« J’ai pu analyser, échanger autour de mes différentes expériences de shape. Ce qui m’a permis d’acquérir le bagage nécessaire au bon développement de mon travail. »
Nicolas
À 54 ans, Nicolas Hervo a 41 ans de métier dans les mains. Artisan-shapeur par excellence, il fabrique et stratifie des planches dans les Sud-Est de la France, à La Ciotat, avant que celles-ci ne partent goûter aux vagues méditerranéennes et aux spots du monde entier. S’il déplore un manque de fond dans le shape contemporain, son travail lui, est aussi riche dans le fond que dans la forme. Ses planches sont esthétiques et conçues selon un savoir-faire et des techniques que le shapeur a mises au point depuis quatre décennies faites de voyages, d’expériences et de rencontres. Il y a plus de vingt ans, le shapeur a associé son esprit à ceux de sa communauté surf locale pour développer une alternative à la construction classique des planches. Ils se sont penchés sur la nature environnante et ont mis au point des pains de mousse éco-responsables, faits d’agave méditerranéenne, locaux et recyclables.
Le shape en autodidacte
Nicolas a commencé à shaper ses premières planches à l’âge de 13 ans, dans l’atelier de Frantz Daher, Saga Jump. Par la suite lui et ses frères ont transformé le garage familial en shape-room pour leur propre consommation mais ils n’ont pas tardé à être sollicités par d’autres surfeurs pour faire du custom sur-mesure. « Les surfeurs débarquaient avec leurs pains de mousse et leur décoration en tête et je m’occupais du reste » nous raconte Nicolas. Le shapeur a ensuite beaucoup voyagé, notamment dans le Pacifique, ce qui lui a permis d’entamer une longue période d’auto-formation. « J’ai pu analyser, échanger autour de mes différentes expériences de shape. Ce qui m’a permis d’acquérir le bagage nécessaire au bon développement de mon travail et suivre les riders dans leur progression » nous confie Nicolas. Après son retour en France dans les années 1990, le shapeur constate que le monde du surf avait connu une évolution importante et que l’engouement autour de la discipline avait créé une demande à laquelle il s’est senti capable de répondre. « J’ai pu commencer à prendre des commandes de planches, ce qui m’a permis de créer la marque Manipura en 1992 et de m’imposer en tant que shapeur » poursuit le shapeur.
Du shape 100% artisanal
La particularité de Nicolas, ce qui le démarque de beaucoup d’autres, c’est qu’il s’adapte entièrement au surfeur. Si vous vous rendez dans son atelier du Sud-Est de la France, vous n’y trouverez pas de planches en exposition, le fabricant ne fait que du sur-mesure. » Si le surfeur est longiligne je sais qu’il va accélérer en se servant de l’allègement sur sa planche et s’il a de bonnes jambes, qu’il a du poids, je sais qu’il prendra de la vitesse en se servant de son poids pour pousser en bas de vague. Ils ne surferont pas du tout de la même manière. Souvent les gens vont sur un site internet et choisissent leurs côtes en pensant que c’est du sur-mesure, mais ce ne sont pas des planches réglées pour eux » nous explique-t-il. Avec les mêmes côtes, Nicolas est capable de fabriquer un nombre incalculable de planches différentes et il règle un modèle en fonction de chaque client. Une pratique qui, de nos jours, est en train de se perdre, déplore le shapeur. En 40 ans d’expérience dans le milieu, le shapeur a vu un bon nombre de gens s’installer et d’autres s’arrêter. « Pour perdurer et vivre de cette passion, il faut s’adapter en permanence. Aujourd’hui, l’expérience ne suffit plus et nous sommes obligés de nous faire connaitre en passant par les réseaux sociaux et les sites internet. Cela dénature notre métier et met surtout en avant les gens dont le travail présente plus de forme que de fond. Le shape est avant tout un métier basé sur les rencontres et l’expérience, déterminé par le nombre de planches réalisées. Malheureusement, on risque de remplacer le shape artisanal par le shape marketing. C’est triste ! » nous confie-t-il.
Une approche conduisant à une grande diversité
Son approche sur-mesure se répercute sur les planches qu’il fabrique, toutes très diverses et destinées à des surfeurs au profil et aux besoins très différents. Cela peut aller du shortboard extrême, au longboard, en passant par des planches plus rétro type fish ou mid-length. Autant de planches construites à l’aide de multiples techniques et sur lesquelles l’artisan shapeur réalise des customisations diverses, du spray, de la résine teintée… « J’aime vraiment réaliser tous les types de planches, comme je disais, des shortboards, des mid-length, des fish, des log mais aussi des pièces de collection élégantes et faciles à surfer. Je tiens à ce que toutes mes planches soient personnalisées en fonction du surfeur, autant d’un point de vue technique qu’esthétique » nous confie Nicolas à propos de son travail. En partenariat avec des menuisiers installés dans les anciens chantiers navals de La Ciotat et entouré de ses riders et de jeunes locaux, le shapeur a créé plusieurs longboards agréables à surfer ainsi que des planches destinées à être exposées. « L’une d’elle partira pour une exposition consacrée aux Jeux Olympiques 2024 à Marseille, une autre est visible dans la calanque de Figuerolles ou au Manipura Surf Shop » poursuit-il.
Depuis tant d’années, le shapeur du Sud-Est a noué une relation particulière avec certains surfeurs qui lui sont très fidèles. » Ma clientèle shortboard constituée en grande partie de gens que je connais depuis des années. Même s’ils vivent ailleurs et qu’ils ont un shapeur sur place, ils continuent à me commander leurs shortboards, parfois même quand ils sont sponsorisés par d’autres, parce que je les suis depuis toujours » nous raconte-t-il. Mais Nicolas fabrique également un grand nombre de longboards : « Je fais aussi beaucoup de longboards, le prof de surf local pour qui je fabrique des planches était neuvième français, donc les gens se sont identifiés. Ça fait 40 ans que je shape, donc même s’il y a des modes différentes tous ces surfeurs continuent à venir me voir.Dans le surf, il y a beaucoup de modes, tout a tendance à revenir, on revisite sans cesse des planches rétro et on les modernise. J’en vois même des asymétriques, ce qui me rappelle ce que l’on shapait en 1987 avec mes frères, quand on faisait des planches expérimentales. Ce qui est parfait pour un coup marketing et faire le buzz. »
Des pains éco-responsables
Dans les années 1990, déjà sensible au respect de l’environnement, Manipura furent les premiers à fabriquer des pains éco-responsables, à base d’agaves méditerranéennes, qu’ils récupéraient chez des particuliers ou tout simplement sur le bord des routes dans le Sud-Est de la France, uniquement à La Ciotat et dans les communes environnantes. Nicolas s’explique : » Les planches que je fabrique ne comportent pas de pain de mousse caché sous une couche de bois, elles sont 100% bois. L’agave a la particularité d’être très légère en séchant et l’intérieur de la tige ressemble étrangement à la densité de la mousse PU, ce qui me permet de shaper directement dans la masse, muni de mon skil 100.«