« La première attaque, la toute première en février 2011 avec Eric Dargent, je surfais aux Roches Noires. Il se fait attaquer à Trois Roches, c’est à 200 mètres environ de où j’étais. Tout le monde là-bas a été touché par la crise requin de près ou de loin. Au début tu te dis que les requins font partie de l’environnement marin. On est des amoureux de la mer. Mais quand les attaques ont continué avec Mathieu Schiller en septembre 2011 (32 ans) et toutes les autres après, ça a précipité notre départ ». Le décès notamment d’Elio Canestri avec qui Maxime traînait au collège l’a beaucoup touché. On n’oublie pas.
En effet, à l’âge de 13 ans, Maxime fait ses bagages avec ses parents direction la France pour un retour en métropole. « Le jour de l’accident (mai 2013), Maxime était à l’eau. C’était une journée magnifique, grand soleil, eau chaude. On se souvient très bien de ce que l’on faisait le jour du drame. De suite après on s’est dit : Stop, ça suffit. Et on est rentré en métropole ». Son père s’en souvient très bien.
« C’est aux brisants que la décision irrévocable de rentrer en métropole fut prise. Ce 8 mai 2013, j’étais à l’eau, c’était une journée magnifique. Rien qui ne présageait du drame qui s’ensuivit. Il était midi lorsque je suis sorti de l’eau. A 12h30, un touriste en voyage de noces se faisait happer par un requin ».
Après avoir passé deux ans au Pôle espoir à la Réunion, l’heure était venue pour Maxime de quitter sa prison dorée. Et en 2013, c’est avec la plus grande logique que la famille Dos Anjos met le cap sur les Landes. Maxime a alors 13 ans.
En 2013, le jeune surfeur troque donc le boardshort pour la combi et débarque dans les Landes. « Mon rêve était de surfer en combinaison. C’est bizarre (rires). On m’avait passé une Rip Curl en arrivant, j’étais super content de surfer en combi. Je m’en souviens c’était un rêve. Alors qu’aujourd’hui je surfe bien mieux en short « . Après l’excitation de ce rêve réalisé, place aux doutes et aux premières difficultés. L’intégration est plus difficile qu’imaginée.
« J’ai senti que c’était plus fermé qu’à la Réunion. C’était un peu bizarre au début. Je faisais quelques compet’. Je fais champion des Landes la première année mais certains autres parents n’étaient pas super contents. Parce que je n’étais pas d’ici. J’avais 13-14 ans. Toutes les cultures et religions sont présentes à la Réunion. Je n’avais jamais été confronté à ce genre d’environnement avant. » Maxime reconnaît que ses premiers mois en métropole n’ont pas été faciles.« C’était des regards de parents surtout, des propos aussi ».
Puis, comme bien souvent, la vie se charge de placer sur votre chemin les bonnes personnes. Celles qui sauront tirer le meilleur de vous-même. « J’ai commencé à m’entraîner avec Didier Piter avec qui ça s’est super bien passé. Mais certains parents ne voulaient pas que je m’entraîne avec leurs enfants. Cela ne m’a jamais démonté. Quand j’y pense maintenant, ils se couvraient de ridicule ».
Après un an, le jeune Maxime commence à prendre ses repères. Arrivé en métropole quelques mois avant Jorgann (Couzinet), Maxime accueillera même ce dernier chez lui au début de son aventure landaise. « Jorgann a voulu bouger aussi de la Réunion mais il n’avait pas de logement donc il est resté un petit mois chez nous en France. C’est là que je l’ai vraiment connu. Il me donnait des conseils et on surfait ensemble. C’est un super gars. Un vrai mec bien qui n’a pas la grosse tête ».
La connexion réunionnaise est lancée, l’amitié, elle, est réciproque. Jorgann : « Maxime c’est un vrai gentil. Il est appliqué, ça se voit qu’il a la motivation pour faire de bonnes choses. Ça fait une dizaine d’années que je le connais, je l’ai vu grandir. C’est vraiment un kid que j’aime bien ».
Issu d’une famille de non surfeurs, Maxime doit se frayer son propre chemin, sans marcher dans les pas de papa ou maman. Une carrière et un nom dans le surf à se faire. Un rythme à trouver aussi. « J’ai beaucoup appris tout seul. Je ne connaissais pas les étapes à respecter. Mes parents n’ont pas connu le haut niveau, j’ai eu du mal à trouver comment faire pour m’entraîner et rencontrer les bonnes personnes. Didier Piter par exemple sait ce qu’il faut faire pour arriver au haut niveau. C’est sa vie, il connaît les étapes. C’est un super coach ».
