La séquence est parfaite. Presque au ras de l’eau, Brad Gerlach tracte Mike Parsons sur ce qui ne ressemble encore qu’à une ondulation. Nous sommes le 1er janvier 2002 et se tient à Jaws la première édition de la Tow-In World Cup, compétition qui rassemble une douzaine d’équipages sur le spot le plus redouté du moment (contest que boycotte Laird Hamilton). Le duo californien, dans sa série face aux locaux Kerbox/Larronde et pour sa première expérience sur cette vague hawaiienne, compte bien mettre à profit ses récentes sessions engagées du côté de Cortes Bank.
Gerlach s’écarte, Mike Parsons lâche la corde, louvoie entre les clapots puis se fait aspirer par le creux de cette vague menaçante. Lancé pleine balle et malgré un petit accroc au bottom-turn, l’ancien surfeur du WCT, toujours sur ses appuis, ajuste sa trajectoire pour se nicher dans le tube. “Qu’est-ce que je fous !”, se souvient Snips, encore pétrifié par son ride précédent (son tout premier ici) et qui avouera avoir surfé cette vague en mode survie… Le souffle le recrache dans un geyser d’écume avant que la vague ne ferme. Brad Gerlach et Mike Parsons y glaneront là le seul dix parfait de cette compétition (finalement remportée par McNamara/Resenda) mais bien plus encore.
Histoire d’un buzz
Car le plan, tourné par le caméraman Peter Fuszard, est sublime. Position de l’hélico idéale, travelling sans accroc, zoom arrière lent laissant petit à petit l’énormité de la vague envahir l’écran, ralenti à suspense, tout s’accorde pour faire de cette séquence un moment marquant du surf. C’est ce qu’il se passe. A une époque où Internet n’est pas encore ce que l’on connait et que YouTube n’existe pas, il faut attendre l’année suivante et la sortie du film Billabong Odyssey pour découvrir les images animées de l’exploit de Mike Parsons (les photos circulaient avant). Dès la séquence d’intro de ce long-métrage consacrée à la quête des plus grosses vagues autour de la planète, le spectateur est bluffé. Et plus de monde encore quand le clip est finalement mis en ligne sur YouTube en 2006, soit un an après la création de la plateforme vidéo. D’innombrables versions existent aujourd’hui et la plus populaire cumule 40 millions de vues ! De quoi en faire l’une des plus virales de l’histoire du surf sur Internet aux côtés d’autres séquences plus ou moins marquantes (dont le twerk d’Anastasia Ashley ou la planche à repasser de Rémi Gaillard). L’efficacité visuelle d’un clip, on le sait et encore plus en matière de surf, ne rend pas service aux innombrables ajustements qu’impliquent une telle performance sportive. Dans le livre de Chris Dixon Ghost Wave: The Discovery of Cortes Bank and the Biggest Wave on Earth, Mike Parsons revient sur cette vague : “Je me souviens penser : ‘Tout va mal… Va jusqu’au bottom, aussi bas que tu peux’. Puis, quand j’ai vu la section jeter devant moi, je me suis juste dit d’aller aussi loin que je pouvais sur cette vague. Je me suis accroché, autant que je pouvais. Et quand je me suis mis dans le tube, ça me paraissait complètement insensé ! J’ai regardé loin devant, essayé de m’accrocher encore et je suis sorti en ayant l’impression de voler !”.
Le duo Parsons/Gerlach, après cet exploit, continue d’écumer les line-ups du monde entier à la recherche des vagues les plus grosses. En 2008, Parsons s’illustre de nouveau avec une vague estimée à 77 pieds, shootée à Cortes Bank et évaluée comme la plus grosse jamais surfée à l’époque. En janvier 2013, Mike Parsons s’est fracturé une vertèbre en surfant, à la rame cette fois, les vagues violentes d’Ocean Beach (San Francisco). On a également vu l’ancien numéro quinze mondial officier en tant que coach aux côtés de Kolohe Andino ces dernières années. Un personnage discret qui traverse le monde du surf depuis les années 80 sans trop faire de bruit mais dont les exploits ont marqué la culture surf, tant chez les connaisseurs qu’auprès du très grand public. Une performance de plus.