Izzi Gomez : de la Floride à Jaws, une surfeuse de taille

À tout juste 25 ans, l'Américaine est déjà l'une des premières femmes a avoir surfé Cortes Bank et multiple championne du monde de SUP surf.

22/11/2024 par Maia Galot

© Lutton / ROXY
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« Je me suis concentrée sur le surf de gros ces 3-4 dernières années »

Izzi Gomez

En marge du Quiksilver Festival, la surfeuse du team ROXY Izzy Gomez était en France avec son sponsor. L’occasion d’aller à sa rencontre et de découvrir son profil atypique ! Du SUP surf au surf de gros, de ses débuts en Floride à ses saisons à Hawaii, l’Américaine nous raconte !

Surf Session – Izzy, peux-tu nous raconter tes débuts dans le surf ?

Izzy Gomez – J’ai grandi en Floride, sur la Gold Coast. Il n’y a pas beaucoup de vagues dans ce coin mais il y a de supers surfeurs qui viennent de là, comme Cory et Shea Lopez, qui viennent du même coin que moi. Mes grands-parents y ont eu un surf shop dès 1964. Je pense que je suis née dans la surf culture et j’ai grandi en passant la plupart de mes journées à la plage. J’ai un grand frère qui surfe, ma mère aussi, donc c’était un peu inévitable pour moi de commencer à surfer. Mon père était un joueur de tennis professionnel et il est coach donc je pense aussi que j’ai un athlétisme naturel et le goût de la compétition qui vient de là. Je devais avoir 4 ans quand j’ai appris à surfer, ce n’était que prendre de petites vagues mais par la suite j’ai fait de petits grom contest, puis j’ai dû être vraiment piquée à mes 12 ans, où je me suis dis que c’est ça que je voulais faire et où je suis vraiment tombée amoureuse du surf. À 5 ans, j’ai déménagé sur l’autre côte de Floride, où il y a plus de vagues, car mon frère aîné voulait surfer plus encore. Puis à 14 ans j’ai déménagé à San Clemente, en Californie.

Malgré tout, ta carrière a commencé en SUP surfing ?

J’ai toujours fait du shortboard mais vers mes 13 ans, quelqu’un sur le circuit local NSSA a vu mon frère surfer et lui a proposé de faire du SUP, en lui parlant d’opportunités de voyages tout frais payés. Mon frère s’est lancé et a été sponsorisé. J’ai commencé à le faire pour le fun et pour faire comme mon frère puis j’ai été sponsorisée. De mes 14 à mes 19 ans, j’ai arrêté les compétitions en surf shortboard et le SUP a pris plus de place. Selon moi j’y ai connu des réussites car j’étais surfeuse avant ça et que les pratiquants viennent plus souvent de la planche à voile ou du longboard donc mon approche et mon style était plus agressifs. Donc j’ai gagné 4 titres de championne du monde, une médaille d’or ISA et deux médailles d’or aux jeux Panaméricains (rires). C’était un parcours étrange et inattendu parce que je n’aurais jamais pensé faire ça, mais c’était super et ça m’a permis de voyager partout dans le monde. J’ai été sponsorisée par Red Bull, avec qui je suis depuis près de 10 ans. J’ai fait ça pendant longtemps puis j’ai décidé que j’étais lassée de tout ça et j’ai eu envie de faire autre chose (rires).

Comment es-tu passée du shortboard au surf de gros ?

J’ai commencé à être lassé du SUP vers mes 17 ans, et je voulais vraiment faire plus de compétitions en shortboard. À l’époque, Red Bull ne comprenait pas mon envie de changement car je réussissais dans cette voie. Donc j’ai continué à faire du SUP mais j’ai commencé à m’entrainer à côté pour le surf de gros, plutôt discrètement. J’essayais des planches, je me préparais mentalement et physiquement. En 2019, j’ai surfé Jaw pour la première fois et Red Bull m’a passé dans le team big wave. Cet hiver-là, en février 2020, je venais de finir ma saison de big wave et Red Bull a fait un sujet sur moi, ce qui m’a changé de catégorie médiatiquement. J’ai remporté mon premier QS à cette même période donc j’avais le choix entre les deux disciplines. Puis la COVID-19 est arrivée et il n’y a plus eu de compétition. J’ai perdu mon goût pour la compétition depuis, je me suis concentrée sur le surf de gros ces 3-4 dernières années.