Exigeant avec lui-même, cultivé, Maxime a dû aussi faire face à la difficulté de trouver des gens pour l’accompagner qui pensent comme lui. « C’est plutôt un solitaire. Il a toujours aimé voyager seul » reconnaît son père.
« Pour moi, le surf ce n’est pas que la compétition. C’est la vague, c’est s’adapter à l’élément, c’est la glisse… C’est un tout. J’avais besoin de quelqu’un qui pense comme moi. Thomas Maallem m’a beaucoup aidé. Rudy Maréchal aussi quand j’étais plus jeune ». Pendant son temps sur les Pro Junior, Maxime s’entoure aussi de Marcelo Nunez, ancien surfeur pro. Sur ce circuit, Maxime finira notamment 5e à Sopelana. Il sera aussi vice-champion de France junior en 2018.
Son côté positif et débrouillard, Maxime le doit à ses expériences passées, lui qui n’a jamais été épargné par les blessures. Fracture de la malléole, nombreuses entorses de chevilles, grave accident au Chili l’année dernière lors d’un WQS, accident de scooter, poignets cassés, traumas craniens… Le surfeur n’a pas été épargné. « J’ai été très retardé dans ma progression par les blessures. J’en ai eu beaucoup pour mon âge. Ça m’a appris à relativiser et à aller de l’avant. Merci à mes sponsors (Protest et Hurricane Surf) qui me soutiennent ».
Dans son combat contre les blessures, Maxime a pu compter sur un soutien de taille en la personne de Charly Ducamp, son préparateur physique.
« Maxime je l’ai connu gamin. C’est un garçon fougueux. Il a beaucoup d’énergie qu’il faut parfois canaliser mais il a pris beaucoup de maturité ces deux dernières années. Il est créatif et très instinctif. Il arrive à prendre du plaisir lors de la préparation physique. C’est un gars demandeur avec qui il est très agréable de bosser. » Là encore les deux se sont bien trouvés. « Charly Ducamp m’a énormément aidé. C’est un mec en or, j’ai eu beaucoup de chance d’être tombé sur lui ». Les rencontres ne sont pas le fruit du hasard.
Bosseur, Maxime est persuadé que la réussite passe par le travail. Il ne compte pas ses heures et passe son temps à l’eau. « Je surfe tout le temps. Mais vraiment tout le temps ».
Mais son caractère et son exigence avec lui-même ont pu lui jouer des tours en compétitions. « Je me suis souvent bloqué ces derniers temps en compétitions, par manque de confiance en moi ». Si le talent n’est plus à prouver, reste à exprimer son surf et convaincre les juges. Un blocage mental plus que technique, que son papa a lui aussi remarqué. « Je ne m’y connais vraiment pas en surf, mais je dirais qu’il lui manque un peu d’indulgence avec lui-même. Son défaut est aussi une qualité. Il veut trop être parfait. Il est très dur avec lui-même. En compet’ c’est ce qui lui fait défaut car il n’arrive pas à se libérer. »
Un papa qui, bien que non surfeur, a toujours suivi les aspirations de son fils. « Maxime tient un carnet dans lequel il raconte ses sessions, ses entraînements. Je le lis régulièrement c’est comme ça que je commence à connaître un peu le surf. Avec sa mère on ne connaît pas du tout ce milieu. On ne l’a jamais poussé à faire de la compet’, on l’a juste accompagné dans sa passion ». Un papa qui reconnaît aussi volontiers « être un peu plus dur avec lui que sa maman. Elle, elle est vraiment à fond derrière lui. Moi aussi, mais j’ai un peu moins de temps et je suis plus dur avec lui ».
Passé à rien l’année dernière d’accéder à l’élite mondial du surf, son pote Jorgann Couzinet garde un regard avisé sur sa carrière : « Maxime n’aime pas être comme les autres. Il a un surf un peu différent, et moi qui aime l’originalité, ça me plaît. Son petit défaut c’est sa jambe arrière (rires) elle est très fléchie mais sinon c’est un gars qui tube vraiment bien ».
