The ASP Hollywood Tour, Saison1 épisode 11 : Pipeline, Hawai’i

La fièvre jaune sévit, les cadres capitulent, Julian retrouve la banane et Gaby est campeão do mundo ! L'ASP Hollywood Tour a livré son verdict.

23/12/2014 par Surf Session

La fièvre jaune sévit, les cadres capitulent, Julian retrouve la banane et Gaby est campeão do mundo ! L’ASP Hollywood Tour a livré son verdict. Par Franck Lacaze*

Gabriel Medina n’a pas flanché. Débarqué à Hawai’i avec Slater, Fanning, une horde de journalistes à ses trousses et une pression suffisante pour faire entrer en éruption le Mauna Kea voisin, le goofy de Maresias a honoré son rendez-vous avec l’Histoire en devenant à Banzai Pipeline, la plus mythique des arènes du surf mondial transformée pour l’occasion en stade Maracaña, le premier champion du Monde ASP brésilien !

Peu donnaient cher de sa peau, n’imaginant pas une seconde que ce gamin de 21 ans (depuis le 22 décembre) irait au bout de son rêve et de celui d’une nation de 200 millions d’habitants à qui ce visage imberbe enfin débarrassé d’un appareillage dentaire est désormais aussi familier que celui d’une vedette de telenovela. Après avoir triomphé à coups de turns backside en terre australe, puis de carves et tubes ciselés à Fidji, et plus encore de tubes béants et autoritaires à Tahiti -3 étapes où aucun autre Brésilien ne s’était imposé auparavant-, et avoir affiché une solidité, une régularité et une maîtrise tactique et stratégique sans failles tout au long de la saison, Gabriel Medina ne pouvait décemment pas échouer.

Pipeline, le destin à marche forcée

Après une journée dédiée à des trials hawaiiens richement dotés –manière pour l’ASP d’acheter la paix auprès des lobbies locaux- dont les deux seuls Reef McIntosh et Makai McNamara s’extirperont pour rejoindre le tableau principal (ils étaient 16 au round 1 jusque l’an passé), l’ASP aura toutes les peines à conclure cette ultime étape. Eddie Rothman et ses sbires auraient-ils marabouté l’ASP pour n’avoir pas respecté leurs exigences et –insulte suprême- n’avoir pas convié Bruce Irons, frère d’Andy à qui ce Pipe Masters est dédié ?

Un premier round bouclé sans heurts pour les principaux favoris (à l’exception notoire de King Kelly surpris au buzzer par l’imprévisible Adam Melling), puis un deuxième tour lancé dans un Pipe difforme et dangereux, balayé par les trade winds et des clapots de la taille d’un Hummer aura donc eu raison, outre l’épaule de Jordy Smith, des minces espoirs de maintien de quelques « sans grades ». Exit les deux rookies australiens de 2014 : Mitch Crews et Dion Atkinson, exit aussi Tiago Pires et Aritz Aranburu ou le néo-retraité Travis Logie. Aloha boys !

Dès lors, de faux espoirs en calls repoussés, l’interprétation des cartes météo et de l’orientation de la houle laissera chacun échafauder différents scenarios pour la course au titre : gros ? Petit ? Pipeline ? Medina ? Backdoor ? Fanning ? Les deux ? Slater ?…

Et c’est donc au onzième jour (sur douze !) de la période d’attente que sera enfin relancé le Pipe Masters dans un Pipe/Backdoor de 3 pieds (hawaiiens), propre mais irrégulier, avec une gageure pour Kieren Perrow : boucler à marche forcée 27 séries en une seule journée. Du jamais vu. Des vingt-quatre prétendants encore en lice au matin de ce 19 décembre, seuls trois auront le sourire à l’heure où le soleil sombrera au large de Kaena Point : le Pipe Master, le lauréat de la Triple Couronne et le champion du Monde 2014.

Frenchies : vivement 2015 !

Parmi les premiers à capituler au matin de cet ultime sprint expédié en dual heats de 30 minutes : Jérémy Florès. Libéré de la pression du maintien après l’avoir définitivement assuré grâce à une fin de saison canon sur le WQS et notamment une finale à Haleiwa, le Français aurait pu reprendre des couleurs sur son épreuve fétiche. Las, face à Mick Fanning, le Pipe Master 2010 conclura sa campagne WCT sur une nouvelle sortie au 3ème tour et une trente-troisième place mondiale (seul Raoni Monteiro a fait pire en autant de participations). Vivement 2015 !

De son côté, Michel Bourez vainqueur à Sunset Beach quelques jours plus tôt abordait cette ultime échéance sans autre pression que celle d’assurer le quinté mondial et, pourquoi pas, accrocher la prestigieuse Triple Crown à son palmarès. Le top 5 assuré après la chute de Joel Parkinson, le Spartan bénéficiait également de l’élimination de Dusty Payne pour espérer coiffer la couronne hawaiienne. À la condition d’atteindre les demies. Le Tahitien s’arrêtera au round 5 (9ème) face à l’un des tous meilleurs du spot : Josh Kerr. Sortie honorable après une saison exceptionnelle auréolée de trois victoires de prestige (Margaret River, Rio et Sunset). Vivement 2015 !

