Jorgann Couzinet : "Prêt à aller au charbon"

Avant Cascais, entretien avec le Réunionnais qui n'a jamais été aussi proche d'accéder au CT.

26/09/2017 par Marc-Antoine Guet

Jorgann Couzinet. Il n’y a pas si longtemps, peu nombreux étaient ceux qui le connaissait vraiment. Mais cette saison, l’attraction française numéro 1 c’est bien lui ! Tout juste sacré champion d’Europe, le Réunionnais réalise une 2e saison très performante sur le circuit QS, marquée par une victoire il y a quelques semaines à Pantin (QS 6 000). Alors que le QS 10 000 de Cascais débute aujourd’hui, nous avons rencontré celui qui, à 23 ans, pourrait bien être le 3e représentant français sur le CT la saison prochaine.

Salut Jorgann ! Tu pars au Portugal demain (samedi dernier, interview réalisée le 22 septembre), ta qualif’ peut se jouer dès Cascais…
Si je fais une demie à Cascais, ça serait presque sûr. Je dois me reposer un peu avant mais j’y vais remonté à bloc et motivé comme jamais.

Ton titre de champion d’Europe, c’est cool mais c’est pas fini. C’est ça ?
Exactement. Dès le début d’année, mon objectif était de rentrer sur le CT et d’être champion d’Europe. Déjà un objectif de réalisé, c’est pas mal mais je ne veux pas m’arrêter là. Je suis en train de tout remettre dans le bon sens. Depuis le début d’année, je ne prends pas assez soin de mon corps donc j’essaye de faire plus attention. Avant, j’y allais un peu à l’arrache, il est temps de prendre soin de la machine (rires). Je me sens mieux, plus relax. Je fais un peu de coaching mental avec Christophe Mouginot et mon ostéo m’aide bien aussi. Mentalement, je suis mieux.

Gagner à Pantin a du te mettre en confiance et te booster pour cette fin de saison ?
Jusqu’à présent, je ne pensais pas que gagner un QS 6 000 était faisable. Après 4 finales où j’ai fait second, je commençais à en avoir marre. Je me suis un peu énervé ! Maintenant, il n’y a plus qu’à prouver que je peux rentrer sur le CT.


Sur un QS 10 000, quel est ton meilleur résultat jusqu’à présent ?
J’en ai fait que deux dans ma vie et les deux fois, je me suis arrêté au 2e tour… Maintenant, c’est compète après compète, je ne veux pas me mettre la pression et trop penser à la qualif’ parce que ça m’a planté en milieu de saison. J’ai fait beaucoup de conneries en pensant à ça. Désormais, je ne me prends pas la tête, ce sera série après série. Si ça doit arriver, tant mieux. Sinon, c’est que ça doit être comme ça. Je crois beaucoup en la destiné. Je ne suis pas pressé, j’aime la vie donc pas de soucis.

Cascais, tu connais un peu l’endroit ou pas du tout ?
Je ne connais pas du tout. Je pars demain matin très tôt (samedi dernier) avec mon père, ma copine et mon chien (rires). J’arrive là-bas avec un crew positif, je vais pouvoir me concentrer et faire un résultat. J’y crois. Je n’ai même pas regardé le tableau des séries, peu importe. Dans ma tête, je dois le battre.


Tu surfes quoi comme planches en ce moment ?
J’ai fait une finale à Anglet avec une Clean Cut, j’ai gagné à Pantin avec une Clean Cut. On a trouvé une petite bombe et c’est agréable de surfer avec du bon matos. La planche magique pour l’instant c’est une planche pour les petites vagues qui marche très bien quand c’est mou. Pour l’instant c’est une 5’11 x 19 1/2 x 2 1/2 avec un rocker assez plat. Mais à Cascais, c’est un spot qui prend beaucoup la houle donc on ne sait jamais ce qui va se passer. J’ai d’autres planches pas mal à côté aussi, le matos est là.

Tu échanges un peu avec Johanne Defay et Jérémy Florès (Réunionnais) pour gérer cette fin de saison ?
Ce sont un peu mes surfeurs préférés sur le Tour. Ils m’aident vraiment à me stabiliser et à ne pas avoir peur de perdre une série.Je me mets beaucoup la pression et Jérémy m’a aidé mentalement. Johanne m’oriente plus sur comment gérer mes séries. Ils sont importants et j’ai vite envie de les rejoindre sur le CT.


Après Cascais, il restera Hawai’i. Jamais évident de jouer une qualif’ là-bas…
Si je fais une perf’ au Portugal, je serais beaucoup plus relax pour aborder Hawai’i. Hawai’i, c’est un peu le casse-pipe. On a très souvent vu des français partir là-bas pour jouer la qualif et ne pas l’avoir. Je me suis bien préparé cette année et j’ai commandé beaucoup de boards de là-bas, des Tokoro. Je fais confiance aux locaux. Je vais arriver préparé et je ferai même le HIC Pro à Sunset (QS 3000) pour prendre des repères.