Très bon élève, Maxime reconnaît volontiers pendant l’interview avoir adoré l’école. Loin des clichés du surfeur un peu con, Maxime nous glisse timidement sa passion pour la politique. « Quand j’étais petit, je voulais être président de la République (rires). La politique je kiffe. Le premier débat présidentiel que j’ai regardé c’était en 2012 ». Etonnant ? Pas tant que ça.
Fils d’un père agent immobilier et d’une mère formatrice en anglais-américain, Maxime n’a pas grandi avec la culture surf mais plutôt avec une culture générale. « Il a toujours été le 1er de la classe. Maxime a toujours été bon à l’école. Il a toujours eu le goût de la lecture, et ce, dès son plus jeune âge. Il peut vous lire un pavé de 800 pages dans la journée. Il a une grande culture générale car a toujours été passionné par plusieurs choses ».
Rarement lors d’interviews, nous avons été amené à parler de politique avec les surfeurs. Mais Maxime n’est pas comme les autres. « Ce que j’aime en politique, c’est de voir que l’on a des opinions divergentes. J’aime voir un débat entre une personne qui a raison, et quelqu’un en face de lui qui a aussi raison. J’aime l’idée de pouvoir dialoguer et échanger pour trouver la meilleure version de la raison. Je trouve la politique assez mystique. Le fait d’avoir accès à des infos que le grand public n’a pas par exemple. J’ai toujours trouvé ça très intéressant ».
Philosophe Maxime ? Pas qu’un peu. « Il y a plusieurs philosophes qui m’ont intéressé oui. J’ai toujours trouvé ouf que des mecs puissent se poser et réfléchir à des principes sociétaux. Je trouve ça fou de se dire que des gens se sont posés la question de savoir comment une société peut fonctionner. » Le gamin bachelier aime lire et ça se sent. Ça s’entend et ça se ressent.
« J’estime qu’aujourd’hui si tu veux savoir quelque chose, tu peux aller à la bibliothèque municipale et emprunter le bouquin qui t’intéresse. Mes parents ont toujours voulu que je sois ouvert d »esprit et curieux. Ils voulaient que je m’intéresse à des choses. Maintenant les études je vois ça différemment. Si tu as un rêve et qu’il passe par des études alors vas-y. Mais pour moi ce n’est pas le mode de vie auquel j’aspire. Vivre de ma passion, voici mon idéal ».
Calme, ouvert d’esprit, posé, en parlant au garçon, on ressent ce besoin d’avoir constamment une stimulation intellectuelle pour avancer. Pour aller voir plus loin. Mais où va-t-il la chercher aujourd’hui?
« Pour quelqu’un qui surfe souvent, j’ai beaucoup de potes hors surf. Ça me saoule quand on me parle de surf toute la journée. C’est pénible de me retrouver à une soirée et de ne parler que de surf après une journée passée à surfer. J’adore le surf, mais je peux et j’ai envie de parler d’autres choses ».
Dans le surf, le gamin est proche de gars sains et simples au sens positif du terme. Tristan Guilbaud en tête, avec qui il partage le même sponsor (Protest). Là encore, pas un hasard. « Je le trouve sous-estimé dans le monde du surf. C’est un très bon surfeur en plus d’être un super gars. »
Son rêve aujourd’hui est simple. « Devenir le meilleur surfeur que je peux être techniquement. Et devenir une bonne personne ouverte et bienveillante. Niveau compet’, mon objectif est d’être sur les 10 000 d’ici 2022. J’ai envie de voir où j’en suis. Et mon objectif ultime comme tout les surfeurs qui font de la compet’ c’est d’accéder au WCT. » Dans les pas de son idole Mick Fanning. « J‘ai toujours idolatré Mick Fanning. C’est le premier surfeur que j’ai vu surfer en vidéo. Avec mes parents, j’avais pu aller en Australie pendant le Quik Pro en 2012. J’avais surfé à Snapper et j’ai vu Mick débarquer et sauter des rochers pour se mettre à l’eau. Je suis resté 30 secondes bouche bée (rires). »
Après 1h très agréable passée au téléphone avec lui, on cerne le personnage. Maxime Dos Anjos, une belle rencontre et un profil atypique dans le milieu du surf qui ne demande qu’à prendre son envol. « Je sais qu’au fond de moi il y a quelque chose. il faut juste que ça explose ».
>> Photo de une : Pierre Beurier (@pierrebrrr)
bel combi vintage XMEN. ou mark harris ,bon courage pour la suite ….