Le Shiseido Tahiti Pro s’est conclu ce jeudi 30 mai à Teahupo’o. Après la victoire de sa reine, Vahine Fierro, vainqueure de cet événement à la maison la veille, Teahupo’o s’est pleinement reveillée. Italo Ferreira a fini par soulever le trophée de la mythique étape (un nouveau dans sa collection), en enrayant les assauts d’un monstrueux John John Florence, obstacle presque infranchissable de la compétition. Reportage au bout de la route par Tom Larcher, notre envoyé spécial sur place.
Demandez à n’importe qui sur le Tour, le Tahiti Pro est une étape spéciale. Et cela parce que Teahupo’o, c’est une vague à part. Le genre de tube à faire trembler les jambes, l’adrénaline que tous les pensionnaires du Tour chérissent mais redoutent. D’ailleurs, quand on est sur un bateau à une portée de rame de la zone d’impact, on conçoit très bien ce deuxième ressenti. Et aujourd’hui pour cette finale worldclass, Teahupo’o a augmenté l’intensité. Peut-être car la veille, le spot avait vu l’avènement du sacre de Vahine Fierro, la meilleure sur cette vague et la première locale à remporter cette fameuse compétition en Polynésie. Une histoire de mana sans doute, car en ce jeudi 31 mai à l’occasion du dernier jour pour les hommes, Teahupo’o est parfaite, à sa façon : sublime et terriblement puissante.
Quand elle est aussi belle un jour de finale, forcément on se surpasse pour atteindre ses objectifs. Pour Mihimana Braye c’était donc simple, il voulait sa couronne plus que tout. Et ainsi faire le doublé tahitien, l’image aurait été belle. Kelly Slater était là pour ajouter un Teahupo’o de plus à la légende, lui qui était à l’honneur en tant que wildcard dans cette édition du Tahiti Pro. Ramzi Boukhiam avait attendu cette étape depuis le début de la saison, l’une de ses raisons de vouloir à tout prix passer le cut. Et bien sûr tous les autres, qui ne pensent qu’à décrocher ce trophée de prestige…
Slater, Boukhiam, Medina : les échanges commencent fort
Tôt le matin, Kelly Slater ouvre les hostilités de la dernière journée avec Ethan Ewing. Le jeune Australien se débrouille bien et met Kelly en situation de combo. Les surfeurs se répondent, s’engagent et enchaînent les wipeout : Teahupo’o donne le ton. Mené au score en fin de chrono, Kelly Slater sent ce premier heat lui échapper mais score finalement un 4,73 à 10 secondes de la fin, assez pour avancer en quart. En suivant, Ramzi Boukhiam surfe son premier heat face à Kanoa Igarashi, qui ne trouve pas les vagues. Le Marocain prend ses marques – il le fait même très bien, gratifié d’un 7,17 – et rejoint Kelly en quart. Italo Ferreira règle à sa manière un Cole Housmand pourtant dedans, mais le Brésilien multiplie les tentatives : une pile électrique sur des bombes de 3 mètres. L’autre Brésilien de ces finales, Gabriel Medina fait comme d’habitude et enchaîne les prouesses dès son premier heat en scorant un 10 suivi d’un 9,83 face à Jake Marshall.
Vient alors le premier heat de Mihimana Braye. Le genre de heat qui n’est pas pour les cœurs sensibles. Imaginez le film : il défait deux fois le maillot jaune, Griffin Colapinto lors de la première journée, et tombe sur un John John surboosté au dernier jour. Le Tahitien prend la première vague, mais John John en enchaîne plusieurs à la suite, avec ses take-off miraculeux. L’Hawaïen s’enflamme et met en combo le Tahitien en s’enfermant dans des cavernes – les juges apprécient l’engagement, ce qui fait grimper son total à 15,77. Mais Mihimana le veut, peu importe s’il doit abattre un JJF survolté. Le local sort de sa situation de combo avec un gros 8,10 mais son back-up ne suffit pas, et John John le colle à la ceinture avec sa priorité en fin de round. Sauf qu’à 1 min 30 de la fin, le Tahitien trouve enfin une vague et disparaît dans le tube. Le klaxon de fin sonne, et toujours pas de score. Mihimana a besoin d’un 7,68 pour avancer – c’est jouable. Silence sur les bateaux, Mihimana se prend la tête dans les mains et la sentence tombe : 7,53. L’histoire était si belle mais John John y met fin. Le Tahitien a fait le job mais ne verra pas les quarts.
