Retour avec nostalgie sur un spot mythique au destin malheureusement tragique.
24/05/2021 par Marc-Antoine Guet
C’est l’histoire d’une vague, qui, dans les années 60, a fait fantasmer le monde entier et qui a grandement contribué à placer le Sud-Ouest sur la liste des destinations surf incontournables. Retour avec nostalgie sur un spot mythique au destin malheureusement tragique.
Je vous parle d’un spot que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. La Barre en ce temps là, rugissait comme jamais… Il est évident que Charles Aznavour aurait pu chanter à merveille l’histoire de ce spot mythique aujourd’hui transformé. La Barre. Un mot qui résonne encore comme une douce mélodie aux oreilles de ceux qui ont eu la chance de la connaître.
Un peu à l’image d’une histoire d’amour dont on se remémore encore les souvenirs plus de 50 ans après. Car c’est bien d’une histoire d’amour dont il s’agit. Une de celles qui prennent malheureusement fin.
C’est en 1963 que les tontons surfeurs du Pays Basque apprennent l’existence de cette vague située à l’entrée de l’estuaire de l’Adour. Une vague puissante qui déroulait à n’importe quelle heure de la journée et ce, peu importe les marées. Surfable dès 50 cm, le spot commençait à saturer à partir de 4 mètres. Protégée des vents thermiques par la digue de l’époque, la Barre offrait des conditions d’exceptions. Si les locaux surfaient sans problème les pics à marée haute, ils laissaient volontiers la longue gauche de la marée basse aux surfeurs de passage, souvent plus aguerris et expérimentés.
« Quand on entendait que la Barre fonctionnait, on sautait sur nos mobs et on filait sur place regarder les Micky Dora, Nat Young, ou encore Wayne Lynch en pensant regarder des Dieux ». Le photographe Sylvain Cazenave se souvient très bien de cette époque, tout comme le regretté François Lartigau qui avait déclaré à propos du spot : « Quand vous alliez surfer à la Barre, vous aviez en face de vous les meilleurs surfeurs ».
Et c’est logique, tant la Barre dans les années 60′ était considérée par beaucoup comme la meilleure vague de France et l’une des plus belles au monde.
Australiens, Hawaïens, Américains, ils seront nombreux à venir s’essayer sur cette vague de classe mondiale. Tous à la recherche de puissance, ils ne seront pas déçus.
À marée montante, une barre de sable venait boucher l’entrée de l’estuaire de l’Adour et par gros temps, la houle venait se briser sur ce haut fond permanent. Ce qui avait comme conséquence de bloquer le trafic portuaire mais surtout, de créer une vague hors norme dont la notoriété allait résonner jusque de l’autre côté du Pacifique, à Hawaii. Un endroit tellement parfait et spectaculaire, que c’est à la Barre que se sont tenus les premiers championnats du monde en 1968.
Pendant une dizaine d’années, le spot a connu ses heures de gloire, devenant le bijou du surf local et une pépite à l’internationale.
Une fin programmée
Malheureusement, ce banc de sable si cher aux surfeurs ne faisait pas le bonheur du port qui souhaitait se protéger de la houle.
Avant 1963, le port de Bayonne enlevait en moyenne chaque année près de 350 000 m3 de sable à l’entrée du port pour le rejeter au large et permettre ainsi aux bateaux de rentrer en toute sécurité. Mais ces derniers étant toujours de plus en plus gros, il fallait toujours enlever plus de sable. Chaque année le dragage devenait plus important. Il a donc été décidé de construire la digue du Boucau en 1963. Longue de 1 250 mètres, elle a été achevée en 1966. Si au départ on pense que cette digue embellira la vague, elle ne va finalement que la faire mourir pas à pas, mettant fin par la même occasion au doux rêve à la française.
Ce que regrette bien évidemment Sylvain Cazenave, témoin de cette époque dorée : « Au final ils ont fait l’inverse. Ils ont détruit le spot et ont mis du sable à l’embouchure de la rivière ».
De plus, l’érosion fait très mal et les plages d’Anglet reculent un peu plus chaque année. Le sable enlevé au bord et rejeté au large a créé au fil des années un déficit énorme. La digue des Cavaliers, construite en 1977, ainsi que les multiples jetées bâties dans les années 90′ continueront d’affaiblir le spot de la Barre. La digue intérieure construite en 2000 viendra compléter le tableau.
Un héritage comme souvenir
Si photos et vidéos de l’époque se font rares, la Barre peut se vanter d’être restée gravée dans les mémoires et les histoires. Témoin privilégié de la « shortboard revolution » (apportée par les surfeurs étrangers en France), ce spot d’Anglet aura été le premier spectateur de ce passage à un surf de virages et de manœuvres, avec comme héritage, la suite que l’on connaît.
Le longboard disparaîtra peu à peu des spots français pour faire place à des planches plus courtes, plus légères, plus rapides. Si aujourd’hui les locaux savourent la droite des Cavaliers, les langues s’accordent pour dire qu’elle n’arrive pas à hauteur de la gauche des années 70.
Aujourd’hui, le spot de laBarre ne marche plus du tout à marée haute et la gauche, qui jadis faisait rêver, n’est plus qu’un spot de repli. La vague mutante baptisé « Furoncle » que l’on retrouve devant la digue lors de certaines houles perpétue malgré tout la réputation musclée du spot. Mais on peut quand même le dire, c’était mieux avant.
"Je suis une athlète, j'ai des jambes fortes et un corps musclé, c'est génial qu'ils mettent ça en avant" dit Caroline Marks qui apparaît dans Sports Illustrated avec Courtney Conlogue et Malia Manuel.