MAL ENGAGÉ, MAIS PAS DÉFINITIVEMENT TRANCHÉ
Suite à la mise en place du confinement le 17 mars, ce sont les préfets des régions côtières qui ont interdit l’accès aux plages. Mais depuis le discours d’Édouard Philippe mardi dernier, c’est bien l’Etat qui prolonge cette interdiction, au moins jusqu’au 1er juin prochain.
Ainsi, même si le plan de déconfinement divise la France entre zones vertes et zones rouges, les plages françaises devraient rester fermées alors qu’elles se situent essentiellement en zones vertes.
Une situation qui tranche avec le reste du monde, puisque Australie et Etats-Unis ont rouvert partiellement leurs plages, que surf et autres activités sportives sont possibles en Espagne ce samedi, et que ce sera le cas au Portugal lundi. S’il a parfois été nécessaire de refermer temporairement ou localement des plages, on a essayé de trouver des solutions équilibrées dans ces contrées. En France, seules la Nouvelle-Calédonie, St-Barthémy et Tahiti bénéficient d’exceptions à ce jour.
Alors pourquoi les plages françaises doivent-elles rester fermées ? Le maire de Merville-Franceville, Olivier Paz, étonné qu’on ne lui laisse pas la main pour décider dans sa commune, a posé la question à Olivier Véran au cours d’une émission sur LCI. Le ministre de la santé lui a répondu ainsi : « Le problème n’est pas la plage en elle-même. Dans un espace extérieur, les maires sont tout à fait fondés à organiser le respect de la distanciation physique. Le problème c’est que votre territoire est terriblement attractif et que quand les plages sont ouvertes on a envie d’y aller. Et donc on quitte la ville dans laquelle on est, et on va aller dans la résidence secondaire ou les hôtels de bord de mer, et ce faisant on fait circuler le virus. » Et quand David Pujadas lui fait remarquer que ce problème est limité par la restriction des 100 km, le ministre répond : « Il vaut mieux éviter la tentation plutôt d’être constamment en train de contrôler que les règles sont respectées« .
La préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio, n’est pas plus encourageante, déclarant à France Bleu jeudi dernier qu’au mieux, les plages pourront rouvrir le 2 juin. Une réunion aura bien lieu lundi avec les maires girondins pour préparer la réouverture, mais pour elle « une chose est sûre, ce ne sera pas le 11 mai, et ce sera le 2 juin, si et seulement si les conditions sanitaires et épidémiologiques sont réunies« . Loin de s’arranger rapidement le problème pourrait donc se prolonger cet été…
Dernier espoir pour les surfeurs, que la pratique du surf reste tolérée malgré les plages fermées. Après tout « La situation des activités nautiques n’est pas précisée par le Premier ministre, il n’a parlé que des plages », a fait remarquer à Sud-Ouest Laurent Ortiz, adjoint au maire de Biarritz.
Et il est vrai que suite à l’intervention du premier ministre, le ministère des sports a précisé les conditions de reprises de certains sports (distance physique d’environ 4m² pour les activités en plein air type tennis, yoga, fitness par exemple), mais rien sur les activités océanes qui semblent pourtant cocher toutes les cases.
La semaine à venir pourrait donc s’avérer décisive. On sait par exemple que c’est le 7 mai que les préfets devraient révéler les nouvelles règles et restrictions de navigation valables à partir du 11 mai.
LES APPELS DU MONDE DU SURF
Pas découragée par les différentes annonces, la Fédération Française de Surf assure que les discussions sont toujours en cours pour une reprise du surf à partir du 11 mai. La FFS défend encore son concept de « plage dynamique« , et propose une solution transitoire du 11 mai au 2 juin pour que les gens puissent avoir accès à l’océan dans le cadre d’une pratique sportive individuelle en respectant les consignes sanitaires et la distanciation physique.