Tu as donc laissé le shortboard derrière toi ?

J’ai essayé de faire les deux pendant longtemps mais les plannings ne s’accordaient pas et il était nécessaire de faire un choix. J’aimerais tout de même essayer de me qualifier pour les prochains Jeux Olympiques. Ce serait une super opportunité pour moi car je surfe pour la Colombie, d’où mon père est originaire. J’ai été très proche sur les deux derniers cycles donc on verra ce qu’il se passe, je ne me mets pas trop la pression pour concourir non plus, je veux vraiment prendre du plaisir à surfer.

Qu’est-ce qui t’as attirée vers le surf de gros ?

Quand j’étais jeune, mon frère et moi jouions à Kelly Slater’s Pro Surfer, le jeu vidéo, et on pouvait y surfer Cortes Bank. Mon frère me parlait de cette vague folle et difficile d’accès de 15m et la petite moi trouvait ça trop cool. Petite, je faisais des colliers de coquillage et ma mère m’avait fait une petite pancarte qui indiquait « Izzy sells sea shells on the sea shore to go to the North Shore » (rires) car je voulais aller à Hawaii, dès mes 6 ans. Elle m’a photoshopée dans un barrel à Pipe (rires). Je pense que j’ai toujours été fascinée par les grosses vagues. La première fois que j’ai été à Hawaii, j’avais 12 ans. Ça a été ma première expérience de la force des vagues là-bas. Peu à peu, chaque année, j’ai été de plus en plus confortable dans de plus grosses vagues. La compétition m’a poussée car j’ai connu des scénarios où j’ai dû concourir dans des vagues plus grosses que celles que j’avais pu surfer auparavant. Je dirais donc que c’est un mélange entre la compétition et construire une forme de confort année après année en passant du temps à Hawaii. J’ai voulu tenter, j’ai toujours aimé les grosses vagues, je trouve que j’y performe mieux, donc j’ai tenté et j’ai adoré. J’ai eu de supers mentors comme Paige Alms, qui est vraiment la big wave queen. Elle m’a vraiment adoptée et beaucoup aidée.

© Domenic Mosqueira / Red Bull Content Pool

« Le point majeur a été le mental »

Izzi Gomez

Quel point t’as demandé le plus de travail pour intégrer ce monde ?

Pour moi, le point majeur a été le mental. J’ai toujours été forte physiquement et la mentalité de la compétition comparée à celle du surf de grosses vagues est vraiment différente. Il y a un « mode survie » dans le surf de gros mais c’est pourtant un espace où il ne faut pas être mentalement car si tu t’inquiètes de te blesser et que tu n’as pas confiance, c’est là que ça devient dangereux. Il a fallu que je m’entraine mentalement à intégrer que je m’étais préparée, que j’avais fait l’entrainement nécessaire et que tout irait bien. Je devais me faire confiance. J’ai tendance à me mettre beaucoup la pression et à être très critique envers moi-même, donc le plus important a été d’avoir confiance en mes capacités et me rappeler que je m’étais préparée pour ça. Être capable de dépasser la peur. Avant de surfer Jaws, je n’arrêtais pas de penser « ou tu finis la vague, ou tu te noies » et je ne parvenais pas à me sortir cette idée de la tête. Maintenant je peux en rire car ce qu’il s’est passé, c’est qu’avant même de prendre une vague à Jaws, je me suis retrouvée coincée à l’inside où j’ai pris une vague de 9m sur la tête. Et ça allait. Donc je me suis dit que c’est ce dont j’avais besoin pour sortir de ma tête.

Combien de temps t’es-tu donnée pour te préparer ?

