Dave « Rasta » Rastovich est un personnage à part dans le milieu plutôt lissé du surf mondial. Ancien compétiteur, il a renoncé à porter un lycra il y a de nombreuses années pour se consacrer pleinement au free-surf.
L’Australien, originaire de la Gold Coast, est aujourd’hui un des surfeurs les plus stylés du moment. Son éclectisme en termes de planches n’y est sans doute pas étranger, lui qui passe volontairement du quattro au single en passant par l’alaïa ou encore le matelas gonflable.
Empreint de mysticisme, volontairement « peace » et un brin nonchalant, il cultive ce paradoxe d’être un pur produit marketing tout en faisant de la liberté son cheval de bataille.
Grâce à sa notoriété, Rasta se fait régulièrement le porte-voix de certains activistes, comme « Sea Sheperd » ou sa propre asso de protection des baleines, « Surfers For Cetaceans« , exhortant notamment les surfeurs du monde entier à rejoindre sa cause.
Nous avions rencontré Rasta à l’automne dernier en France, juste avant l’arrivée des surfeurs du World Tour pour le Quik Pro France… Le surfeur, de passage chez nous pendant 3 semaines, venait de scorer des vagues parfaites et plutôt solides en solo à Seignosse un jour de pluie. De quoi contraster avec les sessions « blindées » auxquelles il avait eu droit les jours précédents…
C’est donc avec un grand sourire aux lèvres que Rasta a reçu surfsession.com, quelques jours avant son départ. Magnéto :
Tu es désormais free surfeur. Pourquoi as-tu subitement décidé d’arrêter la compétition il y a quelques années ?
Disons que ça n’était pas ma tasse de thé. Mon intérêt est loin des compétitions. Je crois que le surf est quelque chose de tellement fun et libre qu’il me semble fou d’y injecter les notions de temps, de pression, de règlement, d’argent… Personne n’a le droit de te dire quand surfer, quel type de planches rider, ou de surfer comme Kelly Slater ou Rob Machado, Joel Tudor… Tu peux faire ce que tu veux sur une vague.
Je pense que c’est dingue que des gens tentent encore de mettre des règles ou des clôtures autour de quelque chose aussi libre que le surf. Il y a déjà des règles partout : tu dois rouler de tel côté de la route, payer des taxes, payer le loyer, penser et t’habiller d’une certaine façon pour être cool, boire des bières et fumer des clopes pour te donner un style… Ça n’est pas nécessaire d’en rajouter dans le surf. C’est un des rares endroits où tu n’as pas à obéir à des règles. Bien sûr il y des systèmes de priorité à l’eau, et tu dois aussi faire preuve de patience au line-up, mais c’est simplement du respect, et pas une histoire de règles.
« LA VAGUE EST UN DES RARES ENDROITS OU TU N’AS PAS A OBÉIR A DES RÈGLES »
C’est la vision que tu as de tes amis qui sont sur le World Tour ?
Oui, ça me paraît dingue, mais j’ai grandi avec des surfeurs qui apprécient réellement ça, qui ont la compétition dans le sang, et c’est cool aussi : la compétition est une bonne chose pour certaines personnes car ça leur donne quelque chose sur quoi focaliser, ça leur donne un but.
Tu me parlais justement de la liberté que tu avais de pouvoir choisir tes planches. Tu es connu pour apprécier cette versatilité, y compris durant une même session. C’est quelque chose de nécessaire dans ton approche du surf ?
Oui, ça l’est. Peut-être que c’est parce que je me lasse vite des choses, ou quelque chose comme ça (rires). Mais j’aime juste changer souvent. C’est comme la nourriture et la musique : tu n’as pas envie de manger ou écouter la même chose tous les jours. Tu peux surfer une même vague de tellement de façons différentes juste en changeant de planche : plutôt smooth et relax avec un fish, plus radical avec un twin ou un quattro… C’est fun de changer. En compétition, tu dois toujours surfer le même type de planches, même si Kelly essaie d’innover.
« TU PEUX SURFER UNE VAGUE DE TELLEMENT DE FAÇONS DIFFÉRENTES JUSTE EN CHANGEANT DE PLANCHE… »
Combien de planches as-tu amenées avec toi en France ?
Seulement trois. J’ai voyagé à travers l’Amérique et d’autres endroits avant et je n’avais donc pas trop de planches. D’habitude, j’en emmène 5 ou 6. En ce moment j’ai 2 twin-fin, une 5’6 et une 6’0. On dirait un shortboard moderne, mais avec moins de rocker, un swallow et pas de latte. J’ai aussi un quattro en 5’10, sans latte, un alaia et un matelas gonflable, pour quand c’est gros, marée haute, pas top… Ca glisse super vite, ça peut vraiment être drôle et c’est facile à transporter : tu as juste à le glisser dans ton sac, comme un t-shirt…
Et plutôt utile si tu ne sais pas où dormir !
(Rires) Exactement. Ou si tu n’as pas d’oreillers dans ta chambre ! Enfin, voilà, ce sont les planches que j’ai pour ce voyage.
Tu as shapé ton alaïa toi-même ?
Non, c’est Tom Wegener (célèbre shaper australien d’alaïas et autres planches en bois, ndlr) qui l’a shapé. Il m’avait fait un 8 pieds il y a quelque temps, que j’ai retaillé pour en faire un 6 pieds.
Parle-nous un peu de ton combat pour l’environnement, notamment pour la protection des baleines ?
J’ai créé ma propre organisation avec mon ami Harry Cook : Surfers For Cetaceans. On fait nos propres campagnes, en collaborant parfois avec Sea Sheperd. Harry est allé avec Sea Sheperd aux Iles Féroé pour une mission sur ce problème là bas. On va essayer d’y retourner l’an prochain avec des surfeurs, et peut-être des Européens.
Tu devais déjà y aller cette année, non ?
« IL Y A DES SURFEURS AUX 4 COINS DU MONDE, ET ILS REPRÉSENTENT UNE RÉELLE OPPORTUNITÉ POUR TROUVER DES SOLUTION AUX PROBLÈMES D’ENVIRONNEMENT ».
Oui mais je n’ai pas pu, et je n’avais pas de stratégie bien précise pour attaquer le problème là bas. C’est super complexe, mais on fait notre possible pour exposer le problème au monde du surf. Il y a des surfeurs aux 4 coins du monde, et ils représentent une grosse opportunité pour trouver la solution à ces problèmes. La première étape, c’est d’éduquer les gens dans le monde du surf sur ce qui se passe. Puis on contacte des groupes comme Sea Sheperd ou des fonds internationaux pour la protection des animaux afin de profiter de leur expérience pour construire nos propres campagnes et stratégies. On essaie de s’impliquer de manière pacifique.
«De manière pacifique», tu ne prônes donc pas l’activiste violent comme Sea Sheperd le fait parfois ?
Oui, on va être un peu différent de Sea Sheperd dans le sens où on est un petit groupe : pas de bateaux, de grosses campagnes, mais plutôt des petits groupes de surfeurs qui seront là pour intervenir s’il y a un problème. S’il y a un pêcheur qui pêche trop, ce serait cool de voir des surfeurs locaux faire quelque chose pour contrer cela. Ce serait bien aussi qu’on continue à se développer pour pouvoir dénoncer de manière pacifique les criminels de l’industrie tout en apportant des solutions…
Retrouvez la seconde partie de cette interview dès le samedi 5 février sur surfsession.com
Propos recueillis par Romain Ferrand – Dérushage : Alicia Cenci
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