Du coté des entreprises de la glisse, L’Eurosima semble soutenir cette démarche. Euroglass l’a également relayée et on pourrait voir les marques de surf appuyer un peu plus ces demandes à l’avenir. Après tout l’industrie du surf a tout intérêt à ce que la pratique reprenne, et le poids économique du secteur pourraient peut-être peser dans la balance…
De son coté l’association Surf Santé s’est dite en faveur de l’ouverture de l’accès à l’océan dès le 11 mai pour la pratique de sports individuels, dans le respect d’autrui et des règles sanitaires actuelles : « Il n’est évidemment pas question et surtout inacceptable de saturer les plages dès le 11 mai, mais de discuter sur une ouverture raisonnée et dynamique de l’accès à l’océan dès cette date pour la pratique du surf et d’autres activités aquatiques individuelles dans le respect des règles de distanciation sociale que nous défendons. »
Xavier Duvignau, président du Comité des Landes de Surf, aimerait convaincre la préfecture du bienfait d’une mesure dérogatoire pour le surf : « On est en train de faire pression auprès du préfet des Landes de façon à expliquer que la communauté des surfeurs, qui jusqu’à présent a scrupuleusement respecté le confinement, ne comprendrait pas que l’accès à la mer leur soit interdit au-delà du confinement« , a t-il expliqué à France Bleu.
Le président du syndicat mixte de gestion des baignades landaise a aussi établi plusieurs protocoles pour le retour à la mer et veut se rendre utile : « Le syndicat a les moyens, immédiatement, d’activer 90 nageurs sauveteurs pour effectuer des patrouilles de surveillance sur le littoral et faire respecter les règles qui auront été mises en place, en complémentarité avec les polices municipales. » explique son président Hervé Bouyrie à Sud-Ouest.
DES POLITIQUES QUI S’ENGAGENT
Dans un courrier adressé au Premier Ministre et à la Ministre des Sports, 51 députés ont demandé l’accès aux plages pour la pratique sportive dans l’océan. « Les espaces naturels sont propices à la distanciation physique. Ces activités ne sont pas statiques, peuvent se pratiquer sans proximité physique et sans présenter de risque » argumentent-ils.
Parmi eux, le député du Finistère Didier Le Gac milite depuis des semaines pour desserrer l’interdiction autour des pratiques nautiques individuelles : « Je serai le premier à ne pas comprendre que les activités nautiques individuelles ne soient pas rouvertes au 11 mai« .
« Il faut relativiser, ce n’est pas en mai-juin que les plages sont bondées et on peut tout à fait réglementer les choses. Et par ailleurs, la mise en œuvre de cet accès encadré serait un bon moyen de monter en puissance progressivement et de tester le dispositif pendant un mois et demi avant la pleine saison » à encore dit à Sud-Ouest le député landais Lionel Causse.
« En Bretagne, nos plages sont nos parcs et jardins. Je plaide pour que, sous l’autorité des maires, nous puissions les rouvrir au plus vite sans prendre de risques pour notre santé« , a tweeté Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de Bretagne.
En #Bretagne, nos plages sont nos parcs et jardins. Je plaide pour que sous l’autorité des maires, nous puissions les rouvrir au plus vite sans prendre de risques pour notre santé. #promenades #sport #pêche #surf #sportdeglisse #plaisance pic.twitter.com/M3IupQUSW9
— Loïg Chesnais-Girard (@LoigCG) April 30, 2020
Liliane Tanguy, députée du Finistère pense également qu’Il vaut mieux tester le dispositif dès le 11 mai plutôt que d’attendre le 1er juin, quitte à l’adapter par la suite. Elle rappelle que le premier ministre autorise une activité individuelle en plein air : « qu’il autorise alors cette même activité sur les plages et sur l’eau, comme ça sera le cas pour la randonnée en montagne par exemple, c’est un principe d’équité«
Pour Alain Cadec, président du Département des Côtes-d’Armor : « Il s’agit de faire preuve de bon sens et de mieux prendre en compte la réalité de chaque commune, de chaque territoire en faisant confiance aux élus locaux« . Ce que confirme le maire de Lacanau, Laurent Peyrondet, en constatant que s’il est possible de s’entasser dans le métro, d’aller à l’école ou de faire du lèche-vitrines sur les Champs Elysées ou rue Sainte-Catherine à Bordeaux, rien ne s’oppose à utiliser les 16 kilomètres de plage de Lacanau.