Ramzi Boukhiam tenace en quart
Dans le premier quart édifiant de la compétition, le Marocain tombe contre un habitué, ce bon vieux Slater. Le Marocain commence et tombe sur sa première vague, histoire de calibrage. Les deux prochaines seront les bonnes. Kelly trouve le premier tube à 8,83 mais Ramzi Boukhiam assure un 7,73 pour ne pas se faire distancer. Kelly shoote mais tombe à plusieurs reprises, et finit par trouver un bon back-up qui le passe à 16,66 pour 7,53 chez Boukhiam. De la magie encore, Ramzi trouve à 5 min de la fin sa bombe, et se fait expulser par le souffle les bras écartés comme sidéré par ce qu’il vient de voir – il franchit Slater.
Dans les autres quarts, Italo Ferreira s’affranchit d’un round auriverde contre Yago Dora. Gabriel Medina score à nouveau deux grosses notes et gagne contre Ryan Callinan, et John John Florence… disons que quand il est dedans, c’est dur de l’en défaire. L’Hawaiien surpasse Rio Waida dans toute sa série avec un total à 18,33.
Phases finales sous haute tension
Ramzi Boukhiam débarque en demi-finale. Tout comme ça l’était pour Mihimana, l’histoire fait rêver pour sa première participation. Mais Italo s’en mêle, et tout comme John John, il a la fièvre de Teahupo’o ce jour-là. Les bombes se font rares, mais le Brésilien n’arrête pas les allers-retours. Ramzi trouve une vague à 7,17 mais sans réel back-up, insuffisant pour s’affranchir des 13,27 points – pourtant à sa portée – de Italo Ferreira. Moins de deux minutes, le Marocain trouve enfin un take-off engagé, mais bien trop deep : il s’arrête là. « Italo est un sacré compétiteur, c’est dommage que dans notre série il n’y ait pas eu de grosses vagues, il a été très smart. » commentera Ramzi Boukhiam.
Le dernier heat avant la finale, Medina vs John John, ressemblait à une finale avant l’heure. LE heat qui donne envie. Gabriel Medina le tease au micro de la WSL à l’annonce du heat : « just watch ». Le chrono débute, et le Brésilien chute sur un énorme tube, sans doute un 10. John John ne pardonne pas la chute et leplace en situation de combo. Médina résiste et finit par sortir un 8,33 en plus de son back-up qui l’extirpe de cette situation. JJF s’acharne avec 8,23 points et sort Medina, jusqu’alors irréprochable, de la compétition.
Enfin, finale de haute volée : Italo Ferreira contre John John Florence. Les deux méchants de la compétition qui rasent tout sur leur passage. Et point commun, aucun n’a encore décroché le trophée de cette étape. Game ON. 8,93 de Italo pour commencer, puis un combo avec un autre 8,77. Jusqu’alors survolté, JJF reste calme. Il sait qu’il a besoin d’un gros score et finit par briser sa situation de combo avec un 7,83. Il reste 10 minutes et l’Hawaïen a besoin d’un 9,87. Mais comme toujours sur ce spot qui sait manifestement attiser le suspense – la mana toujours – un gros set arrive, à 5 minutes de la fin. Italo Ferreira tombe sur la première, et déroule le tapis pour JJF. Il part et prend un énorme barrel, lequel augmente son score à 17,16, contre 17,70 pour son opposant. Aussi cruel que peut-être la vague de Teahupo’o. Un dernier set arrive, JJF mise le tout pour le tout mais chute. Italo Ferreira remporte pour la première fois de sa carrière le Tahiti Pro, et ce alors qu’il n’est pas qualifié pour les Jeux Olympiques qui s’y dérouleront dans à peine 2 mois.