Tu te régales encore en free surf ou c’est vraiment focus compétition ?
Je suis très concentré sur le QS cette année. Quand je m’investis dans quelque chose, je le fais à fond. Parfois, quand ma copine filme une session, je balance des airs dans tous les sens et je me fais vraiment plaisir. Ma vraie nature, c’est d’être freesurfeur, depuis toujours. Ça ne fait que deux ans que je me suis mis à fond dans la compétition mais mes sessions les plus sympas, c’est quand même en freesurf.


La Réunion, tu y retournes parfois ? Que penses-tu de ce qui se passe là-bas ?
J’y retourne tous les six mois environ. Ce qui se passe est juste horrible. Je ne fais que penser à cette île. Je veux des enfants et j’aimerais bien qu’ils naissent à la Réunion et qu’ils apprécient cette île comme je l’ai apprécié quand j’étais petit. De voir toutes les générations qui sont actuellement en train de se planter là-bas car elles ne peuvent plus surfer comme il faut, c’est horrible. Ça me fait beaucoup de peine, j’y pense tous les jours. Tous les jours, je me demande quand vais je pouvoir resurfer Saint-Leu, quand pourrais-je aller mettre des airs à St-Pierre… C’est dur mais je garde l’objectif de me qualifier pour l’instant et de me battre pour la Réunion. C’est ma principale source de motivation.

Quels sont tes points forts cette année ?
Je suis un surfeur puissant et aérien. J’ai un avantage car j’ai l’impression que c’est ce que les juges recherchent en ce moment. Je mise beaucoup là dessus et je tente de mixer au maximum pendant mes séries pour leur montrer le plus de choses. J’aime bien la variété, je n’aime pas toujours faire pareil. Si un rodéo me vient en tête, j’essaye. Si je rentre dans le CT j’aimerai bien tenter des back-flips, être le gars qui a le X-factorJe pense être plutôt complet même si on ne me connait pas encore pour les barrels. Je sais que je peux en sortir. Je sais qu’à Pipeline et Teahupoo, je ne serai pas invisible. S’il faut partir sur des vagues immenses, j’irai au charbon, même si c’est pour me prendre des boîtes, tomber sur le corail ou aller à l’hôpital… Je suis prêt.

Les vagues du CT correspondent plus à ton style ?
Sur le QS c’est la guerre. Avec un gabarit comme le mien (1 m 86 pour 85 kg), tu as un peu du mal à t’en sortir dans 20 centimètres. J’ai vite envie de me qualifier pour arrêter de batailler dans des QS qui sont difficiles et pouvoir montrer mon potentiel dans des vagues comme J-Bay, ça m’excite vraiment de penser à ça.

Tu regardes les contests du CT ?
Tout le temps. Je regarde le CT de A à Z. Le king, c’est toujours Kelly. Filipe Toledo dans les petites vagues est une référence mais j’aime beaucoup Jordy, Julian, John John… Ce sont de solides mecs à affronter l’année prochaine si je me retrouve dans des séries avec eux. Je flipperais un peu mais j’irais comme un guerrier.

Tes sponsors doivent être au taquet aussi ?
Je fais une année incroyable. Soöruz, Cool Shoes, Ocean & Earth sont au taquet, ils sont derrière moi. J’espère juste que les contrats vont augmenter si je me qualifie (rires) ! J’espère que je vais enfin réussir à gagner ma vie avec le surf. À l’heure actuelle, je commence à avoir des propositions mais il va falloir bien choisir. Je n’ai pas d’agent, c’est plus intéressant de négocier soi-même et d’avoir un peu de rapport humain avec les marques.

Au niveau financier, c’est encore un peu tendu ?
Je vais vous avouer que pendant l’année, je n’ai jamais eu beaucoup d’argent, j’ai toujours été à la ramasse. Je suis parti à Huntington faire le QS 10 000 et je me suis retrouvé sans argent sur mon compte. J’ai dû appeler des amis pour m’aider et payer mon billet, ce fut compliqué. En plus, je n’ai pas fais une bonne perf là-bas donc je suis revenu en France avec les dents. Je me suis toujours battu pour avoir ce que j’ai et enfin je commence à gagner ma vie. C’est un plaisir de voir tout le soutien dont je bénéficie en France et à la Réunion et tous les messages que je reçois. J’ai halluciné pendant Pantin, ça me motive.

Ton scénario idéal sur cette fin d’année ?
Arriver à Hawai’i avec une grosse perf’ à Cascais et faire une finale à Hawai’i contre John John ! Même si ça va être compliqué (rires).


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