L’adjoint au Maire de Biarritz, le médecin Guillaume Barucq, rappelle le civisme des surfeurs suite à la fermeture des plages en mars et les enjeux à venir : « Il n’y avait pourtant aucune raison sanitaire de les fermer, aucun risque de surfréquentation en plein mois de mars, mais nous l’avons tous accepté par solidarité nationale… Le sevrage fut plus ou moins difficile à supporter selon les personnes mais je sais pour côtoyer et soigner de nombreux usagers de la mer que certains en sont meurtris dans leur chair…Le retour à l’océan sera une mesure de santé publique, pour éviter que le confinement ne fasse plus de dégâts que le virus lui-même dans certaines zones. »
TENSION, MOBILISATION ET PÉTITION
Du coté des surfeurs toujours confinés, c’est sur les réseaux sociaux qu’on sent la tension monter : « ils ne comprennent vraiment rien, une fois de plus on se rend bien compte qu’ils ne voient les plages que comme activité estivale » envoie Nico. Et même, dit Stéphane : » Véran balaye les locaux comme des cafards sous le tapis, tout juste bon à servir des gaufres le 15 août« .
Pour Olivier « Une plage est un bout de territoire comme un autre. Il doit être traité comme les autres : gestes barrières, distanciation … et PV pour ceux qui ne respectent pas les règles. Mais en aucun cas être interdite.«
« Ils se rendent pas compte que priver de mer un breton c’est aussi dangereux que de le priver de beurre salé » plaisante Jean-Luc pour détendre l’atmosphère…
Comme un signe de ralliement, on voit désormais apparaître le mot clé #rendeznouslamer, comme sous le tweet de Paul Duvignau : « En mai, fais toi sucrer ta seule liberté« .
Et à ceux qui dénoncent les rares entorses au règlement actuel, Thomas Joncour répond : « Arrêtez de pointer du doigt, les surfers font au moins autant d’efforts que les autres même si, comme tout le monde on a le droit de pas être d’accord avec les choix politiques actuels, et que comme beaucoup on se plaint parfois des décisions prises et dans lesquelles on a du mal à trouver du sens. »
Si certains envisagent déjà des façons de protester activement après le 11 mai, la plupart des surfeurs cherchent encore à influencer positivement les décisions à venir, à l’exemple du collectif De la Terre à la Mer, qui entre divers échanges animés cherche des solutions concrètes au niveau local.
Bonjour,
pas faux : la plage pour tous, tant qu’il y a assez de distance pour tout le monde (en Bretagne, on a à peu près une plage par personne, ça devrait aller).
Le bon sens serait de faire confiance aux gens. Mais la politique et le bon sens …
Cordialement,
JP
Mais la plage n’est pas plus aux surfeurs qu’aux adeptes de la bronzette! (et je suis plutôt surf que bronzette)
Chacun son lien avec l’océan, et le lien sportif n’a aucunement plus de légitimité que les autres liens…
Je suis contre ce délire « dynamique » qui fait finalement accepter la privatisation d’un lieu PUBLIC.
L’océan n’est pas une infrastructure sportive, un gymnase.
Si on milite pour la réouverture des plages, c’est la réouverture pour tous.
un surfeur
Ça devient vraiment pénible de devoir continuer de se sacrifier, notre lien avec l’océan, notre mental, notre bien être, notre équilibre, pour les adeptes de la bronzette… C’est pourtant pas compliqué, on ne reste pas statique sur la plage et une fois notre session terminée on rentre, on demande juste les mêmes droits que les autres sports extérieurs…
Homme libre, toujours tu chériras la mer
C. Baudelaire