Destination Barbade : deux figures du surf local nous font le topo

Un oeil sur l'avenir du surf sur l'île caribéenne.

15/12/2023 par Maia Galot

La destination est connue depuis bien des années. Dernièrement, l’île avait été l’un des sujets de notre numéro 374 (1er trimestre 2020) ainsi que d’une web-série vidéo et même d’un hors-série ! Côté surf professionnel, la Barbade a accueilli depuis des années plusieurs compétitions de la World Surf League, dont cette saison un QS 5000 (remporté début avril par Zoé Benedetto et Crosby Colapinto) et le Live like Zander Junior Pro. À cette occasion, nous avons été à la rencontre de Chelsea Tuach, figure leader du surf féminin sur l’île et de Chris Clarke, ancien membre de la Barbados Surf Association et co-fondateur avec Louis Venezia de l’entreprise Surf Promotions Barbados, qui gère les compétitions professionnelles sur l’île.

Chelsea Tuach BTMI Barbade
Chelsea Tuach © BTMI

Ouvrir la voie

À 28 ans, Chelsea Tuach a le professionnalisme des plus grandes et l’attitude qui va avec. Et pour cause ! La Barbadienne a réussi l’exploit de se hisser jusque sur le Championship Tour (CT), où elle a évolué en 2016, devenant au passage la première surfeuse caribéenne à se qualifier sur le CT. Pour en arriver là pourtant, elle a dû s’accrocher à sa passion et ses convictions, car bien que vivre sur une île puisse avoir des avantages en termes de surf, c’est une toute autre histoire en termes de « surf industry ».

« Je pense que c’est plus difficile quand on vient d’une île, parce que les yeux ne sont pas tous ici, l’industrie n’est pas ici » explique t-elle « c’est difficile pour nous de nous exposer, ça demande des moyens de se rendre aux Etats-Unis pour être vu. Mais j’essaie de ne pas le voir comme un désavantage et plutôt de le présenter comme ma différence, avec une autre histoire à raconter. Mais c’est difficile, il y a de très bons surfeurs ici qui sont restés inconnus car ils n’ont pas les moyens de se déplacer pour s’exposer. »

Chelsea Tuach BTMI Barbade
Chelsea Tuach © BTMI

Après avoir perdu son sponsor endémique principal suite à des coupes budgétaires en 2016, la Barbadienne a su se réinventer en s’entourant de sponsors non-endémique, à commencer par la Barbados Tourism Marketing Inc. (BTMI), en charge du tourisme sur l’île. « Il faut s’assurer d’avoir tout ce qu’il faut : réussir en compétition mais aussi s’avoir s’exprimer, avoir une bonne présence sur les réseaux sociaux et savoir se présenter sur ce marché en tant que marque personnelle. J’ai eu à apprendre tout ça dans mon parcours pour trouver des sponsors. C’est pour cela que ça fonctionne bien aujourd’hui avec BTMI, ils veulent une image active, d’un mode de vie aventureux et donc le surf et ma personnalité collent avec cela. Et je suis aussi amoureuse de mon île et très patriote, donc ça a du sens ! »

Le pouvoir de la représentation

Cette reconnaissance nationale n’a pourtant pas toujours été une évidence. Dans un pays où une majorité de la population ne sait pas nager, le surf a d’abord pu être mal perçu. « Une majorité de Barbadiens gardent encore cette mentalité héritée des anciennes générations, une peur de l’océan, ils disent que -l’océan n’a pas de porte de sortie-. Les gens aiment la plage et l’eau, mais ne s’y aventurent généralement pas plus haut que la taille » explique Chris Clarke « il y a un intérêt à regarder les compétitions et de l’énergie autour de l’événement mais le sport en lui-même reste une niche« .

Pour Chelsea, ses débuts se sont donc faits sous les jugements, une réalité qu’elle souhaite éviter à la nouvelle génération : « je veux m’assurer que la nouvelle génération sache qu’elle peut le faire. Plus jeune, les parents de mes amis ne voulaient pas que leurs enfants trainent avec moi car ils percevaient les surfeurs comme des vagabonds et pas des athlètes. Dans le pays, le sport principal est le cricket, et l’athlétisme est aussi majeur. Les sportifs bénéficient de soutien et de reconnaissance. J’ai dû me dépasser pour être reconnue en tant qu’athlète, pour que mes efforts soient reconnus. »

Barbade
© BTMI
Barbade
© BTMI
Barbade
© BTMI

Les Jeux Olympiques, facteur de développement

À la Barbade, la désignation du surf comme sport olympique a grandement aidé à changer les choses. « Le sport est plus accepté, il y a plus de gens qui suivent les compétitions, plus de représentation dans les médias locaux qui voient aussi dans les jeunes du pays de nouvelles chances de médaille. Les Barbadiens soutiennent leur équipe nationale et le gouvernement s’implique aussi en ce sens. »

Pour les surfeurs barbadiens, dont le surfeur des Challengers Series Josh Burke et Chelsea Tuach, il existe deux voies pour se qualifier aux Jeux. D’un côté les Jeux Panaméricains, de l’autre les ISA World Surfing Games, l’un des événements favoris de la surfeuse : « J’aime que l’on s’inspire mutuellement au sein de l’équipe. On ne veut pas décevoir les autres, c’est une motivation supplémentaire et ça donne un raison en plus de s’investir, de savoir son pays derrière soi, de faire quelque chose de plus grand que soi. Se soutenir mutuellement c’est important. On sait aujourd’hui qu’il y a de la place pour tout le monde et je pense que c’est super d’être entourée, dans une énergie positive et une compétitivité saine. »

Josh Burke
Josh Burke © WSL

Selon Chris Clarke, l’entité Olympics serait aussi en mesure de débloquer des budgets et des fonds permettant de développer le sport le reste de l’année. L’idée aurait notamment été évoquée de relancer des compétitions intra-caribéennes inspirées du Carribean Surf Network, un ancien circuit qui intégrait la Jamaïque, Trinidad et Tobago et la Barbade mais n’a pas perduré, faute de fonds nécessaires. Ces événements permettent aussi aux talents locaux d’affronter d’autres surfeurs et ainsi de perfectionner leur niveau en compétition.

Sur l’île, l’implication du gouvernement et de BTMI a permis de placer un webcast sur les compétitions de la WSL, elle-même en contrat avec l’entreprise Surf Promotions Barbados. Ce format a réuni à la sortie de la COVID-19 pas moins de 12 millions de vues. Une belle plateforme pour mettre en valeur les atouts de l’île en termes de surf (à commencer par le spot réputé de Soup Bowl) mais aussi le talent de ses habitants. En parallèle, la Barbados Surfing Association (BSA) fondée en 1983 est en charge du surf à l’échelle locale, en relation directe avec le gouvernement et l’association olympique, et se concentre sur l’équipe nationale ainsi que le tour local (6 à 7 événements annuels) et les titres nationaux. Autant de leviers pour voir fleurir le surf à la Barbade dans les prochaines années. Côté compétitions, les organisateurs espèrent un jour faire de cet événement une étape du Championship Tour. Le prochain pas serait donc d’en faire un Challenger Series : affaire à suivre…

Chris Clarke Louis Venezia
Chris Clarke et Louis Venezia, co-fondateurs de Surf Promotions.

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