La fièvre jaune

Assurément, le principal fait marquant de ce Pipe Masters 2014 sera la sortie prématurée de tous les anciens maîtres de Pipeline dès le round 3. Florès (2010) et Parkinson (2012) donc, mais aussi Durbidge (2007) et surtout Slater (7 fois entre 1992 et 2013), pour la plupart victimes d’une fièvre jaune qui va se propager à l’eau et sur la plage. Australienne ou –surtout- Brésilienne, cette fièvre aura pour virus le plus virulent un certain Alejo Muniz, regular-foot au stance aussi écarté que le classement qui le sépare des adversaires qu’il terrassera. À commencer par King Kelly qui en plus d’être éjecté de la course au titre un peu plus tôt après la qualification de Medina pour le round 4, va sombrer à ce même stade (13ème, son pire résultat à Pipe depuis 1997) sur un ultime tube “backdoorien“ de Muniz récompensé de 9,50 pts ! Surtout, c’est ce même Muniz qui va offrir le titre mondial à son compatriote Medina quelques heures plus tard en disposant dans une série apathique (6,53 à 2,84 points, sic !) de Mick Fanning.

Les minutes qui vont suivre seront surréalistes. Gaby, déjà à l’eau pour son quart face à son compatriote Filipe Toledo, va abandonner le line-up pour retrouver, à la hâte et larmoyant, les siens sur le sable (au nombre de 30000 selon les organisateurs, 9 selon le Da Hui (1)), tous revêtus de t-shirts aux couleurs vert et or du Brésil dans une communion aussi bruyante que colorée et exubérante. Quelques interviews et beaucoup d’émotion plus tard, Gaby se résoudra à rejoindre Toledo à 15 minutes du terme de leur série… pour l’emporter !

John John attendra encore

Le dernier à résister à cette fièvre jaune était celui dont chacun avait fait son grandissime favori, John John Florence. Mais lui pas plus que ses alter-ego Pipe Masters ne résistera à un Pacifique désespérément… pacifique dont Josh Kerr aura su mieux tirer le maigre potentiel.

Plus d’Hawaiiens en quarts, mais des Australiens (Kerr, Buchan, Otton, Wilson) et des Brésiliens (Toledo, Medina, Muniz) dont les plus talentueux représentants vont inéluctablement se retrouver en finale : Wilson face à Medina pour une belle après leurs deux finales précédentes (France 2011 : Medina – Portugal 2012 : Wilson).

Et pour conclure en beauté cette saison 2014, cette ultime joute sera éveillée par les meilleures vagues du jour. Finale homérique (19,63 pts / 19,20 pts) départagée à la sirène dont va émerger vainqueur un Julian Wilson dont l’impeccable mèche n’aurait sans doute pas survécu à une énième annonce défavorable au terme d’une saison noire. Finale qui aurait toutefois pu sourire à Medina si son hallucinant tube backside sur Backdoor et plafonné à 10 par le jury après un 9,93 attribué quelques secondes plus tôt à Wilson avait eu les quelques dixièmes supplémentaires mérités. Mais on lui reconnaîtra un autre mérite : montrer aux dubitatifs que ce gamin possède un talent hors norme (ça on le savait), qu’il apprend et s’adapte vite et qu’il possède désormais tout ce qu’il faut pour faire de lui un champion du monde incontesté et incontestable. L’hommage rendu sur Instagram par Kelly Slater devrait suffire à faire taire les “haters“.

Dans la prochaine saison

Wilson Pipe Master (et vainqueur de la Triple Couronne), Medina campeão do mundo et (presque) Pipe Master et toute une génération qui pousse dans leur sillage – JJF, Andino, Toledo, Young et consorts… Des anciens qui vont tenter de contenir le péril jeune derrière un Kelly de 43 ans qui plus que jamais fera de la résistance. Des Brésiliens décomplexés, un Français en reconquête, un Tahitien assoiffé de victoires et quelques rookies – Matt Banting, Wigolly Dantas, Italo Ferreira, Keanu Asing et Ricardo Christie à l’assaut d’une World Surf League qui proposera à quelques dates-près le même calendrier. Vivement 2015 et la saison 2 de la “Ligue des Surfeurs Extraordinaires“ !

Coup d’envoi le 28 février à Snapper Rock en Australie.

(1) Le Hui O He’e Nalu, également connu sous l’appellation « Black Shorts » ou « Da Hui », a été fondé en 1975 par Eddie Rothman à O’ahu. À l’origine, ses membres étaient missionnés pour assurer la sécurité des compétitions du North Shore mais ils ont rapidement acquis la réputation de locaux intimidants prompts à se faire respecter, parfois violemment, sur les spots hawaiiens. Quelques semaines avant ce Pipe Masters, Eddie Rothman a donné une interview diffusée sur le Net dans laquelle il menaçait explicitement l’ASP si ces derniers (à qui appartient désormais la Triple Couronne depuis qu’ils l’ont rachetée) n’accédaient pas à ses demandes, laissant planer la menace du Da Hui sur l’épreuve. Un procès en cours intenté par le Da Hui à l’ASP dénonce même l’illégalité du format de compétition appliqué à Hawai’i.

* @FranckLacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).

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