J’ai dû me préparer en 1 an. La première fois que j’ai surfé Jaws, c’était en janvier 2019 mais c’est fin 2017 que j’ai fait le cours BWRAG*, que je recommande à n’importe qui qui souhaite se lancer dans le surf de gros car cela prépare à gérer toute situation, pour la sécurité notamment. J’ai fait ça à 17 ans. En 2018 je faisais toujours du SUP mais je savais que je voulais m’entrainer pour le surf de gros, ce que j’ai fait à l’hiver 2018. J’ai passé l’hiver à Hawaii et j’ai commencé à travailler avec Samantha Campbell, une coach qui a fondé le centre d’entrainement de haut-niveau Deep Relief Peak Performance. Elle entraine certains des meilleurs surfeurs de gros comme Paige Alms ou Ian Walsh. À Jaws, c’était une petite journée mais c’était déjà une étape importante pour moi de constater que j’en étais capable. Toute l’année 2019, j’avais en tête de me lancer sur la saison hivernale 2019-2020. En général, on commence l’entrainement en septembre pour être bien en forme, et on s’entraine moins intensément durant la saison car il ne faut pas trop se fatiguer. Donc je dirais qu’il m’a fallu un an, pour me préparer mentalement et physiquement et me lancer.

*le Big Wave Risk Assessment Group a pour mission d’éduquer et de former les surfeurs à la gestion des risques liés à l’océan, aux protocoles de sécurité, à l’équipement, à la technologie et aux compétences pratiques afin d’optimiser leurs propres pratiques de sécurité et d’améliorer la sécurité de ceux avec qui ils partagent le line-up.

Aujourd’hui, as-tu une équipe avec toi, un binôme ?

Ça a été difficile pour moi de trouver un partenaire et c’est toujours un peu le cas. Peut-être maintenant que j’ai fais mes preuves, les gens me prendront plus au sérieux. C’est aussi pour cela que j’ai beaucoup de gratitude pour Paige et Sean Ordonez (SOS Shapes, ndlr), car ils m’ont aidée quand personne d’autre ne le voulait et ils sont la raison pour laquelle j’ai pu accomplir tout ça. Ca a été très encourageant de voir quelqu’un comme Paige, qui est la reine du sport, aider quelqu’un comme moi. Je pense qu’elle voit beaucoup d’elle-même en moi et on s’entend très bien. Elle a été ma binôme mais on a aussi monté un bon crew de personnes avec des gens comme mon ami Sud-africain Steve Rice, qui m’a aussi beaucoup aidé avec la conduite du jetski et ma préparation. J’ai peu à peu construit un entourage en qui j’ai confiance et qui est content de m’aider mais ça a été difficile car beaucoup de gens dans le milieu font ça depuis très longtemps et ont donc leur propre équipe. Le moment venu d’y aller, chacun est concentré et dans son rythme.

avec Paige Alms
© Eleven17 Creative / Red Bull Content Pool

« C’était un grand moment pour le surf de gros féminin »

Izzi Gomez

À ce jour, quelle est ta vague la plus mémorable ?

C’est difficile de choisir… Cortes c’est quelque chose de majeur pour moi. Je connaissais le spot depuis petite, sans jamais penser que j’y surferais. Justine Dupont et moi avons été les premières femmes à surfer là-bas, même s’il me semble que techniquement elle a eu la première vague (rires). C’était un grand moment pour le surf de gros féminin et dans ma vie je ne sais pas si j’aurais une autre opportunité similaire car c’est vraiment rare. C’est spécial pour moi, aussi vis-à-vis des gens avec qui j’étais sur place, dont Chuck Patterson (un athlète de sport extrême qui fait du ski à haut-niveau mais aussi du surf de gros, c’est lui qui a skié à Nazaré l’année dernière). Il me connait depuis très jeune et m’a aidée dans toutes les phases de ma carrière. C’était très spécial de l’avoir là-bas avec moi pour me tracter.

Malgré tout, la vague la plus mémorable de ma vie aura été de prendre un tube à Jaws. J’aurais ça en mémoire pour toujours. C’était comme si le temps était passé en slow motion. Ce jour-là, l’Eddie Aikau était lancé donc il n’y avait personne, peut-être 4 personnes, ce qui est rare car à Jaws il y a toujours 80 personnes au peak et 100 caméras sur la falaise. C’était un moment spécial et cette saison 2022-2023 a été ma meilleure saison.


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