favori brésilien Gabriel Medina, sautait sur une très belle vague, sans doute la plus grosse de la finale et proposait un très beau tube lui aussi, scoré 7,83 pts. La finale lancée s’arrêtera pourtant là. Les rares vagues qui se sont présentées n’avaient pas le potentiel d’octroyer à Jack Robinson la note de 9,84 points qui lui était demandée. On retient son souffle, les coeurs battent forts et l’émotion grimpe. Dans la dernière seconde, pas de lignes à l’horizon. On comprend, on exulte, on pleure de joie ou de soulagement. Kauli Vaast est champion olympique, à domicile. Le Français ramène une médaille d’or à l’équipe de France mais aussi la lumière sur le sport, sur son île et sur son nom.
« À 22 ans, l’enfant de Vairao a conquis l’Olympe, sautant sur la plus haute marche du podium devant deux monstres sacrés du surf international » écrit la Fédération Française de Surf. Cette médaille est aussi le travail d’une équipe entière, des coachs Jérémy Florès et Hira Teriinatoofa aux staffs médical et technique. Ce sont des années d’investissement de la FFSurf, d’investissement personnel du surfeur dans sa préparation olympique, du soutien de ses sponsors privés, du soutien sans faille de sa famille et de ses proches (à l’image de ses frères et soeurs présents sur le jet-ski pour célébrer avec lui ce titre), d’une foule de supporters à Tahiti et en France qui l’ont porté jusque-là. Une médaille olympique qui au-delà de toucher l’athlète touche donc aussi le surf et le surf français, pour la performance sportive qu’il a délivrée sur l’ensemble de cette compétition et pour ce que cette dernière dit de l’avenir du surf français. Pour tout cela et pour le spectacle, on ne peut que dire MERCI et BRAVO.
La réaction du champion olympique à la sortie de l’eau
« Je n’arrive pas encore à réaliser. Là, c’est trop tôt. J’ai encore toute l’adrénaline de la compétition en moi. Je sais que j’ai gagné mais je ne réalise pas très bien. J’ai beaucoup rêvé de cette finale, de cette victoire. J’y ai cru. Quand tu veux, tu peux. J’ai réussi et je suis super content de ce titre de champion olympique. Ça a été stressant sur la fin, j’ai vécu les quinze minutes les plus longues de ma vie. Et il n’y a plus eu une seule vague. Mais, quand tu commence par un 9,50 pts et un 8,73 pts, que demander de mieux ? J’ai bien sûr entendu le public qui chantait dans le chenal sur le bateau. J’avais envie de leur dire « Calmez-vous, il reste 15 minutes, il lui faut un 9 et quelque, et c’est Jack Robinson. C’était vraiment un moment unique. Et cette victoire est aussi pour eux. Elle est pour la France, la Polynésie et toutes les personnes qui ont cru en moi. Le mana était avec moi depuis le début. Je l’ai ressenti tous les jours. Et voilà, je suis champion olympique. Champion olympique, quoi !
Je sais que je reviens de loin. J’ai dû passer par les repêchages. Mais quand j’y pense, même la qualification pour les Jeux Olympiques a été une horreur mais voilà, je sais que tout le travail a payé. Je galère dans les compétitions du circuit QS mais aujourd’hui je suis champion olympique. C’est incroyable ! Et de le gagner à la maison, c’est la cerise sur le gâteau !
Cette victoire me fait dire que je suis un des meilleurs à Teahupo’o et que j’ai ma place parmi les meilleurs mondiaux. Mon objectif principal reste toujours de me qualifier pour le circuit CT. Je vais poursuivre ce but. Ce titre olympique est en tout cas un énorme booster et donne une confiance en soi qui fait beaucoup de bien.
Je ne sais pas si je vais aller à Paris pour célébrer mon titre. J’aimerais bien, c’est un rêve. Mais j’ai l’US Open qui commence ce mardi en Californie. C’est une étape importante pour la qualification dans l’élite. »